Entretien

Les livres de Geneviève Brisac

22 janvier 2022
Par Sophie Benard
Les livres de Geneviève Brisac
©Brice Toul/Getty

Chaque mois, un·e artiste (acteur·rice, auteur·rice, chanteur·se…) partage avec L’Éclaireur la dizaine de livres qui l’ont particulièrement touché·e, pour différentes raisons, à différentes époques de sa vie. Ce mois-ci, c’est l’autrice Geneviève Brisac qui se prête au jeu.

Nous avons rencontré Geneviève Brisac à l’occasion de la parution de son nouveau roman, Les enchanteurs (L’Olivier, 2022). C’est avec un plaisir non dissimulé qu’elle est revenue pour nous sur les textes qui ont marqué sa vie : « j’ai toujours aimé ça, donner des conseils de lecture, partager les livres que j’aime, pour rendre aux livres ce qu’ils m’ont apporté à moi, de la consolation, de la réparation, de la chaleur ».

Le premier livre qui vous a marqué ?

Alice au pays des merveilles, de Lewis Carroll. C’est vraiment le livre de l’aventure, c’est le livre de tous les possibles. Et Alice, c’est un personnage auquel une petite fille s’identifie avec bonheur, parce qu’elle est très raisonneuse, elle discute tout, tout le temps !

Celui qui parle le mieux d’amour ?

La princesse de Clèves, de Madame de La Fayette, peut-être. Ce n’est pas un amour physique, c’est sûr ; mais le livre qui parle le mieux d’amour physique je ne saurai pas vous dire, je trouve que c’est quand même assez souvent raté !

Celui qui vous fait rougir ?

L’amant de Lady Chatterley, de D.H. Lawrence.

Celui qui vous dérange ?

La case de l’oncle Tom, de Harriet Beecher Stowe. Il me faisait tellement peur que je l’avais caché sous mon lit, très très loin, pour qu’il ne puisse pas me faire de mal ! C’est le racisme qui me faisait peur, et puis le consentement du personnage, de ce personnage qui n’est pas en colère contre le sort qui lui est fait… Terrible.

Celui qui vous obsède ?

Les contes de Karen Blixen. C’est une œuvre très complexe et en même temps très brillante. Blixen est une écrivaine méconnue mais tellement géniale !

Celui qui vous fait rire ?

Beaucoup de livres me font rire ! J’aime beaucoup les nouvelles de Grace Paley, Énorme changement de dernière minute, par exemple. Elle a une façon absolument géniale de faire dialoguer les enfants et les parents. C’est très réconfortant et drôle.

Celui qui vous fait pleurer ?

Les livres de Charlotte Delbo, qui s’appellent Auschwitz et après ; il y a trois tomes. C’est vraiment la Primo Levi française ; c’est d’une profondeur absolument bouleversante.

Je pense aussi à un recueil de poèmes d’Anna Akhmatova, qui s’appelle Requiem, et qui est sublime. Il y a cette strophe que j’adore :

« Non, ce n’est pas moi.
C’est quelqu’un d’autre qui souffre.
Moi, je n’aurais pas pu souffrir autant.»

Celui qui vous console ?

Le journal de Virginia Woolf : c’est une intimité consolante, vraiment.

Celui que vous n’avez pas compris ?

Les somnambules de Hermann Broch. C’est le livre que les garçons mettaient toujours en avant quand j’étais en prépa, mais je ne comprenais rien.

Celui que vous voulez lire depuis des années, sans jamais y parvenir ?

Les somnambules, il faudrait que je m’y remette, justement !

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Article rédigé par
Sophie Benard
Sophie Benard
Journaliste