Critique

La Voix du lac : Natalie Portman, icône de la révolution féministe à l’écran

19 juillet 2024
Par Thomas Ducres
“La Voix du lac”, le 19 juillet sur AppleTV+.
“La Voix du lac”, le 19 juillet sur AppleTV+. ©Apple TV+

Trente ans après ses débuts dans Léon, l’Américaine fait ses grands débuts sur le petit écran avec un polar féministe. L’occasion de confirmer son statut d’insoumise à Hollywood.

Comme aurait pu le dire la chanson de Johnny, on a tous quelque chose en nous de Natalie Portman. Celle qui n’est pas née au Tennessee, mais à Jérusalem, rythme nos vies cathodiques et numériques depuis si longtemps qu’on a progressivement fini par oublier son âge. C’est bien simple : des Natalie Portman, il y en a au moins une pour chaque génération.

Celle du Léon de Luc Besson (1994), celle de la seconde trilogie Star Wars de George Lucas, celle de V pour Vendetta (2006), mais aussi celle des années 2010 dans Black Swan ou l’univers Marvel avec Avengers: Endgame et Thor: Love and Thunder (2022). Mais quel rapport entre une ado qui donnait la réplique à Jean Reno, une danseuse de ballet maltraitée et une reine intergalactique par ailleurs mère de Luke Skywalker ? Certainement la conviction que l’époque des femmes potiches au cinéma est clairement révolue.

L’impressionnante filmographie de la Jodie Foster des années 1990 (elle n’avait que 13 ans à l’époque de Léon) plaide pour un empowerment avant l’heure. Et c’est précisément ce caractère bien trempé qu’on retrouve, sans jeu de mots, dans La Voix du lac, sa première incursion dans le monde des séries à l’âge de 43 ans.

Elle y incarne Maddie Schwartz, une femme au foyer tentant de se faire une place dans la société encore très masculine de l’Amérique des années 1960. Une métaphore de la position des femmes dans le cinéma actuel, que des figures comme Justine Triet ou Greta Gerwig réussissent progressivement à faire exploser.

Portman contre le patriarcat

« Une fois que vous êtes morte, vous n’êtes plus une femme. Ni une épouse. Ni une mère, ni une sœur. Et plus personne n’est là pour vous dire comment gérer votre vie. » Voici ce que les spectateurs pourront entendre à la fin de l’épisode 1 de La Voix du lac, et c’est un parfait résumé de cette série Apple TV+ co-écrite et réalisée par Alma Har’el (Honey Boy), où l’on suit les destins croisés de deux femmes de Baltimore qu’a priori tout oppose.

©Apple TV+

Il y a Maddie Schwartz (jouée par Portman), une épouse juive bien sous tous rapports, mais étouffée par le masculinisme ambiant et le validisme de son mari et son fils, mais aussi Cleo Johnson (incarnée par la parfaite Moses Ingram, découverte dans Le Jeu de la dame sur Netflix), une autre mère de famille de la communauté afro-américaine jonglant avec les petits boulots dans un Baltimore encore marqué par la ségrégation.

Le show est notamment rythmé par la mystérieuse disparition d’une petite fille retrouvée morte aux abords du lac du coin, qui n’est pas sans rappeler l’ambiance poisseuse de Twin Peaks. À la différence que, dans La Voix du Lac, ce sont les femmes qui jouent les premiers rôles pour mieux se libérer. Cantonnée à son statut de mère-cuisinière, Maddie Schwartz deviendra malgré elle journaliste d’investigation pour percer l’énigme de cet assassinat.

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Quant à Cleo, elle dépassera l’absence de son mari-artiste irresponsable pour tenter de faire avancer les droits sociaux de la communauté noire. La suite, c’est une fresque sociale en sept épisodes où la gent masculine n’a pas vraiment le beau rôle et dans lesquels les deux héroïnes illustrent, chacune à leur façon, la difficulté des femmes à exister par elles-mêmes dans un monde sexiste.

Certainement pas un hasard si la série a été coproduite par Portman herself, elle qui aime être des deux côtés de la caméra. On lui doit Une histoire d’amour et de ténèbres (2015) en tant que réalisatrice, mais surtout la création d’Handsomecharlie Films, sa propre société de production. À la vie comme dans ses rôles, l’actrice n’aime pas qu’on lui dise quoi faire.

Une série politique et all inclusive

Adaptée du roman à succès de Laura Lippman qui s’inspire de faits réels (la mort non élucidée d’une barmaid afro-américaine en juin 1969), La Voix du lac plonge donc dans l’intimité de ces femmes refusant la place sociale qui leur a été attribuée.

La réalisation comme les musiques composées par Marcus Morris aident quant à elles à revivre cette Amérique nostalgique d’elle-même, coincée entre les grandes heures du jazz et de la soul et le combat pour l’égalité raciale à une époque où les Afro-Américains étaient encore obligés de voyager dans des bus « pour noirs ».

©Apple TV+

Le fameux « N word », régulièrement prononcé dans la série, rappelle à lui seul à quel point l’Amérique actuelle semble encore loin d’en avoir fini avec ses problèmes d’identité. Il n’est donc pas compliqué de comprendre que, loin d’être un simple divertissement, La Voix du lac est aussi une piqûre de rappel sur l’importance de l’empowerment et de la diversité dans nos sociétés encore trop contrôlées par de vieux mâles faussement dominants.

Hollywood à l’assaut du petit écran

En s’attaquant pour la première fois de sa carrière au format série en streaming, Natalie Portman a donc bien choisi sa cible. Le fait de s’immiscer dans le médium le plus populaire du moment lui permet de toucher une audience plus jeune et sensible à ces messages sociaux. La démarche, initiée voilà dix ans par Robin Wright dans House of Cards – où l’actrice tirait les ficelles derrière son Président de mari –, a depuis fait des petits.

On ne compte plus les acteurs et actrices d’Hollywood à être passé de l’autre côté du miroir, pour Netflix, HBO et consorts. De Kate Winslet dans Mare of Easttown (2021) à Nicole Kidman dans The Undoing, en passant par Christina Ricci dans Yellowjacket, toutes ont saisi l’importance d’agir, plus que de simplement « jouer ». Et c’est cette conscience, quasi politique, qui permet aujourd’hui à Natalie Portman de briller dans une série plus grande que le petit écran où elle est diffusée.

La Voix du lac, sur Apple TV+ dès le 19 juillet.

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