Chaque mois, un·e auteur·rice partage avec L’éclaireur la dizaine de livres qui l’ont particulièrement touché·e, pour différentes raisons, à différentes époques de sa vie. Ce mois-ci, c’est Martine Delvaux qui se prête au jeu.
Figure incontournable du féminisme québécois contemporain, Martine Delvaux vient de faire paraître en France Pompières et pyromanes (Les Avrils) et Le Monde est à toi (Les Avrils). L’occasion pour nous de (re)découvrir la pensée de cette essayiste et romancière… et de l’interroger sur ses amours littéraires.
Le premier livre qui vous a marqué ?
Sans doute Madame Bovary, quand j’étais une toute jeune étudiante de lettres. C’est avec Flaubert que j’ai compris ce que pouvait la littérature, je crois, ce que peuvent la syntaxe, la grammaire, la forme littéraire. Ça a été comme une révélation.
Celui qui parle le mieux d’amour ?
Hmmm il y en a plusieurs… mais c’est sans doute L’amant de Marguerite Duras qui m’a le plus marquée. Parce que les amours sont multiples (la mère, le petit frère, l’amant, et aussi l’Indochine, la littérature) et que l’écriture elle-même est amour.
Celui qui vous fait rougir ?
Les pages du Parrain qu’on lisait quand on était adolescentes – une sorte d’éducation sexuelle cachée! Encore aujourd’hui, même si elles me semblent beaucoup plus innocentes, elles me feraient rougir!
Mais je rougis aussi de honte, parfois, quand je lis Toni Morrison ou James Baldwin, par exemple. La honte d’être blanche…
Celui qui vous dérange ?
Tous les romans où la violence sexuelle est un raccourci narratif. Tous les romans (surtout les romans contemporains, récents) qui sexualisent les corps des femmes, en particulier, comme si de rien n’était.
Celui qui vous obsède ?
Je ne sais pas s’il m’obsède, mais j’y reviens souvent : Supplément à la vie de Barbara Loden, de Nathalie Léger.
Celui qui vous fait rire ?
La littérature me fait rarement rire, je crois. En tout cas, je ne lis pas des romans « comiques ». Mon regard se pose systématiquement sur des récits (le plus souvent autobiographiques) qui ont à voir avec la blessure…
Celui qui vous fait pleurer ?
Ce n’est pas un roman, c’est un récit documentaire : La supplication de Svetlana Alexievitch. Toute l’œuvre d’Alexievitch me bouleverse, mais celui-ci me fait pleurer, en particulier bien entendu aujourd’hui. Et aussi Un amour impossible, de Christine Angot et À ce soir, de Laure Adler.
Celui qui vous console ?
La robe blanche de Nathalie Léger, toujours. Et aussi : Avant que j’oublie, d’Anne Pauly.
Celui que vous n’avez pas compris ?
Il y en a plusieurs, sans doute! Le plus récent c’est Weather d’une autrice américaine, Jenny Offhill, dont j’aime beaucoup l’écriture. Mais ce roman m’a échappé… Je n’ai pas compris quel était l’enjeu… j’ai été, en quelque sorte, abandonnée sur le côté!
Celui que vous voulez lire depuis des années, sans jamais y parvenir ?
Quand je laisse tomber un roman, ou quand il me tombe des mains, le plus souvent, je l’abandonne pour de bon. Je ne souffre pas d’une sorte de culpabilité de lectrice et ne fais pas l’effort de le reprendre. Mais il y a sans doute des romans que je lirai plus tard, quand j’aurai du temps, de la patience. Quand je serai moins dans l’urgence d’écrire et surtout dans la nécessité de voler du temps à l’écriture!