Critique

The Waterfront : que vaut la nouvelle série du créateur de Dawson ?

19 juin 2025
Par Marion Olité
“The Waterfront”, le 19 juin 2025 sur Netflix.
“The Waterfront”, le 19 juin 2025 sur Netflix. ©Netflix

Trente ans après la cultissime série Dawson, Kevin Williamson pose à nouveau ses valises en Caroline du Nord avec The Waterfront. Diffusé à partir du 19 juin sur Netflix, ce soap musclé nous plonge dans le quotidien mouvementé d’une famille à la tête d’un empire de pêche menacé.

Bienvenue à Havenport, une ville côtière située en Caroline du Nord, dont une grande partie des emplois tourne autour de la pêcherie de la ville, détenue par la puissante famille Buckley. Installée depuis plusieurs décennies, elle possède aussi des terrains et un restaurant. Mais, derrière les apparences du faste, l’empire prend l’eau de toutes parts, submergé par les dettes.

Harlan Buckley (Holt McCallany), le patriarche à la santé défaillante, sa femme Belle (Maria Bello) et son fils Cane (Jake Weary), vont tout mettre en œuvre pour sauver leur patrimoine, quitte à tremper dans des affaires illégales. Il y a aussi Bree (Melissa Benoist), la sœur de Cane, une addict sur le chemin de la sobriété, qui a perdu la garde de son fils et tente de revenir dans les bonnes grâces de sa famille.

Un air de Yellowstone, en Caroline du Nord

Avec cette famille prête à se tourner vers le trafic de drogue pour survivre, on sent dans The Waterfront l’héritage de classiques comme Breaking Bad ou Les Soprano. Patriarche infidèle, alcoolique, violent, mais attachant, Harlan Buckley fait figure de lointain cousin de Tony Soprano et de Walter White. Ce « bon père de famille » a déjà trempé dans l’illégalité avec feu son propre père, dans les années 1980. Pris à la gorge financièrement, il n’hésite pas longtemps à reprendre du service pour se renflouer… et il n’est pas seul.

Brian Ashton Smith, Joshua Brady, Bryan Terry Snell, Holt McCallany, Jake Weary dans The Waterfront.©Netflix

Sa femme, la très pragmatique Belle, est tout aussi partie prenante dans le trafic que lui. Elle joue le rôle de conseillère quand son fils Cane se glisse dans celui du bras droit réticent. A contrario des grandes séries des années 2000 sur des hommes tourmentés, le conflit moral est ici bien légèrement traité. Pour les Buckley, la fin justifie les moyens. Ils s’arrangent assez vite avec les cadavres qui s’empilent et développent une vision toute personnelle de la légitime défense.

Cette famille d’anti-héros qui s’assume et se déchire n’est pas sans nous rappeler celle de Yellowstone. Il y a dans les deux cas l’idée d’un territoire à défendre coûte que coûte – un ranch d’un côté, une entreprise de pêche de l’autre. Avec ces dynasties qui se sentent menacées, mais règnent sur leur ville comme des monarques contemporains, les deux œuvres dépeignent, chacune à leur façon, une facette à la fois fascinante et flippante de l’Amérique.

Holt McCallany et Maria Bello dans The Waterfront.©Netflix

Si l’histoire de The Waterfront vous paraît too much, sachez que le pitch de départ vient d’une histoire vraie, celle du père de Kevin Williamson. Dans une interview accordée à Entertainment Weekly, le créateur explique : « Dans les années 1980, mon père a eu des ennuis. Il était pêcheur et il s’est lié d’amitié avec des gens qui lui ont proposé de l’argent pour vendre de la drogue sur son bateau de pêche. »

Le scénariste souligne qu’à cette époque, l’industrie de la pêche se portait de plus en plus mal sur la côte est des États-Unis. Un sujet que la série aborde également. À propos de son père, il ajoute : « C’était donc un homme bon qui a commis des méfaits, et il a fini par en payer le prix. Il était en prison pendant mes années d’université. » Et les fans de Dawson de comprendre tout à coup d’où vient l’intrigue autour de Joey et de son père qui finit en prison pour trafic de drogue.

Daddy issues

L’idée de The Waterfront trottait dans la tête de Kevin Williamson depuis de nombreuses années, mais le showrunner avait promis à son père d’attendre sa mort pour la porter à l’écran. « Il voulait aussi que Kevin Costner joue son rôle ! », ajoute-t-il. Mais Kevin Costner ayant déjà trouvé son rôle d’anti-héros bourru avec le succès international de Yellowstone, le rôle du patriarche de Havenport a été dévolu à Holt McCallany (Mindhunter) qui s’en tire fort bien.

