Critique

Les quatre saisons : Tina Fey nous fait-elle son White Lotus sur Netflix ?

01 mai 2025
Par Marion Olité
“Les quatre saisons”, le 1er mai sur Netfix.
“Les quatre saisons”, le 1er mai sur Netfix. ©Netflix

Cinq ans après la fin d’Unbreakable Kimmy Schmidt, la showrunneuse et actrice Tina Fey est de retour sur Netflix avec une série centrée sur la dynamique amicale entre trois couples qui partent en vacances ensemble chaque saison.

Révélée dans l’iconique émission Saturday Night Live, Tina Fey avait transformé l’essai au début des années 2000 en créant la sitcom 30 Rock (2006-2013). L’actrice et scénariste avait ensuite migré sur Netflix pour nous régaler avec une nouvelle comédie, Unbreakable Kimmy Schmidt (2015-2020). Cinq ans plus tard, la grande prêtresse de l’humour américain est de retour sur la plateforme avec la minisérie Les quatre saisons, cocréée avec Lang Fisher et Tracey Wigfield, deux anciens comparses 30 Rock.

Grande fan de Carol Burnett, une autre grande dame de l’humour américain, célèbre notamment pour The Carol Burnett Show (1967-1978), Tina Fey s’est lancée dans l’adaptation en série de The Fours Seasons, un film écrit et réalisé par Alan Alda en 1981. Peu connue en France, mais très aimée aux États-Unis, cette comédie suit les péripéties de trois couples amis qui partent en vacances ensemble à chaque saison.

Alan Alda et Carol Burnett (Tina Fey s’est octroyé ce rôle dans sa production) y incarnent le couple principal, celui qui juge un peu les autres en se pensant – à tort – au-dessus de la mêlée. Le titre du long-métrage fait sans surprise référence au concerto de Vivaldi, qui résonne pour marquer le passage des saisons et dont la sonorité apaisante contraste avec les péripéties du récit.

L’œuvre de Netflix reprend le même pitch et la musique classique, en plaçant l’intrigue de nos jours et en effectuant un changement majeur du côté des personnages. Au lieu de trois couples hétérosexuels et blancs, nous avons maintenant deux couples hétérosexuels blancs – Kate et Jack incarnés par Tina Fey et Will Forte, puis Nick et Anne joués par Steve Carell et Kerri Kenney-Silver – et un couple gay et mixte, Danny et Claude, interprétés respectivement par Colman Domingo et Marco Calvani.

La saison 4 de The White Lotus est-elle arrivée en avance ?

Ces Quatre saisons ont beau être un remake, elles évoquent une œuvre beaucoup plus récente : l’incontournable The White Lotus. On retrouve en effet des éléments vus dans la série de Mike White : une science du casting réussi, où des stars américaines installées comme Steve Carell et Tina Fey côtoient les noms sexy du moment (coucou Colman Domingo) ainsi que des plus jeunes pousses – comme Julia Lester, excellente actrice venue de Broadway, qui incarne la fille déboussolée de Nick et Anne.

Toby Huss, Kerri Kenney, Tina Fey, Will Forte, Colman Domingo et Marco Calvani dans Les quatre saisons.©Netflix

Et puis il y a le facteur exotique et sociologique : envoyer un groupe de personnages en vacances, dans des lieux qui nourrissent notre besoin d’évasion par procuration, et les étudier à la loupe. Chaque saison de The White Lotus contient au moins un couple au bord de la crise de nerfs : souvenez-vous de la journaliste Rachel (Alexandra Daddario) et de son mari toxique Shane (Jake Lacy) en saison 1.

Sans oublier la dynamique complexe et malsaine entre les deux couples d’amis de la saison 2, Daphne et Cameron (Meghann Fahy et Theo James) d’un côté, et Harper et Ethan (Aubrey Plaza et Will Sharpe) de l’autre. Avec ses destinations différentes à chaque saison et sa promesse d’ausculter à la fois les relations amoureuses et amicales de trois duos, Les quatre saisons possède indéniablement des allures de The White Lotus, édition spéciale couples.

Tina Fey et Steve Carell dans Les quatre saisons.©Netflix

Toutefois, l’écriture de Tina Fey est bien différente de celle de Mike White. Là où le showrunner prend le temps de tisser des dynamiques subtiles entre les personnages et n’a pas peur de nous embarquer dans des situations malaisantes pour mieux exposer les petites lâchetés des uns et des autres, Tina Fey préfère la comédie bon enfant à l’américaine, et ne cherche pas nécessairement à créer des protagonistes nuancés, dont les décisions vont nous surprendre.

Elle met même les deux pieds dans la caricature : on adore l’acteur Colman Domingo, révélé par Fear The Walking Dead (2015-2023) puis inoubliable dans Euphoria (2019-) ou Bayard Rustin (2023), mais le couple gay qu’il forme avec son mari italien over the top semble sorti tout droit d’un épisode des années 1990 de Sex and the City.

Longue vie aux relations durables

La crise de la cinquantaine de Steve Carell, qui largue sa femme pour une version plus jeune, manque aussi de piment. Non pas que les hommes de plus de 50 ans aient arrêté d’aller draguer de la jeunette pour se sentir eux-mêmes rajeunir, mais il y avait sans doute une façon plus originale et contemporaine de traiter ce mouv’ vieux comme le monde. Les personnages manquent globalement de caractérisation et les dialogues de mordant.

Colman Domingo et Marco Calvani dans Les quatre saisons.©Netflix

Le film de 1981, dont la série est le remake, actait l’importance grandissante de l’amitié dans la vie des personnes en couple. Ce thème a justement touché Tina Fey, qui explique avoir voulu écrire « une lettre d’amour aux relations durables, qu’elles soient platoniques ou romantiques ».

Elle détaille : « Parce que, idéalement, votre vie ne se limite pas à la personne avec laquelle vous êtes marié. Parfois, quand on traverse une période difficile avec son conjoint, on a besoin d’un groupe d’amis pour apporter une touche d’humour. Ces amitiés sont vraiment bénéfiques pour les mariages, je pense. Avoir une personne qui comble une part de vous-même que votre conjoint ne parvient pas à combler est très important. »

Will Forte et Tina Fey dans Les quatre saisons.©Netflix

Une volonté louable et qui prend corps davantage vers le milieu de la saison, en particulier les épisodes 5 et 6 où les personnages se rendent dans la fac où ils se sont connus. Mais là encore, l’œuvre aurait pu aller plus loin, tout en conservant son ton comique.

Trop superficielles, les relations amicales entre les personnages manquent de spécificité pour qu’elles soient vraiment crédibles et attendrissantes. Elles donnent l’impression de n’exister qu’à travers le prisme des problèmes de couple. Ce thème de l’amitié est traité de façon un peu datée.

Marco Calvani, Colman Domingo, Tina Fey et Will Forte dans Les quatre saisons.©Netflix

La production de Netflix nous réserve néanmoins quelques situations comiques réussies comme l’inénarrable pièce de théâtre défouloir de la fille de Nick et Anne, ou l’hôtel hippie beaucoup trop inconfortable pour les trois couples de quinquagénaires (on pense fort à la réplique virale de Victoria dans la saison 3 de The White Lotus : « Je ne pense pas qu’à cet âge, je suis censée vivre une vie inconfortable. »). Mais on reste sur notre faim, ce qui est plutôt frustrant au vu des talents comiques présents dans la série. Le remake reste un exercice extrêmement périlleux. Malgré ses bonnes intentions, ces Quatre saisons-là ne resteront pas dans les annales.

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