
Après deux saisons acclamées par la critique et le public, The White Lotus revient à compter du 17 février sur la plateforme Max. Pour cette troisième livraison, le showrunner Mike White a posé ses valises en Thaïlande. Mais sans Tanya, l’iconique héritière dépressive incarnée par Jennifer Coolidge.
Le succès de la dernière saison de The White Lotus, diffusée fin 2022 sur HBO, peut se résumer en une réplique : « Theses gays, they’re trying to murder me ! » (« Ces gays, ils essaient de me tuer ! ») Elle est prononcée par Tanya, le personnage le plus emblématique des deux premières saisons de la série créée par Mike White.
Son interprète, l’unique Jennifer Coolidge, a été récompensée d’un Golden Globe pour sa performance géniale. Pour la troisième saison, le showrunner a donc fait face à un sacré challenge : comment rebondir après avoir atteint de telles cimes pop culturelles ?
Un nouveau casting réjouissant
En commençant par changer totalement de lieu. Adieu la Sicile et son soleil sec, bonjour la Thaïlande et sa chaleur humide. Les riches clients du White Lotus viennent cette fois se ressourcer sur l’île de Ko Samui, située sur la côte est thaïlandaise. On y suit les péripéties des époux Timothy (Jason Isaacs) et Victoria Ratcliff (Parker Posey) et de leurs trois enfants, Saxon (Patrick Schwarzenegger), Piper (Sarah Catherine Hook) et Lochlan (Sam Nivola).
Mais aussi celles de trois copines de longue date, Kate (Leslie Bibb), Laurie (Carrie Coon) et Jaclyn (Michelle Monaghan), et d’un couple mal assorti, le très ombrageux Rick (Walton Goggins) et la très solaire Chelsea (Aimee Lou Wood).
D’autres personnages gravitent autour de ceux-là, notamment une mannequin canadienne incarnée par Charlotte Le Bon. Du côté des employés, on note le retour de Belinda (Natasha Rothwell), la directrice spa des White Lotus et la présence de Lalisa Manobal (Lisa du groupe de k-pop Blackpink) dans le rôle de Mook, une « mentor santé » au White Lotus. À l’instar des précédentes saisons, l’intrigue commence par un événement sanglant, avant d’effectuer un flashback une semaine avant, au moment où les clients s’installent dans l’hôtel de luxe.
S’il est un domaine dans lequel Mike White excelle, c’est bien le choix de son casting. Les nouveaux et nouvelles venues s’en tirent avec les honneurs, en particulier Michelle Monaghan et Carrie Coon en copines proches de la cinquantaine qui comparent leurs vies, ou Walton Goggins, à la fois insupportable et touchant dans le rôle le plus mystérieux de la série. Patrick Schwarzenegger tire aussi son épingle du jeu en mâle alpha qui idolâtre son père.

L’excellente Parker Posey pourrait remplacer Jennifer Coolidge dans le cœur des fans LGBTQ+, mais elle semble se restreindre, soit pour éviter la comparaison perdue d’avance avec l’iconique Tanya, soit car elle n’a pas encore donné son maximum en épouse blasée durant les trois premiers épisodes que nous avons visionnés. Série diesel, White Lotus a tendance à proposer des deuxièmes parties de saison explosives.
Crise existentielle au pays du sourire
Le générique de cette saison 3 – à la partition musicale renouvelée (au revoir le son fun et dancefloor qui avait fait le bonheur des TikTokeurs) et toujours signée Cristobal Tapia de Veer – annonce la couleur. Les peintures figurant la culture thaïlandaise s’animent, deviennent de plus en plus sombres et violentes, pour illustrer le tumulte de personnages en proie à leurs démons intérieurs. De plus, les premiers épisodes de cette troisième salve prennent leur temps pour exposer les forces en présence. Ils se révèlent plaisants, mais pas inoubliables.

La photographie, concentrée sur des plans en clair-obscur, de lever ou de coucher de soleil, sublime la faune (avec une passion pour les plans sur les singes, animal emblématique du pays) et la flore à couper le souffle de la Thaïlande, tout en lui conférant une atmosphère cotonneuse et inquiétante. Après les thématiques de l’argent et du sexe, Mike White s’intéresse avec ses nouveaux hôtes à la mort et à la spiritualité.
« Nous ne sommes pas encore mortes ! », lance joyeusement Jaclyn à ses deux copines qui rient mécaniquement, tandis que Victoria Ratliff se rêve submergée par un tsunami (réminiscence de la catastrophe naturelle de 2004) ou que la jeune et jolie Chelsea se retrouve par deux fois face à la perspective de sa mort.

Et puis le fantôme de Tanya, évoqué à plusieurs reprises, plane sur cette saison qui prend des airs d’oraison funèbre. Impossible de ne pas penser à l’héritière à la santé mentale fragile, qui traversait sa propre crise existentielle avec une douloureuse lucidité. Avec sa spiritualité bouddhiste, ses gros plans sur des statues ancestrales et ses paysages à la végétation luxuriante, la Thaïlande se prête à merveille à de telles considérations philosophiques.
« Pourquoi les hommes riches sont-ils toujours en colère ? », se demande le personnage de Charlotte Le Bon. Mike White possède toujours un talent incomparable pour creuser la psychologie de ses personnages. La trajectoire de Lochlan, le petit dernier des Ratliff, en quête de son identité et influencé par le comportement viriliste de son grand frère, permet au showrunner de poursuivre son exploration de la masculinité comme marqueur de statut social.

Ce thème récurrent dans The White Lotus est aussi illustré par Gaitok (Tayme Thapthimthong), un timide agent de sécurité de l’hôtel qui pense devoir cocher les cases d’une masculinité plus agressive pour séduire l’élue de son cœur. L’observation de la dynamique amicale changeante entre Kate, Laurie et Jaclyn est aussi bien vue. Ce trio a des airs de Sex & the City en plus acide.
Le risque de la série “carte postale”
Si Mike White a annoncé une saison portant un « regard satirique et drôle sur la mort, la religion et la spiritualité orientale », les trois premiers épisodes sont plus pesants qu’amusants. La satire sociale – l’ADN de The White Lotus – reste présente, à travers des remarques sur le club des « hommes blancs et chauves » qui squattent les hôtels de luxe thaïlandais ou le couple formé par Rick et Chelsea, à l’écart d’âge aussi problématique que réaliste.

Mais elle pourrait être plus mordante, notamment parce que Mike White a choisi de s’aventurer en Thaïlande, un pays asiatique où les Blancs se comportent de façon néocolonialiste. Il y a beaucoup à dire sur les paradoxes d’un pays particulièrement dépendant d’un tourisme qui tue ses paysages paradisiaques à petit feu.
Un paradoxe d’autant plus marqué avec une série qui se moque de ses riches touristes blancs, mais provoque à chaque nouvelle saison un boom touristique dans le lieu où elle est tournée. On espère donc que la suite de cette saison, composée de huit épisodes, renouera plus férocement avec ses racines satiriques.

Très appréciée par les fans queers, The White Lotus devrait aussi nous plonger dans la culture LGBTQ+ thaïlandaise, notamment avec des épisodes situés à Bangkok, histoire de ne pas s’arrêter à une remarque sur les « ladyboys » (mot péjoratif utilisé par les Blancs pour parler des personnes transgenres en Thaïlande et particulièrement des travailleuses du sexe) prononcée par le personnage le plus macho de la série. Le plus grand risque qui guette The White Lotus est celui de perdre sa pertinence sociale et de devenir une série « carte postale », seulement un peu mieux écrite et filmée qu’un Emily in Paris.