Holt McCallany dans The Waterfront.©Dana Hawley/Netflix 2025

Son air sympathique contraste joliment avec ses actions répréhensibles et ses accès de violence. Il forme un couple crédible avec la toujours très juste Maria Bello, dans le rôle de l’épouse à la fois blasée et en accord avec ce qu’on attend d’elle. Complété par Melissa Benoist (Supergirl en personne) et Jake Weary (Animal Kingdom) dans les rôles des enfants millenials aux mille soucis, le casting tient la marée.

On croise aussi Topher Grace, l’une des stars de That ’70s Show, dans le rôle d’un mafieux beaucoup trop enjoué, qui semble tout droit sorti d’un film de Tarantino. Le showrunner, le casting, mais aussi les vibes de la série sont pour beaucoup dans son pouvoir d’attraction. Si les décors portuaires de la Caroline du Nord, ultracinégéniques, vous disent quelque chose, c’est parce qu’ils sont quasiment un des personnages de la série et qu’ils ont déjà servi d’arrière-plan aux intrigues de Dawson et du film Souviens-toi l’été dernier (qui prenait place dans une pêcherie).

Holt McCallany, Maria Bello, Jake Weary, Danielle Campbell et Melissa Benoist dans The Waterfront.©Dana Hawley/Netflix 2025

Kevin Williamson a grandi à New Bern, une ville de la Caroline du Nord qui ressemble étrangement à Capeside dans Dawson et maintenant à Havenport. Certaines scènes de The Waterfront se déroulent dans des décors familiers : une déclaration d’amour sous un porche, un personnage qui court le long d’un ponton au coucher du soleil, des plans de coupe sur les bateaux amarrés dans un ravissant petit port… Cela fait partie du charme nostalgique de cette production.

On peut aussi discerner quelques thématiques similaires entre Dawson et The Waterfront, comme l’exploration des relations père-fils et ce sentiment qui semble toujours accroché aux baskets de Kevin Williamson de ne pas être à la hauteur des attentes d’un père toxique, au système de valeurs viriliste. La relation entre Harlan et son fils Cane, qui échangent des coups de poing dès le premier épisode, évoque celle de Pacey avec son père flic dans Dawson.

Jake Weary et Holt McCallany dans The Waterfront.©Dana Hawley/Netflix 2025

Une analogie d’autant plus frappante que dans sa caractérisation, Cane correspond à une version de Pacey adulte, qui n’aurait jamais quitté Capeside, ne serait pas avec sa Joey (embourbé dans un mariage malheureux, il en pince pour Jenna, son amour de jeunesse) et en voudrait à la terre entière. La parfaite recette de l’autodestruction. Au lieu d’aller voir un psy, Cane, comme tout le reste de la famille, prend l’alcool pour un antidépresseur. Et continue de se persuader qu’il est « un homme bien », comme il le dit à Jenna.

Météo soapesque à Havenport

The Waterfront et Dawson ont beau avoir des points communs, leur style, en revanche, est radicalement différent et risque de dérouter les fans de Kevin Williamson. Connu pour son humour, sa patte horrifique (Scream, Souviens-toi l’été dernier) et sa peinture de l’adolescence, il n’use presque d’aucun de ces atouts (concédons un peu d’humour dans certains dialogues, mais pas assez à notre goût) pour cette série très soap, aux personnages archétypaux.

Jake Weary et Melissa Benoist dans The Waterfront.©Netflix

Du côté de l’inclusivité, on repassera. Alors que Kevin Williamson a introduit le personnage gay de Jack dès la saison 2 de Dawson, créant de grandes premières pour la télévision américaine (un premier baiser gay, des arcs narratifs passionnants), The Waterfront donne l’impression d’un recul avec la présence d’un seul personnage gay secondaire, très effacé et qui vit dans l’espoir d’être apprécié des Buckley.

Infidélités, fils caché, amour de jeunesse, drogues, trahisons et gros sous… Les intrigues cochent toutes les cases du soap familial blanc, avec une dose de violence en plus et de beaux paysages pour se démarquer de la concurrence. C’est un peu mince.

Holt McCallany et Maria Bello dans The Waterfront.©Dana Hawley/Netflix 2025

Les personnages gagnent malgré tout en épaisseur au fil des épisodes et des bateaux qui tanguent dans la marina de Havenport. On n’est donc pas à l’abri, en ce début d’été, de se laisser embarquer par l’air marin de The Waterfront. Tout dépend de ce que l’on attend d’une série. Jusqu’à sa bande-son rock un peu désuète, celle-ci semble créée pour la génération des millenials, qui n’ont pas peur de voir quelques gouttes de sang à l’écran. Une chose est sûre : elle ne vous fera pas mal à la tête.

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