Critique

Anzu, chat-fantôme : une fable féline au-delà du réel

20 août 2024
Par Sarah Dupont
“Anzu, chat-fantôme” sort au cinéma le 21 août.
“Anzu, chat-fantôme” sort au cinéma le 21 août. ©Miyu Productions

Entre réalisme poétique et excentricité surnaturelle, Anzu, chat-fantôme propose un voyage singulier dans un Japon où un bakeneko impertinent et une jeune fille en deuil s’entrelacent dans une fable visuellement envoûtante, mais narrativement déconcertante. À découvrir au cinéma le 21 août.

Avez-vous déjà vu un chat faire du scooter, dénouer le dos d’un patient, être arrêté pour excès de vitesse, ou tout simplement parler ? C’est précisément ce que nous propose Anzu, chat-fantôme, une œuvre cinématographique qui joue avec les codes du quotidien et de l’extraordinaire. Prévu pour le 21 août au cinéma, ce film d’animation intrigue autant qu’il fascine par sa capacité à brouiller les frontières entre le fantastique et le réel.

Un film franco-japonais

Fruit d’une collaboration inédite entre la maison tokyoïte Shin-Ei Animation et le studio parisien Miyu Productions, Anzu, chat-fantôme est l’adaptation du manga éponyme de Takashi Imashiro. Présenté en avant-première au Festival d’Annecy en juin dernier, le film a été salué pour son univers poétique et son esthétique soignée. Cependant, derrière cette richesse visuelle, le long-métrage peine à trouver une trame narrative solide, ce qui pourrait laisser certains spectateurs sur leur faim.

Dès les premières images d’Anzu, chat-fantôme, on est transporté dans un univers où l’absurde et l’imaginaire se mêlent à une histoire familiale qui, sous des dehors légers, explore des thèmes bien plus adultes et nuancés. On y suit Karin, une jeune fille tokyoïte dont le père, accablé par les dettes après la mort de sa femme, retourne chez son propre père, un moine de la campagne japonaise.

Une histoire réaliste et un imaginaire débordant

Le film oscille ainsi entre plusieurs genres : la fantasy, le récit initiatique et une réflexion poignante sur le deuil et le sentiment d’abandon. Il se distingue par son rythme contemplatif, où l’intrigue se déroule sans grande aventure ni scènes d’action effrénées, du moins au début, laissant parfois le spectateur dans une attente qui ne trouve pas toujours sa résolution. Cette lenteur narrative est à la fois un choix audacieux et déroutant, qui détonne avec l’univers visuel, peuplé de créatures excentriques.

©Miyu Productions

Au cœur se trouve Anzu, un bakeneko, une créature mythique capable de communiquer avec les esprits. Pourtant, Anzu est loin d’être le sage que l’on pourrait imaginer. Son caractère impertinent, entre insolence adolescente et nonchalance, le rend aussi attachant qu’irritant. Il boit, joue aux jeux d’argent et enfreint les règles, ajoutant à l’étrangeté ambiante du film.

Anzu n’est pas seul dans cet univers décalé. Il est entouré de compagnons tout aussi curieux, tels qu’une grenouille parlante, un tanuki farceur et même un champignon vivant. Ce groupe bigarré contraste fortement avec Karin, l’autre protagoniste, une préadolescente taciturne et tourmentée par le deuil et les responsabilités qui pèsent sur elle. Cette juxtaposition des mondes, entre l’étrangeté d’Anzu et le réalisme sombre de Karin, contribue à l’ambiance singulière du film.

Une absence de trame narrative

Anzu, chat-fantôme se veut une ode à la lenteur, mais l’excentricité et l’absurdité qui traversent l’ensemble du film laissent espérer une aventure dans laquelle les personnages s’engouffreraient. Pourtant, cette attente reste en grande partie insatisfaite.

L’histoire, au début, se limite au quotidien des personnages. Il y a une curieuse égalité entre le fait qu’il ne se passe pas grand-chose et le sentiment que les événements partent dans tous les sens, sans direction claire. De quoi désorienter certains spectateurs, au risque de les faire décrocher…

©Miyu Productions

L’intrigue prend un peu d’ampleur lorsque Karin décide de retourner à Tokyo pour se recueillir sur la tombe de sa mère, accompagnée d’Anzu. Cependant, cette péripétie n’arrive qu’après une heure de film, laissant peu de temps pour que l’histoire prenne son envol.

Le film culmine avec une descente aux enfers littérale, où les personnages se retrouvent dans une course-poursuite débridée avec des démons. Cette séquence, fidèle à l’esprit décalé de l’œuvre, frôle parfois le grand n’importe quoi, laissant un goût d’inachevé.

©Miyu Productions

Une autre particularité réside dans le traitement du personnage d’Anzu : bien qu’il occupe une place centrale, on en apprend étonnamment peu sur lui. Malgré son importance dans l’histoire, son passé reste obscur, laissant le spectateur dans l’incertitude quant à la véritable nature de ce chat-fantôme à la fois immortel et presque humain.

Une esthétique paradisiaque

Enfin, l’esthétique du film constitue l’un de ses points forts. Les couleurs pastel et les traits simples donnent à l’ensemble une aura paradisiaque et enfantine, contrastant avec la gravité des thèmes abordés. Le rythme lent, presque méditatif, rappelle la quiétude des vacances d’été à la campagne, avec des paysages évoquant les œuvres impressionnistes de Claude Monet.

Les émotions des personnages sont traduites de manière appuyée, créant une atmosphère onirique qui enveloppe le spectateur. Cette approche visuelle, en décalage avec le récit sérieux, apporte une dimension supplémentaire au film, où la beauté des images se marie à une émotion palpable.

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