Critique

Love, Death & Robots, saison 4 : toujours plus haut, toujours plus étrange

15 mai 2025
Par Sarah Dupont
“Love, Death & Robots”, saison 4, dès le 15 mai 2025 sur Netflix.
“Love, Death & Robots”, saison 4, dès le 15 mai 2025 sur Netflix. ©Netflix

La série d’anthologie made in Netflix reprend du service ce 15 mai sur la plateforme. Elle livre un quatrième volet d’épisodes incontournables.

Depuis ses débuts en 2019, Love, Death + Robots s’est imposée comme un ovni dans le paysage sériel. Créée par Tim Miller (Deadpool) et produite avec David Fincher (Fight Club), cette anthologie animée pour adultes défie les formats classiques : chaque épisode est un court-métrage indépendant, oscillant entre SF, satire, horreur et poésie. La série est devenue un terrain de jeu pour les studios d’animation les plus audacieux et les scénaristes les plus barrés, où tout – vraiment tout – peut arriver.

Avec cette quatrième saison, mise en ligne le 15 mai, la production reste fidèle à son ADN. Les dix épisodes qui la composent donnent une fois encore l’impression de sauter d’un univers à un autre sans ceinture de sécurité. Les histoires s’amorcent avec force, parfois avec brio, mais s’éteignent presque aussitôt, laissant le spectateur sur le seuil d’un monde qu’il n’a pas eu le temps d’apprivoiser.

De plus, cette nouvelle livraison s’offre un casting créatif prestigieux : Fincher est de retour, Miller reprend la barre, Jennifer Yuh Nelson (Kung Fu Panda 2), Patrick Osborne (Les nouveaux héros) ou encore Emily Dean (déjà remarquée dans la saison 3) signent des segments très différents, parfois inégaux, mais toujours singuliers.

Can’t Stop

Premier choc visuel de cette salve, Can’t Stop ne pouvait porter meilleur nom. Réalisé par David Fincher, l’épisode ouvre la saison 4 avec un hommage électrisant aux Red Hot Chili Peppers. On y revit leur légendaire concert de 2003 au Slane Castle, près de Dublin, le tout sous la forme d’une animation saisissante où les musiciens prennent l’allure de poupées articulées, fidèles jusque dans les moindres détails : les tatouages d’Anthony Kiedis, toujours torse nu, ou la tignasse de John Frusciante.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Sur fond de morceau culte, les images s’enchaînent comme un rêve halluciné : d’une scène à l’autre, d’une foule à l’autre, dans une montée d’adrénaline qui semble ne jamais vouloir redescendre. Fincher capture l’essence même de la démesure scénique, mais laisse entrevoir, en filigrane, l’usure que cette intensité suppose. Une ouverture en fanfare.

Note : 8/10

Minirencontres du troisième type

Changement radical de ton avec ce court délire visuel réalisé par Robert Bisi et Andy Lyon. L’épisode nous plonge dans une esthétique de diorama kitsch, comme si des figurines de soldats de plomb s’animaient dans un monde miniature. L’intrigue pastiche les récits d’invasion extraterrestre de Spielberg, de Rencontres du troisième type à La guerre des mondes, avec des ovnis accueillis à coups de fusils par des shérifs américains. Le tout vire rapidement à la farce sanglante et absurde.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Mais l’ensemble laisse un goût d’inachevé. L’humour gras prend le dessus sur l’inventivité, et le bazar généralisé étouffe la tentative de satire – si elle existe. Un joli bordel, mais sans véritable direction.

Note : 4/10

Rose l’Aragne

C’est au tour de Jennifer Yuh Nelson de signer un épisode sombre, baignant dans une ambiance cyberpunk futuriste. L’histoire suit une solitaire, mi-femme mi-machine, hantée par la perte violente des siens. Elle vit recluse sur une station spatiale tentaculaire, suspendue dans l’espace comme une toile d’araignée. Lors d’un échange commercial, elle accepte un petit animal de compagnie, dont la nature se révèle bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

L’animation, digne d’un jeu vidéo de très haute volée, impressionne par son réalisme et sa direction artistique. La promesse narrative est intrigante, et le retournement de situation attendu survient enfin.

Note : 6/10

Les 400

C’est l’un des épisodes les plus audacieux d’un point de vue visuel. Dans Les 400, réalisé par Robert Valley, on déambule dans les rues détruites de New York aux côtés de bandes rivales américaines qui tentent de survivre à une attaque de géants. L’animation, résolument originale, emprunte à un style cartoon brut, presque sale, avec ses couleurs pastel froides et ses jeux de contraste.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Tout pète, tout explose. La violence est frontale, les corps tombent, le sang jaillit. L’énergie du récit ne faiblit pas. Pourtant, malgré ce chaos maîtrisé, l’ensemble reste un peu sec. L’histoire nous accroche par son ambiance, mais ne laisse pas une trace très durable. On admire plus qu’on ne retient.

