Critique

« The Handmaid’s Tale » saison 6 : les adieux intenses d’une série emblématique des années #MeToo

08 avril 2025
Par Marion Olité
"The Handmaid's Tale" saison 6 : les adieux intenses d’une série emblématique des années #MeToo
©Hulu

Deux ans et demi après la diffusion de sa cinquième salve, la série culte revient à compter du 8 avril sur Ciné + OCS pour un ultime tour de piste. Toujours portée par la puissante Elisabeth Moss dans le rôle de June Osborn, cette nouvelle saison rime plus que jamais avec révolution. Il est grand temps de faire tout péter à Gilead !

Dans le final de la saison 5 de The Handmaid’s Tale, on avait laissé June (Elisabeth Moss) dans un train pour Vancouver avec la compagnie surprise de sa meilleure ennemie, Serena (Yvonne Strahovski). La saison 6 reprend avec ces retrouvailles sous haute tension. Bientôt, leur chemin se sépare à nouveau.

Tandis que la première prépare la révolution ultime et le sauvetage de sa fille Hannah, la seconde prend la tête de la branche réformiste de Gilead. Le trailer de cet ultime chapitre composé de dix épisodes promet un final explosif, pour une série qui s’est parfois égarée d’un point de vue narratif, mais n’a jamais complètement perdu sa fougue.

Bande-annonce VOST de la saison 6 de The Handmaid’s Tale

Cinq saisons à Gilead

« Il y a intérêt à ce que la fin soit extrêmement satisfaisante au vu de la pertinence qu’elle a prise », commente une personne sous la bande-annonce, qui cumule plus de 10 millions de vues en moins de deux semaines. Une chose est sûre : l’attente est grande autour de La servante écarlate (le titre français), série adaptée du best-seller éponyme de Margaret Atwood lancée en avril 2017, quelques mois avant l’affaire Harvey Weinstein (et donc #MeToo). Les thématiques de l’œuvre – le droit des femmes à disposer de leurs corps, les violences sexuelles et conjugales, la sororité – ont résonné intensément avec celles de la quatrième vague féministe.

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Menée par le showrunner Bruce Miller, cette dystopie féministe prend place dans une société fasciste où les femmes américaines ont perdu leurs droits fondamentaux, à la suite d’une crise de la fertilité en Occident et d’une montée en puissance du puritanisme. Celles encore fertiles sont réduites en esclavage sexuel pour les familles les plus puissantes de Gilead.

Depuis la première saison, on suit, la rage au ventre, le combat de June, asservie au Commandant Fred Waterford (Joseph Fiennes), puis résistante de plus en plus aguerrie. Mais aussi celui de ses proches, Moira (Samira Wiley) et Luke (O-T Fagbenle), de ses compagnes d’infortune, Janine (Madeline Brewer), Emily (Alexis Bledel) et bien d’autres.

Handmaids Tale servantes écarlates

Les servantes écarlates dans The Handmaid’s Tale

The Handmaid’s Tale a été largement acclamée par la critique pour son propos actuel, son female gaze – notamment les séquences de viols ritualisés filmées du point de vue de June. Au fil des saisons, la série a essuyé des avis plus nuancés, à commencer par son choix de ne pas « voir les couleurs ».

En n’abordant pas les problématiques raciales, elle a de facto exclu toute réflexion intersectionnelle et est tombée dans un écueil familier de la pop culture : reléguer ses personnages racisés au second plan. D’autre part, ses nombreuses scènes insoutenables de violences sexistes et sexuelles envers les personnages féminins (viols, mutilations, meurtres, coups…) en ont laissé plus d’un·e sur le carreau.

La fiction a été accusée de verser dans le torture porn, soit une violence graphique et gratuite (que l’on peut voir dans Game of Thrones ou dans les scènes d’accouchement de House of the Dragon). On peut toutefois arguer que cette violence envers les personnages féminins ne peut pas se dérouler complètement hors champ dans une série comme La servante écarlate, puisque c’est celle-là même que combat son héroïne. Par ailleurs, dès ses débuts, l’œuvre est émaillée de fabuleux moments de révolte qui viennent faire contrepoids : June et les servantes qui refusent de lapider Janine, Emily qui vole une voiture et roule sur un gardien, l’explosion au Centre rouge…

Vivre avec ses traumatismes

Et puis Bruce Miller a entendu ces critiques : The Handmaid’s Tale freine sur les scènes graphiques au fil des saisons. June parvient enfin à s’enfuir de Gilead dans la quatrième salve et à se venger de son oppresseur, Fred Waterford (Joseph Fiennes). Le cinquième volet se recentre quant à lui sur la relation complexe qui unit Serena et June, les deux cœurs battants du show, interprétés avec toujours autant de bonheur par Elisabeth Moss et Yvonne Strahovski, au jeu d’une grande subtilité.

June et Serena Handmaids Tale

Yvonne Strahovski et Elisabeth Moss dans la saison 6 de The Handmaid’s Tale

Cette sixième livraison continue de creuser cette relation à la dynamique de pouvoir changeante. Plus pieuse que jamais, Serena désire ardemment le pardon de June, qui ne parvient pas à lui accorder. « Le changement prend du temps », lui dit-elle.

Chacune retourne en quelque sorte à ses racines : en plein complexe du Messie, Serena devient l’égérie de la nouvelle Bethléem, une version soft de Gilead où les femmes disposent de leurs libertés fondamentales. Elle retombe dans ses vieux schémas auprès d’un nouveau Commandant, incarné par l’excellent Josh Charles, un ajout bienvenu au casting de cette saison 6. « Tu te soumets encore à un homme puissant », lui fait remarquer June.

