Critique

Murderbot est-il la version comique de The Mandalorian ?

15 mai 2025
Par Thomas Ducres
“Murderbot”, série en dix épisodes, le 16 mai 2025 sur Apple TV+.
“Murderbot”, série en dix épisodes, le 16 mai 2025 sur Apple TV+. ©Apple TV+

Sur un marché saturé de séries futuristes filmées à l’autre bout de l’univers, Apple TV+ tente de sortir du lot avec une fiction intergalactique en dix épisodes où le héros principal est un robot loser moins passionné par les êtres humains que par sa propre crise d’identité et les soap operas.

Connaissez-vous Optimus, le robot développé par Elon Musk et Tesla dans le but de vous aider à faire vos courses, porter des objets lourds ou travailler dans les usines ? Depuis quatre ans, cette histoire plus réelle qu’un pitch de série Netflix passionne la communauté geek, au point que la publication ce 13 mai d’une vidéo dudit robot en train de danser a encore une fois mis en alerte celles et ceux qui redoutent notre « grand remplacement » par des humanoïdes plus intelligents et plus forts que nous. 

Aussi incroyable (et flippante) soit cette innovation, niveau cynisme, elle n’arrivera jamais à la cheville de Murderbot, la nouvelle création originale d’Apple TV+ pilotée par les frères Paul et Chris Weitz – à qui l’on doit deux films majeurs des années 2000 (American Pie et About a Boy).

Vingt ans plus tard, ils signent une fresque SF en dix épisodes à des années-lumières de Lost in Space (Netflix), puisqu’il est ici question d’une adaptation de Journal d’un AssaSynth de Martha Wells, avec, au premier plan, un humanoïde chargé de protéger une colonie spatiale de potentiels dangers.

Alexander Skarsgård dans Murderbot.©Apple TV+

Sauf que notre héros de métal est un énorme flemmard qui parle des êtres humains comme de « ses clients stupides » et préfère mater en boucle des space soap operas. Les nostalgiques du Bender de Futurama peuvent déjà se frotter les mains.

Quand Star Wars croise Severance

Le « SecUnit » de Murderbot porte donc une armure, protège des gens qu’il ne comprend pas et préférerait tout simplement être ailleurs. Manque de bol pour lui : même s’il a réussi à s’auto-hacker pour se libérer de ses lignes de code, le C-3PO cynique incarné par Alexander Skarsgård est très loin de Din Djarin.

Alexander Skarsgård et David Dastmalchian dans Murderbot.©Apple TV+

Antihéros improbable d’Apple TV+ au croisement entre un Terminator introverti et un fonctionnaire en burn-out ayant passé trop de temps devant Severance, le robot obnubilé par ses longs monologues intérieurs inaugure à sa manière un sous-genre inédit, à cheval entre Star Wars, The Office et Real Humans : 100 % humain, la série suédoise de 2013 où était déjà questionnée notre dépendance aux robots domestiques.

Noma Dumezweni, Tamara Podemski, David Dastmalchian, Tattiawna Jones, Akshay Khanna et Sabrina Wu dans Murderbot.©Apple TV+

Dans Murderbot, pas d’angoisse métaphysique sur notre rivalité avec les ordinateurs, comme c’était le cas dans le visionnaire 2001 de Kubrick avec HAL, mais un second degré et demi tantôt drôle, tantôt malaisant, qui nous plongea dans la psyché de cet humanoïde de deux mètres incapable de regarder les humains dans les yeux, mais très doué pour sortir de vraies punchlines dès qu’il est question de pointer leurs faiblesses. Un traitement inédit qui fait de cette production un ovni au rayon des séries spatiales.

Drôle de succession pour Alexander Skarsgård

Là où The Mandalorian doit une partie de son succès à Pedro Pascal (souvent drôle sous ses airs héroïques), Murderbot peut aussi compter sur un choix étonnant : Alexander Skarsgård, déjà repéré par les fans de Succession dans le rôle de Lukas Matsson, le milliardaire sarcastique qui ruine sadiquement la fortune de la famille Roy. 

Tamara Podemski et Noma Dumezweni dans Murderbot.©Apple TV+

Dans la série d’Apple TV+, l’acteur suédois brille dans le contre-emploi en imposant un faux rythme permanent où l’humour devient psychologique : on plonge dans ses réflexions de robot plus humain qu’il n’y paraît (comme auraient pu le dire les Daft Punk) tout au long de ces dix épisodes qui souvent rappellent la devise de Seinfeld : « A show about nothing. »

Non, Murderbot n’est pas une énième série à sabres laser et grosses scènes d’actions avec de gros vaisseaux explosant dans l’espace ; ici, tout l’intérêt réside dans le vide et les ping-pong parfois banals entre le robot et l’équipage, notamment avec David Dastmalchian (aka Gurathin), vu dans Dune et Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, mais aussi dans Oppenheimer de Christopher Nolan.

Un Mandalorien qui veut qu’on lui foute la paix

Au final, ce qui rend Murderbot comique, ce n’est pas l’arrosage traditionnel du « dix blagues par minute », mais le malaise qui plane. Là où Mando cherche la Force, la série d’Apple TV+ cherche la télécommande. Le robot sauve des vies, mais en râlant. Il cogne fort, mais sans plaisir. Il n’est pas un héros en quête de rédemption, juste un robot angoissé réalisant son boulot du mieux qu’il peut en attendant de retrouver… sa série débile préférée.

Alexander Skarsgård dans Murderbot.©Apple TV+

Pas certain que cet entre-deux permettra à la production de trouver son public, mais, à l’heure des débats sur l’IA et notre nouveau meilleur ami ChatGPT, elle a le mérite de proposer des réflexions intéressantes pour mieux comprendre ce robot qui méprise gentiment les humains. Alors non, Murderbot n’est pas un pastiche de The Mandalorian.

C’est plutôt son cousin antisocial, paumé dans un monde qu’il déteste et qui gagnera son humanité non pas à force de nobles actes, mais en acceptant, à contrecœur, d’aimer un peu ses « clients ». « Dans l’espace, personne ne vous entendra crier », disait la publicité pour l’Alien de Ridley Scott. Se marrer discrètement sous le scaphandre, avec Murderbot, par contre, c’est possible.

Murderbot, série en dix épisodes, dès le 16 mai sur Apple TV+.

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