Derrière la promesse brutale se cache en réalité un album particulièrement profond, complexe et touchant. Eminem surprend une nouvelle fois.
Après le teasing et l’attente, Eminem est enfin de retour avec son douzième album, The Death of Slim Shady (Coup de Grâce). Annoncé comme un cri de rage par l’artiste dans le but de se débarrasser de son alter-ego démoniaque, l’album s’apprécie, en réalité, avec une certaine théâtralité, ne manque pas d’humour et surtout, d’émotion.
Un véritable album concept (que le chanteur mythique revendique en rappelant l’importance de l’écouter dans l’ordre), qui invite à pénétrer dans la psyché de son auteur et dans sa matrice totale de la musique.
À la base, The Death of Slim Shady (Coup de Grâce) est conçu comme la mort et la fin de Slim Shady, l’alter-ego créé en 1997 par Eminem dans le but de proposer des chansons plus violentes et dérangeantes. Presque 30 ans plus tard et à 51 ans, l’artiste semble prêt à se débarrasser de Slim Shady, symbole, peut-être, d’une paix intérieure enfin trouvée. Au final, ce douzième album studio montre que les choses sont toujours plus compliquées.
Puisque The death of Slim Shady (Coup de Grâce) est un disque concept, tout se suit avec un ordre bien particulier et une histoire contée à travers les différentes chansons. L’album est théâtral ! De nombreux effets sonores, bruitages et voix parlées en fond viennent appuyer plusieurs passages des morceaux. Tout The death of Slim Shady (Coup de Grâce) se suit telle une longue histoire, avec ses retournements de situation et ses différents genres invoqués. Allant du RnB au hip-hop, en passant par la soul et la pop, l’album démontre la pluralité de son auteur, en discussions constante avec lui-même.
Dr Jekyll et Mr. Hide
À travers les différents titres, Eminem incarne ainsi à la fois Slim Shady et Marshall Mathers (le vrai nom du rappeur) et fait interagir les deux identités (ainsi que d’autres). Marshall est vertueux et tente de mettre fin à Slim, qui conserve sa violence, sa vulgarité et son absolutisme.
À travers les interactions entre les deux, l’album fait penser au Dr. Jekyll et à Mr. Hide, alors que Slim affirme à Marshall que l’un ne pourra jamais exister sans l’autre et qu’il ne peut pas se débarrasser de lui, tel un démon revenant constamment le hanter (mais aussi l’aider quand Marshall n’arrive pas à exprimer ses émotions les plus honteuses).
Alors même que plusieurs collaborations étaient supposées, Eminem se retrouve finalement « seul » — avec tout de même la présence dissimulée de Dr. Dre, White Gold, JID et Skylar Grey en plus du feat. déjà dévoilé Tobey avec Big Sean et BabyTron — sur The Death of Slim Shady (Coup de Grâce), mais compense aisément par son interprétation multiple : toutes ses voix et ses nombreux rôles donnent une densité à l’ensemble, véritable œuvre aux personnalités multiples, comme si le public était plongé dans l’esprit complexe d’Eminem, dans le but de rencontrer et découvrir ses différents alter-egos.
Un voyage au sein de la folie et du mystère, à la Alice au Pays des Merveilles. La mort, ou non, de Slim Shady en devient accessoire. Le voyage est le plus important.
Eminem chante finalement encore et toujours le retour éternel de Shady : « Guess who’s back », « devine qui est de retour », disait-il dans sa chanson Without Me en 2002, dont une interpolation résonne dans Houdini et qu’un interlude sur ce nouveau disque se nomme littéralement Guess Who’s Back (Skit).
L’album The Death of Slim Shady (Coup de Grâce) a tout d’un éternel recommencement plus que d’une fin, mais avec une particularité importante : Eminem a une expérience qu’il n’avait pas il y a 20 ans et affirme ses acquis en plus d’aborder des thèmes plus profonds.
Le rappeur reste ainsi le maître du débit imbattable, comme le montre Antichrist ou Fuel. Dans Temporary, il livre avec une intensité folle une déclaration d’amour bouleversante à sa fille Hailie, régulièrement évoquée à travers tout l’album et se révélant être le cœur de The Death of Slim Shady (Coup de Grâce). Peu importe si Slim meurt ou pas, s’il revient ou pas, Eminem est tourné vers l’héritage, la transmission et l’émotion.
Slim Shady n’a jamais été aussi maléfique, mais Eminem est plus fort que jamais.