Max Minghella Josh Charles

Max Minghella et Josh Charles dans la saison 6 de The Handmaid’s Tale

Le personnage de Serena est un portrait inconfortable, mais juste, des femmes blanches qui perpétuent l’ordre établi et ne font que s’adapter aux changements autour d’elles par opportunisme, sans véritablement changer elles-mêmes. Elles n’y sont forcées que quand leur position se trouve menacée.

De son côté, June allie mission personnelle – extraire sa fille de Gilead – et collective – initier une révolution et tuer la majorité des Commandants. Ce qui ne va pas sans heurts, sans erreurs tragiques et remises en question. Devenue un symbole de résistance, elle n’est pas dépeinte pour autant comme la parfaite passionaria.

June dans la forêt Handmaids Tale

Elisabeth Moss dans The Handmaid’s Tale

Elle mène d’abord une vengeance personnelle, elle est amoureuse d’un Commandant (son histoire avec Nick rappelle ces femmes tombées amoureuses de cadres nazis pendant la Seconde Guerre mondiale) et se pense parfois supérieure à ses camarades de lutte.

Ce qui nous amène à l’une des grandes thématiques de ces derniers épisodes : comment vivre avec ses traumatismes ? Dans une autre scène de la saison, Moira et June se brouillent sur la meilleure façon de faire tomber le régime de Gilead et en viennent à comparer (et même à hiérarchiser) leurs traumatismes respectifs.

Elizabeth Moss Samira Wiley Handmaids Tale

Elisabeth Moss et Samira Wiley dans The Handmaid’s Tale.

Il y a les victimes du régime et comment elles vont continuer à survivre après. Et celles qui ont pris lentement conscience de leurs actions – Serena et Tante Lydia (Ann Dowd) –, mais qui ne comprennent pas qu’elles ne peuvent les effacer d’un coup de baguette magique et que la première chose à rendre à une victime, c’est sa capacité d’agir.

La saison 6 de The Handmaid’s Tale se dévore (nous avons visionné huit épisodes sur dix) sans déplaisir. Mais force est de constater que la série, désormais showrunnée par Eric Tuchman et Yahlin Chang, se perd dans des dialogues sur-explicatifs et des retrouvailles forcées.

Ann Dowd Handmaids Tale

Ann Dowd dans The Handmaid’s Tale

Trouver le juste équilibre entre les adieux des personnages, la résolution des intrigues et un arc narratif qui tient la route sur une saison est une mission compliquée. Si le casting reste toujours aussi costaud, ce qu’on lui donne à jouer sent la resucée. Ses gimmicks visuels – musique épique et regards face caméra d’Elisabeth Moss qui avance en gros plan – ont, eux aussi, vécu.

Depuis sa saison 3, le show bute sur les limites de son concept. On a suivi plus d’une fois un cycle narratif harassant : l’espoir, la mise en place d’un plan, sa mise à exécution, son échec et sa répression implacable. Bis repetita. Coincées dans ce schéma sans fin, avec des méchants de plus en plus caricaturaux, les dernières saisons ont perdu en subtilité. Il était grand temps que The Handmaid’s Tale tire sa révérence.

Sous la robe, la grenade

Le début de sa diffusion, il y a sept ans, a été marqué par le premier mandat de Donald Trump comme Président des États-Unis et l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022, qui protégeait l’avortement dans la Constitution fédérale. Dans le sillage de #MeToo, les robes rouges et les coiffes blanches des servantes de The Handmaid’s Tale sont alors apparues dans les manifestations féministes.

Créées par la costumière Ane Crabtree et destinées à déshumaniser celles qui les portent, ces fameuses robes écarlates deviennent des armes dans cette ultime saison : « La robe est devenue un uniforme et nous sommes devenues une armée », lance June en voix off. Dans la série et dans la vie, ce costume est devenu un symbole féministe puissant.

Ever Caradine Bradley Whitford Handmaids Tale

Ever Carradine et Bradley Whitford dans The Handmaid’s Tale

Cette saison 6 arrive à un autre tournant des États-Unis. Réélu Président des États-Unis fin 2024, Donald Trump a pris ses fonctions en janvier 2025 et le monde ressemble soudain aux flashbacks pré-Gilead de The Handmaid’s Tale. Entouré de personnalités qui rivalisent de virilisme et de puritanisme (J.D. Vance et Elon Musk, pour ne citer qu’eux), le président américain s’emploie à saper la démocratie en interdisant des mots comme « femme » ou « trans », en censurant des livres, dont La servante écarlate de Margaret Atwood, ou en niant la crise écologique.

Les premières victimes de cette vendetta contre les avancées progressistes de ces dernières années sont les femmes et les minorités. De l’aveu de sa romancière, elle a bâti le monde de The Handmaid’s Tale en s’inspirant de divers moments de l’Histoire mondiale. Et l’histoire se répète. La série était un avertissement, et nous ne l’avons pas (assez) écoutée.

Elisabeth Moss Handmaids Tale

Elisabeth Moss dans The Handmaid’s Tale

Pour autant, devant et derrière la caméra, la résistance s’organise. En plein retour de bâton (un « backlash », phénomène de reflux après une percée progressiste), Bruce Miller, le créateur de la série, a retroussé ses manches pour travailler sur sa suite, Les Testaments. Adaptée du roman éponyme de Margaret Atwood publié en 2019, cette nouvelle fiction prendra place 15 ans après les événements de la saison 6 de The Handmaid’s Tale. Pour nous donner un aperçu de notre futur ?

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