Critique

Becoming Elizabeth : amours et trahisons en clair-obscur à la cour d’Angleterre

12 juin 2022
Par Marion Miclet
Becoming Elizabeth : amours et trahisons en clair-obscur à la cour d’Angleterre
©StarzPlay

La nouvelle série royale signée StarzPlay retrace l’ascension au trône de l’iconique Élisabeth Ire, dont le règne dura toute la seconde moitié du XVIe siècle. Un récit d’apprentissage ambitieux porté par la performance fougueuse d’Alicia von Rittberg, à retrouver le 12 juin sur la plateforme Starz.

Alors que les célébrations du jubilé de la reine Élisabeth II viennent de s’achever et qu’il faut attendre jusqu’à fin 2022 pour découvrir la cinquième saison de The Crown, les fans de la monarchie anglaise peuvent prendre leur mal en patience avec la série Becoming Elizabeth, qui revient sur les années formatrices de la vie d’Élisabeth Ire.

Sachant que cette figure historique incontournable a déjà été incarnée par les comédiennes majestueuses Sarah Bernhardt, Bette Davis (deux fois), Cate Blanchett (idem) et Helen Mirren, le défi est de taille. C’est sans compter sur l’expertise de StarzPlay en matière de biopics consacrés aux têtes couronnées féminines. En effet, la chaîne a produit la trilogie The White Queen, The White Princess et The Spanish Princess, ainsi que The Great. Pourtant, Becoming Elizabeth est – tout comme la monarque qui donna son nom à l’ère élisabéthaine (1558-1603) – unique en son genre.

Avec ses faux airs de Claire Danes époque Romeo + Juliette, sa voix envoûtante et son interprétation aussi imprévisible que la météo londonienne, l’actrice allemande Alicia von Rittberg est LA révélation de cette fiction costumée créée par la dramaturge anglaise Anya Reiss. Encore adolescente, la princesse apprend la disparition de son père Henri VIII. Le roi est mort… vive la reine ? Pas si vite ! Fille unique d’Anne Boleyn, Elizabeth souffre de la réputation qui la précède (sa mère fut exécutée pour adultère) et est prise en tenailles entre sa demi-sœur aînée, la fervente catholique Marie Tudor (Romola Garai), et son demi-frère cadet Edouard VI (Oliver Zetterström).

Une princesse dans un monde d’hommes

Évidemment, c’est l’héritier masculin qui prend les commandes du royaume, et ce à un moment particulièrement trouble de son histoire. Non seulement la guerre contre l’Écosse déclenchée par le nouveau souverain (à peine âgé de 9 ans) menace de s’envenimer, mais la stricte réforme religieuse (calvinisme) qu’il introduit se déroule dans le sang et les larmes. Alors, quand et comment la couronne atterrira-t-elle sur les boucles rousses d’Elizabeth ? C’est tout l’enjeu narratif de cette première saison de huit épisodes à la mise en scène à la fois opulente et réaliste.

Filmés dans la lumière blafarde des étroites fenêtres de châteaux et dans l’obscurité chatoyante des feux de cheminée, les acteurs – tous excellents – interprètent des personnages à la morale ambiguë. Chacun se démène, en vain, pour placer ses pions et garder le contrôle dans un contexte d’alliances politiques instables et de trahisons sentimentales irréversibles.

©StarzPlay

Mention spéciale à l’acteur Tom Cullen qui incarne Thomas Seymour, une figure autant paternelle que sexuelle pour l’innocente reine en devenir. Grâce à lui, Elizabeth prend progressivement conscience de son importance à la cour. Comme elle l’explique lors d’une scène de chasse mémorable : « Je n’ai pas soif de pouvoir, j’aimerais simplement prendre des décisions pour moi-même. » Mais cela reste difficile, voire impossible, dans un monde d’hommes où le corps des femmes est à la fois le garant de leur liberté (séduire, fournir un héritier) et le réceptacle de leur déchéance (grossesse illégitime, décès en couches). Ce n’est un hasard si Elizabeth fera plus tard le choix de ne jamais se marier ni d’avoir d’enfant, ce qui lui voudra le surnom de « Reine Vierge ».

©StarzPlay

Dans la dernière saison de The Crown, dont Becoming Elizabeth partage le ton grave et grinçant, le destin tragique de Diana était symbolisé par la mort violente d’un cerf. Becoming Elizabeth reprend cette métaphore, mais la renverse : ici, la future reine d’Angleterre se bat pour son autonomie avant même sa montée sur le trône, qu’elle occupera pendant 44 ans, changeant à jamais le paysage culturel, économique et religieux du pays. En ce sens, elle a finalement plus en commun avec la série sous-estimée Victoria (disponible sur Arte.fr) qui dépeint l’arrivée au pouvoir de l’arrière-grand-mère d’Élisabeth II. Féministes malgré elles, voilà trois reines dont les parcours légendaires n’ont pas fini de nous passionner.

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