Décryptage

Donald Trump, une inspiration satirique pour la pop culture ?

08 novembre 2022
Par Lisa Muratore
Donald Trump, une inspiration satirique pour la pop culture ?
©Midwestern Films

L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche a eu un impact considérable sur le divertissement. Sous son ère, la fiction est devenue un lieu d’engagement. Son élection et sa politique, nourries des prémonitions passées, ont poussé les artistes à réfléchir à l’image du 45e Président des États-Unis.

Alors que les élections de mi-mandat de Joe Biden se dérouleront le 8 novembre 2022 aux États-Unis, l’ombre de Donald Trump continue de planer sur la Maison-Blanche et d’influencer la politique du pays. Cette omniprésence, on la retrouve également au cinéma et à la télévision, depuis plusieurs décennies. Elle se concrétise d’abord sous forme de caméos humoristiques, et innocents, mettant en scène l’homme d’affaires. En revanche, aujourd’hui, la tendance semble s’inverser, à tel point que la fiction souhaite détruire ce qu’elle a participé à créer.

Durant le mandat de Donald Trump, showrunners et cinéastes ont produit des créations satiriques, plus ou moins subtiles, ridiculisant l’ancien Président et pointant les défauts de son administration. D’autres se sont attaqués frontalement à l’homme politique – ainsi qu’à son physique – en imaginant les pires scénarios, et certaines productions n’ont jamais eu autant d’écho que dans l’Amérique trumpienne.

Trump, un sujet prémonitoire

Les incursions de Trump dans la pop culture sont nombreuses. Elles se manifestent d’abord dans la littérature et le cinéma. On pense à American Psycho (1991), dans lequel Patrick Bateman voit l’homme d’affaires comme un modèle à suivre, mais aussi à Maman, j’ai raté l’avion (1992), Celebrity (1998) ou encore que Zoolander (2001), dans lesquels il joue son propre rôle.

Cela marque les premières traces de Donald Trump dans la culture populaire. Plus tard, les films et les séries uchroniques comme Retour vers le futur 2 (1989), Les Simpson (1989), Idiocracy (2006) ou The Plot Against America (2020) ont été analysés comme des anticipations à son élection. Par exemple, Biff Tannen, dans le film de Robert Zemeckis, a largement été inspiré par le physique de Donald Trump, ainsi que son statut de magnat des finances.

Quand les Simpson prédisaient le mandat de Trump.

Le film Idiocracy (2006) s’analyse aujourd’hui comme une comédie satirique présentant un avenir dystopique, proche de ce qu’a renvoyé l’Amérique de Trump. Le moment le plus marquant reste cependant la prémonition aujourd’hui effrayante des Simpson, qui a réussi à prédire son élection dans l’épisode Bart in the Future (2000).

Un physique sujet à moqueries

Difficile de séparer l’homme du physique tant celui de Donald Trump est indissociable des caricatures présentées dans la pop culture. On pense évidemment au postiche qui lui sert de chevelure, moqué dans Les Simpson alors qu’Homer voyage à travers la mèche rebelle du Président des États-Unis. De plus, actualité oblige, Donald Trump a longtemps été l’un des sujets de prédilection du Saturday Night Live, mythique émission américaine, dans laquelle Alec Baldwin a pendant plusieurs semaines imité les mimiques et la posture du chef de l’État.

Bande-annonce de The Comey Rule.

On pense aussi à The Comey Rule (2020), série dans laquelle Brendan Gleeson se métamorphose en Donald Trump. Outre le discrédit jeté sur la diplomatie du Président à l’égard des membres de sa propre administration, ainsi que sur ses relations compliquées avec le directeur du FBI, James Comey, la série s‘appuie sur une imitation sans faille du chef de l’État. Brendan Gleeson reproduit sa gestuelle, sa façon de parler, tout en adoptant un look criant de réalisme.

Trump, le rejet de tout un système

Dès l’élection de Trump, plusieurs voix se sont levées pour contester son investiture. Encore une fois, la réalité a inspiré la fiction. C’est le cas dans House of Cards (2013), qui, au moment de l’élection de Frank Underwood, a repris le slogan des électeurs anti-Trump : Not my president. De son côté, la série satirique South Park (1997) a comparé dans l’épisode New Président son investiture et l’arrivée des Républicains au pouvoir à l’attaque de l’Empire Galactique de Star Wars (1977). Dans un genre différent, on pense également à la saison 7 d’American Horror Story: Cult (2017) dans laquelle la peur des Républicains est comparée à de la coulrophobie (la peur des clowns).

