Décryptage

Pourquoi les séries scandinaves sont-elles aussi addictives ?

06 février 2025
Par Samuel Leveque
“Meurtres à Åre”, le 6 février sur Netflix.
“Meurtres à Åre”, le 6 février sur Netflix. ©Netflix

Diffusé dès le 6 février sur Netflix, Meurtres à Åre est une nouvelle illustration de l’excellence des productions scandinaves depuis plus d’une décennie.

Avec Meurtres à Åre, Netflix investit dans un genre très particulier : le polar scandinave. Ce n’est pas étonnant : les séries venues de Norvège, du Danemark ou de Suède ont envahi nos écrans depuis un peu plus d’une décennie. Et pour cause : ces pays ont une production massive de shows de très grande qualité qui s’exportent à merveille.

Des polars à l’ambiance unique

Une station de ski brumeuse, un crime inexpliqué, une inspectrice borderline sur le point de se faire renvoyer, une enquête impossible, de l’alcool, des décors spectaculaires et des secrets de famille à gogo : Meurtres à Åre a tout des clichés du polar scandinave. Plutôt pour le meilleur, d’ailleurs, puisque les deux épisodes que nous avons pu découvrir sont absolument réjouissants, notamment grâce à une ambiance très réussie et au jeu impeccable de la comédienne Carla Sehn.

Meurtres à Åre©Netflix

Tout juste pourra-t-on reprocher à la série de se conformer un peu trop aux stéréotypes du genre. Mais change-t-on une équipe qui gagne ? Le polar à la scandinave, c’est une patte identifiable que l’on a déjà retrouvée depuis quelques années dans des productions comme Bron et son crime atroce commis au beau milieu du pont reliant la Suède et le Danemark, Les meurtres de Valhalla et son tueur en série islandais, ou encore la descente aux enfers judiciaire vécue par l’héroïne de Quicksand.

Cet ensemble de caractéristiques que l’on résume parfois à « des histoires de détectives froides et tristes » forme ce que l’on a regroupé sous la bannière du « Nordic noir », un genre avant tout littéraire qui émerge en Scandinavie au début des années 1990.

Meurtres à Åre©Netflix

En réaction à une réalité sociale lisse où les conflits se vivent souvent en secret, des auteurs comme Henning Mankell, Arnaldur Indriðason ou Camilla Läckberg révolutionnent le genre en adoptant un ton froid, cru, réaliste et sans concession sur les aspects parfois hypocrites de ces sociétés décrites comme les plus heureuses et les plus développées du monde.

Le style du « Nordic noir », qui s’étend également aux territoires non scandinaves comme la Finlande ou le nord de l’Écosse, attire rapidement l’attention des producteurs de séries télévisées. Ces derniers profitent du grand vivier d’acteurs et d’actrices de talent disponible sur place, des décors naturels à couper le souffle et de la grande liberté de ton de l’audiovisuel local pour adapter nombre de ces best-sellers à l’écran.

Le tout avec un résultat habituellement soigné, une photographie pâle et bleuâtre très reconnaissable, et une approche du genre policier beaucoup plus crue et brutale que dans les productions anglo-saxonnes. Mais, dans le sillage des shows à succès comme The Killing ou Jordskott, centrées sur ces questions criminelles et judiciaires, est arrivée une longue suite d’autres séries locales à la tonalité très différente.

Un audiovisuel qui s’attaque à tous les genres

C’est une autre particularité des séries scandinaves : elles se sont fait connaître par le prisme du polar, mais se sont aussi implantées à l’étranger (et surtout dans le reste de l’Europe) par la variété des genres abordés. Des millions de spectateurs se sont ainsi passionnés pour les affres de la vie politique danoise avec Borgen, une femme au pouvoir, pour la terrifiante invasion russe de la Norvège dans Occupied ou pour l’histoire de SF intime et dramatique du feuilleton Real Humans.

La comédie scolaire Rita a dépassé les frontières danoises pour devenir un succès mondial.©Netflix

Mais cette variété ne serait rien sans la capacité de ces séries à s’exporter. Ainsi, les chaînes de télévision et les studios de production scandinaves cherchent depuis plus de 15 ans des débouchés à l’étranger avec des chaînes partenaires, ce qui explique par exemple que de nombreux programmes suédois et norvégiens aient été diffusés en France sur Arte et France Télévision.

Écrite par Jo Nesbø, la série Occupied a bénéficié d’une large diffusion en Europe.©Yellow Bird Norge

De plus, comme l’explique Erik Steigen, créateur du podcast Reels & Riffs consacré à la création audiovisuelle dans les pays nordiques, ces territoires possèdent un vivier de talents et un savoir-faire capable de produire des séries dans des registres très différents, dans des délais relativement courts et avec des moyens modestes. Ce qui explique pourquoi Hollywood s’arrache les réalisateurs du cru depuis quelques années.

Des intrigues faciles à transposer

L’autre qualité propre aux romans scandinaves et à leurs adaptations télévisées, c’est sans nul doute un certain sens de l’intime et de l’universalité, capable de conserver à la fois des intrigues extrêmement situées et ancrées dans leur territoire d’origine, mais suffisamment universelles pour se diffuser facilement à un public non scandinave.

C’est ce qui explique que de très nombreuses productions se retrouvent adaptées et transposées dans d’autres territoires sans que cela dénature le résultat. C’est le cas d’Erica, qui transpose un roman de Camilla Läckberg sur les plages d’Hossegor ; de la version américaine de The Killing se déroulant à Seattle ; ou encore de Maniac, un drama médical où Cary Fukunaga adaptait un concept danois.

Loin d’effacer leurs modèles d’origines, dont beaucoup sont largement disponibles sur les catalogues de SVOD, en DVD et sur les plateformes de replay des chaînes de télévision, ces remakes ont au contraire boosté la popularité des dramas scandinaves auprès du public mondial.

Families Like Ours, une série d’anticipation danoise sur le thème des bouleversements climatiques.©Canal+

Si Erik Steignen remarque dans son podcast que la demande de « Nordic noir » n’est plus aussi intense qu’il y a quelques années, il note par ailleurs que la demande ne faiblit pas dans d’autres genres. Espionnage, comédie, drames ou encore anticipation : en 2025, les séries venues du froid s’arrachent et n’ont pas fini de nous faire vibrer.

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