Critique

Asura : pourquoi la série d’Hirokazu Kore-eda est déjà un incontournable

08 janvier 2025
Par Samuel Leveque
“Asura”, le 9 janvier sur Netflix.
“Asura”, le 9 janvier sur Netflix. ©Netflix

La série Netflix adapte avec maestria le best-seller classique japonais sur le thème de la famille. Pas étonnant, étant donné son réalisateur au palmarès conséquent.

On le connaît avant tout pour son immense sens de la mise en scène de drames familiaux. Hirokazu Kore-eda, palme d’or 2018 pour son film Une affaire de famille, semble désormais s’intéresser de près au format sériel. Deux ans après sa formidable série Makanai : dans la cuisine des maiko, le voici de retour avec Asura, adaptant un classique de la littérature japonaise qui paraît taillé pour son style et ses obsessions.

L’œuvre culte d’une autrice phare de la littérature japonaise

Asura, c’est avant tout une œuvre bien connue de la plupart des lecteurs et des téléspectateurs japonais. Il s’agit à l’origine d’un scénario télévisé écrit en 1979 par Kuniko Mukōda, reine des romans mettant en scène la vie quotidienne des familles nipponnes, et couronné d’un immense succès lors de sa diffusion sur la chaîne publique NHK.

Ce drame intimiste, mettant en scène quatre sœurs se réunissant et se déchirant tour à tour autour d’un terrible secret, avait alors parfaitement su capter l’air du temps et maintenir des millions de téléspectateurs en haleine pendant des mois. Et ce, notamment parce qu’il montrait un Japon en pleine modernisation, où la structure traditionnelle du foyer commençait à être remise en question.

L’adaptation de 2003 par Yoshimitsu Morita est un classique du cinéma japonais.©Toho co. ltd, hakuhodo inc the main

Dès 1980, l’autrice signe le roman Asura no Gotoku, qui adapte sa propre série, et livre un des plus gros best-sellers japonais de la période. Depuis lors, l’œuvre enchaîne les adaptations à succès à la télévision, au cinéma et au théâtre, s’étant rapidement hissée au rang de classique intemporel. En 2003, Une famille dans la tourmente fait même le chemin jusqu’à nous, via une petite sortie cinéma avec Brigitte Fontaine dans la bande-son.

Une adaptation sur mesure

Près de 20 ans plus tard, c’est donc sur Netflix que débarque une nouvelle adaptation de la saga. Diffusée dès ce 9 janvier, Asura met les moyens pour attirer les spectateurs. En effet, la série propose des décors et des cadrages somptueux recréant avec délicatesse l’ambiance du Japon de la fin des seventies, et présente de grandes vedettes japonaises au casting.

On retrouve notamment Rie Miyazawa (The Naked Director), parfaite en femme au foyer désespérée, et Suzu Hirose, la jeune et talentueuse interprète du drama au succès mondial Hold my Hand at Twilight, dans un rôle de jeune serveuse tiraillée entre émancipation et traditions familiales.

©Netflix

L’histoire reprend, dans les grandes lignes, celle de la série télévisée de 1979 : lors d’une réunion de famille, les quatre sœurs Takezawa, issues d’une famille a priori aimante et sans histoire, découvrent la double vie de leur père. Il aurait vraisemblablement mené une existence parallèle avec sa maîtresse, liaison qui aurait donné lieu à la naissance d’un enfant.

Passé le choc initial, les sœurs décident de s’organiser pour cacher la vérité à leur mère, à la santé déclinante, ce qui les conduit à faire face à leurs propres secrets. Et si cette famille camouflait en réalité bien plus de non-dits et de rancœurs qu’elle ne le laissait paraître ?

La série fait la part belle à une jeune génération d’actrices talentueuses.©Netflix

Sans moderniser l’intrigue ni la transposer en 2024, Asura assure le spectacle avec des scènes de drame tendues, une pointe d’humour ironique et, surtout, une magnifique comédie de mœurs ancrée dans le Japon du miracle économique des années 1970. Une réussite à l’écriture particulièrement acerbe qui n’est pas étrangère au travail de son réalisateur, Hirokazu Kore-eda.

Kore-eda s’en donne à cœur joie

Qui de plus avisé que Kore-eda pour une série qui évoque des carences familiales et des non-dits imbriqués les uns dans les autres ? De Still Walking à Une affaire de famille, en passant par Nobody Knows et Notre petite sœur, le très prolifique réalisateur japonais a fait des drames intimistes son thème de prédilection. Et particulièrement des drames domestiques dont l’absence ou la défaillance paternelle est un enjeu central.

©Netflix

Ici, on se trouve dans du Kore-eda chimiquement pur : un père absent, une mère déclinante, un huis clos dans lequel la famille vole en éclats, se ressoude et se réinvente, le tout dans des ambiances tendues servies par une photographie superbe. Asura est la bonne histoire confiée au bon réalisateur, et c’est un véritable plaisir de commencer l’année des dramas japonais sur une production aussi soignée. D’autant plus que les autres adaptations d’Asura no Gotoku restent à ce jour largement indisponibles en français : il s’agit donc de la manière la plus simple de se plonger dans un classique intemporel nippon imaginé il y a déjà 45 ans par Kuniko Mukōda.

À partir de
52,56€
En stock
Acheter sur Fnac.com

À lire aussi

Article rédigé par
Pour aller plus loin