L’épisode « New President » de South Park.

D’autres créations se sont, quant à elles, attaquées au système trumpien. Dans le film Borat 2 (2020), Sacha Baron Cohen tacle les antivax ou encore les centres anti-avortement, symboles de sa présidence. Mieux encore, il s’invite à un rassemblement Républicain dans l’espoir de croiser le vice-président, Mike Pence, travesti dans un costume du chef de l’État, une blonde pulpeuse sur l’épaule.

Cela fait aussi écho aux frasques sexistes de Trump et à celles de son entourage. Ce système misogyne entourant son gouvernement a été visé à travers la série The Loudest Voice (2019) et le film Scandale (2019). Ces créations pointent les agressions sexuelles du fondateur de la chaîne d’information conservatrice, proche de Trump, Roger Ailes, mais aussi la méthode des fake news.

Une politique moquée

Les mesures politiques de Donald Trump ont largement inspiré la pop culture, à commencer par son idée d’ouvrir un département des forces spatiales américaines – qui est le point de départ de la série Space Force (2020). Si le Président des États-Unis n’est pas montré directement face à la caméra, les personnages le décrivent comme un homme capricieux et mégalo, prêt à tout pour atteindre un objectif lunaire.

Bande-annonce saison 1 de Space Force.

Don’t Look Up (2021) d’Adam McKay a pointé du doigt l’inaction écologique du Président. Meryl Streep y reprend tous les codes de l’éco-scepticisme du chef de l’État face à un Léonardo DiCaprio et une Jennifer Lawrence effrayés par un tel déni.

On doit aussi évidemment citer Years and Years (2019), une série britannique pas si dystopique que ça. Dans cette création, on suit notamment l’ascension de la populiste Vivienne Rook, interprétée par Emma Thompson. Si elle incarne la candidate du 10 Downing Street, ses idées sur l’immigration rappellent tristement celles sur lesquelles Trump a bâti sa campagne en 2016, en particulier celle relative à la construction du mur entre les États-Unis et le Mexique.

Des créations qui font écho à la présidence de Trump

Plusieurs créations, comme The Good Fight (2017), se sont attaquées frontalement au Président Trump, discutant ouvertement de sa destitution. D’autres ont connu une résonance plus large durant son mandat. Elles servent de lanceuses d’alerte à travers les thématiques abordées et les changements sociétaux. Qu’elles soient satiriques ou non, elles deviennent un outil d’apprentissage divertissant pour le spectateur.

Bande-annonce de Mrs America.

On pense à La Servante écarlate (2017) et à Mrs America (2020) sur le droit des femmes, apparues dans un contexte post-#MeToo. Dear White People (2017) rappelle les fortes tensions raciales et la montée en puissance du mouvement Black Lives Matters face au suprémacisme blanc encouragé par Donald Trump. Quant à Succession (2018), difficile de ne pas faire le parallèle entre la dysfonctionnelle famille Roy et la dynastie Trump, magnat des finances et de la télévision.

Le Président des États-Unis comme cible de choix de la pop culture

Le cinéma et les séries s’inspirent depuis longtemps des présidents américains. Si les biopics sont un genre privilégié, certaines créations cinématographiques se sont également attachées à raconter les scandales qui ont éclaboussé les présidences américaines. On pense aux Hommes du Président (1976) sur l’affaire du Watergate, ou à la saison 3 d’American Crime Story (2021) sur la relation extra-conjugale entre Bill Clinton et Monica Lewinsky. D’autres, encore, ont joué sur la caricature quitte à changer l’histoire.

Bande-annonce de W : L’Improbable Président.

C’est le cas dans Abraham Lincoln, chasseur de Vampires (2012). Parmi les Présidents dont la pop culture raffole, on retrouve évidemment John F. Kennedy pour le fantasme et les questions que sa mort soulève, mais surtout George W. Bush. Son administration, sa manière de gérer la crise post-11 septembre et sa politique ont souvent été décriées. On pense à W : l’improbable Président (2008), mais aussi à Vice (2018) d’Adam McKay. Les frasques des Présidents américains semblent être l’un des sujets de prédilection du réalisateur. En seulement quatre ans, le cinéaste a pris pour cible deux figures de l’administration républicaine, des objets de satire et des cibles idéales dont raffole la pop culture contemporaine.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste