Décryptage

Les biopics musicaux débarquent en streaming, et ça s’annonce très rock

04 juin 2022
Par Héloïse Decarre
Aux manettes de la minisérie Pistol, on trouve un réalisateur pourtant habitué du grand écran, Danny Boyle.
Aux manettes de la minisérie Pistol, on trouve un réalisateur pourtant habitué du grand écran, Danny Boyle. ©Disney+

Crêtes iroquoises et cuirs cloutés : les punks déferlent sur Disney+ avec Pistol, une minisérie retraçant l’histoire des Sex Pistols. Une nouveauté dans l’univers du biopic musical, jusqu’à présent habitué du grand écran. Et ce n’est peut-être que le début… Car du côté de Netflix, c’est une série sur le groupe U2 qui prend forme.

Le punk n’est pas mort… Il reprend bien vie, et ça se passe sur une plateforme de streaming. Depuis le 31 mai, la minisérie Pistol, créée par Danny Boyle, est disponible sur Disney+. Revenant sur l’histoire brève mais chaotique des Sex Pistols, la série raconte comment le mythique groupe britannique a fait trembler l’ordre établi, sur fond de crise sociale et de thatchérisme, tout cela en six épisodes.

La série, là où la star devient un héros

Six épisodes d’une cinquantaine de minutes chacun : le choix est inédit pour un biopic musical. Jusqu’ici, le format qui dominait dans le genre, c’était bien le film. Walk the Line, The Runaways, Bohemian Rapsody, et bientôt Elvis… C’est sur grand écran que la vie des stars du rock, comme de tous les genres musicaux, a toujours été retracée. C’est ce que rappelle Philippe Gonin, maître de conférences en musicologie à l’université de Bourgogne. « Les biopics musicaux existent quasiment depuis que le cinéma existe. Un des premiers doit être un film sur Wagner [réalisé par Carl Froelich, ndlr], qui date de 1913 ! », explique-t-il.

Plus de 100 ans plus tard, le passage au format série est, selon Philippe Gonin, surtout dû à des considérations narratives. « La série permet de suivre un héros sur plusieurs épisodes : on a envie de savoir ce qu’il devient d’un épisode à un autre… Et là, le héros, ça devient Johnny Rotten ou Bono ! », s’amuse le professeur. Une scénarisation de la réalité, à grand coup de cliffhangers et de retournements de situation, qui plaît et rend le public addict. Des procédés qui pourraient pourtant faire craindre un manque de fidélité à l’histoire d’origine…

De la réalité à la fiction, il n’y a qu’un cliffhanger

« C’est du “biopic-fiction”, suggère Philippe Gonin. Il y aura toujours une part de subjectivité là-dedans, d’autant plus qu’on part souvent de la version d’un seul des membres du groupe. » C’est le cas pour la série Pistol, adaptée des mémoires du guitariste des Sex Pistols, Steve Jones. Ce qui n’a d’ailleurs pas du tout plu au leader historique du groupe, John Lydon, alias Johnny Rotten. Ce dernier a même tenté d’interdire l’utilisation de la musique du groupe dans la série. Un conflit qui s’est transformé en bataille judiciaire… que Rotten a perdu. Véritable raison du clash : l’image que renverrait la série du leader du groupe, « hostile et peu flatteuse » à son goût.

Si les biopics musicaux en séries sont encore rares, les plateformes de streaming sont aussi très friandes de documentaires, qui empruntent certains codes du petit écran, comme The Beatles: Get Back, de Peter Jackson. ©Disney+

Solution pour éviter les visions subjectives ou les écarts avec la réalité : le documentaire musical. Quoique… Lui aussi plébiscité par les plateformes, il adopte de plus en plus les codes de la série. Il se découpe en plusieurs épisodes, comme The Beatles: Get Back (sortie sur Disney+ l’année dernière), comportant tout de même trois épisodes de plus de deux heures chacun. Certains sont aussi scénarisés et ponctués de cliffhangers, comme Johnny par Johnny (visible depuis le mois de mars sur Netflix), composé de cinq épisodes d’une trentaine de minutes.

Mais, au final, qu’on parle de « biopic-fiction » ou de « biopic-documentaire », l’importance n’est pas là. Ce qui compte, pour les plateformes, c’est surtout de pouvoir diffuser du contenu autour de ces groupes cultes.

Plus de contenus sur des musiciens mythiques pour plus d’abonnés

Un contenu qui entretient le mythe et qui attire un public de fans qui ne passera à côté d’aucun produit dérivé. Et dont les oreilles sont un peu frustrées, après ces années de pandémies. « Les gens ne sont pas totalement revenus dans les salles de concert, et le fait d’avoir ce genre de choses sur les plateformes, ça permet de le vivre quand même », pointe Philippe Gonin.

Et même si le rock n’est peut-être plus aussi populaire qu’il a pu l’être, ce n’est pas par hasard que ce style musical émerge dans les productions des géants du streaming, selon le musicologue. « Quoi qu’on en dise, le rock fait partie de l’histoire de la musique avec un grand “M”, assure-t-il. C’est une musique qui a marqué la deuxième moitié du XXe siècle, et qui marque aujourd’hui toutes les générations. »

Racontée par Johnny Hallyday lui-même, la vie du rockeur est découpée en cinq épisodes d’une trentaine de minutes dans le documentaire Johnny par Johnny, diffusé sur Netflix.©Netflix

Ces références transgénérationnelles sont des valeurs sûres, d’autant plus qu’elles sont pilotées par des grands noms du cinéma. Danny Boyle (Trainspotting, La Plage, Slumdog Millionaire…) pour Pistol, Peter Jackson (père des adaptations de J.R.R. Tolkien au cinéma) pour The Beatles: Get Back, et, aux manettes de la série sur U2 annoncée par Netflix, nul autre que J.J. Abrams (Star Trek, Super 8, Lost…).

Tous les ingrédients sont réunis pour attiser la curiosité du public et la prise de risque est minime. Si le biopic est un genre qui fonctionne auprès des spectateurs depuis l’aube du septième art, c’est parce qu’il permet aux fans de se sentir plus proches de leurs idoles. Et cette impression de proximité est démultipliée par le format sériel. « Ça donne le sentiment, peut-être, d’approcher d’encore plus près le héros, d’entrer dans son intimité, détaille Philippe Gonin. Et ça, le fan adore ! » Et oui, parce que plus d’épisodes, c’est forcément plus de détails croustillants !

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Article rédigé par
Héloïse Decarre
Héloïse Decarre
Journaliste