Note : 7/10

Le grand autre

C’est un chat qui vole la vedette. Un persan roux, vaniteux, nihiliste, qui toise ses maîtres humains – deux caricatures ambulantes de paresse et de vulgarité – avec un dédain divin. Dans Le grand autre, réalisé par Patrick Osborne, ce félin s’allie avec un robot domestique pour fomenter une rébellion, et c’est peut-être l’un des épisodes les plus absurdes, mais aussi les plus efficaces de cette saison.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Ce qui frappe, c’est la finesse sous-jacente de la satire : en donnant la parole à un animal qui se prend pour Dieu, Osborne propose un regard aussi moqueur que lucide sur le monde de propriétaires déconnectés. Drôle, bien écrit et porté par un duo improbable, qui en dit long sur la condition humaine.

Note : 7,5/10

Golgotha

Un vicaire, un extraterrestre et un animal messianique : voilà de quoi parle Golgotha, réalisé par Tim Miller, qui délaisse ici l’animation pour un épisode tourné en prises de vue réelles. Le cadre est étonnamment lumineux – une plage, du sable, la mer –, mais le propos est aussi étrange que déroutant. Un représentant de l’Église est chargé d’accueillir un émissaire venu d’ailleurs, persuadé que son dieu s’est incarné… dans un dauphin.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Rhys Darby incarne l’homme de foi avec une douce ironie, tandis que Graham McTavish fait une apparition comme personnage secondaire. L’épisode pousse l’absurde loin. Et, comme toujours dans Love, Death + Robots, tout cela ne peut se finir que dans le chaos. Étrange, audacieux, et justement à sa place.

Note : 8/10

Le cri du tyrannosaure

Imaginez un Hunger Games spatial, un cirque romain futuriste où l’arène est peuplée de dinosaures génétiquement modifiés. Dans Le cri du tyrannosaure, Miller orchestre un spectacle de mort pour une élite interstellaire qui s’enivre de violence comme d’un divertissement chic. Au centre de l’arène : une combattante chinoise, prête à tout pour survivre, mais surtout pour dénoncer l’absurdité d’un système qui transforme l’injustice en spectacle.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Le propos est limpide : critique d’une société de classes, dénonciation de la cruauté masquée sous le vernis du divertissement. Visuellement, ça envoie. On devine où l’épisode veut nous mener dès le départ, et il y parvient sans détour – mais sans surprise non plus.

Note : 7/10

Conversion en altitude

Rien qu’à son style visuel, on sait qu’on ne verra pas ça ailleurs. Conversion en altitude rappelle le dessin des séries d’animation vieillottes – mais ici, les rires ont laissé place à l’horreur. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une escouade américaine est envoyée pour bombarder une église à la frontière franco-allemande. La mission dérape. L’horreur se déchaîne.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Il y avait là un terreau narratif fort, entre mysticisme, conflit historique et tension militaire. Mais Diego Porral choisit l’ultraviolence plutôt que la subtilité : le sang coule, les corps s’éventrent et l’ambiance s’enlise dans une longue séquence de massacre. Dommage. L’idée initiale, nourrie d’ambiguïté religieuse et d’un mystère latent, aurait pu aller plus loin si elle ne s’était pas perdue dans l’escalade brutale.

Note : 6,5/10

Le complot des objets connectés

C’est du génie en pâte à modeler. Dans cet épisode réalisé par Osborne, tous les objets électroménagers d’une maison prennent la parole : le thermostat frustré, la brosse à dents malmenée, la douche transformée en sex-toy, le moule à gaufres oublié, le vibromasseur qui préfère Squid Game aux émissions de cuisine. Une armée d’objets connectés qui en ont gros sur la patate et qui cherchent à le faire savoir.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Le stop-motion donne à chaque personnage une personnalité irrésistible. C’est court, malin, drôle. En quelques secondes, chaque appareil livre une confession mordante sur ses utilisateurs, dans ce qui ressemble à une séance collective de thérapie passive-agressive. Une des réussites les plus éclatantes de ce chapitre, qui trouve le parfait équilibre entre inventivité formelle et critique du quotidien.

Note : 9/10

Le chat de Saint-Luc

Un poète interné, un pacte avec Satan et une bande de chats de gouttière pour sauver l’âme du monde. Il fallait oser. Emily Dean, déjà remarquée dans la saison précédente, s’aventure ici dans une fable gothique aux allures de conte pour adultes, plantée dans un Londres du XVIIIe siècle. L’atmosphère est lourde et l’histoire – celle d’un chat prêt à affronter Lucifer pour empêcher son maître d’écrire un poème apocalyptique – oscille entre théâtre de l’absurde et délire mystique.

Love, Death & Robots, saison 4©Netflix

Difficile, pourtant, de savoir sur quel pied danser. Le ton est étrange, le rythme décousu et, si l’idée séduit sur le papier, son exécution laisse un sentiment de flottement. En tant que conclusion de saison, on aurait pu espérer un final plus spectaculaire ou plus percutant.

Note : 5/10

À partir de
43,99€
En stock vendeur partenaire
Acheter sur Fnac.com

À lire aussi

Article rédigé par