
Figure du journalisme sportif en France, Charles Biétry, 81 ans, livre aujourd’hui un ouvrage autobiographique pour conter sa vie et sa maladie, incurable. Outre ses réflexions intimes, il s’est récemment imposé dans les médias pour dénoncer l’impasse du projet de loi sur la fin de vie, pourtant promise par le Président de la République lors de sa réélection, en 2022.
« C’est déjà dur de mourir ; mais mal mourir, c’est une double peine. » Atteint de la maladie de Charcot, Charles Biétry livre un témoignage bouleversant dans La dernière vague, publié le 29 janvier chez Flammarion. Ancienne figure du journalisme sportif, il signe un récit intime, marqué par une urgence : celle de voir enfin le gouvernement français légiférer sur l’aide à mourir. Dans ses récentes interventions médiatiques, l’ancien patron de L’Équipe TV et de Canal+ ne se contente pas de raconter sa maladie : il interpelle exécutif et législatif sur un projet de loi qui n’a toujours pas abouti.
Une autobiographie, un parcours de vie
Né en 1943 à Rennes, Charles Biétry a marqué le paysage médiatique français en tant que journaliste sportif. Il débute sa carrière à l’Agence France-Presse (AFP), où il couvre notamment la tragédie des Jeux olympiques de Munich en 1972.
En 1984, il rejoint Canal+ en tant que directeur des sports, contribuant à révolutionner la couverture sportive à la télévision française. Par la suite, il occupe des postes clés, notamment président du Paris Saint-Germain en 1998 et directeur délégué de beIN Sports, de 2012 à 2014.
Dans La dernière vague, Biétry retrace ce parcours professionnel riche en anecdotes et en rencontres. Il évoque ses interactions avec des légendes du sport, telles que Pelé et Mike Tyson, ainsi que des moments forts de sa carrière, comme l’annonce en exclusivité de la mort des otages israéliens à Munich. Mais au-delà de ses souvenirs, l’ouvrage aborde son combat personnel contre la maladie de Charcot, diagnostiquée en 2022, et son engagement pour une législation sur la fin de vie en France.
Un combat personnel et politique
Dans une lettre publiée par Brut, Charles Biétry dénonce un immobilisme politique face à la souffrance des malades : « Tout le monde aurait dû être d’accord, malheureusement, les parlementaires trouvaient toujours autre chose à faire, les croyants envahissaient les plateaux TV et le Premier ministre affirmait même que la mort n’existait pas. Ainsi, la loi sur la fin de vie aura du mal à se faufiler, obligeant beaucoup d’entre nous à programmer des suicides assistés en Suisse ou en Belgique ; quel gâchis ! Je ne demandais que liberté et dignité. »
Invité de l’émission Sept à Huit sur TF1 dimanche 26 janvier, l’homme de 81 ans a poursuivi son interpellation, regrettant que les débats parlementaires se soient enlisés, tandis que sa maladie progressait inexorablement. Déjà en 2023, il confiait à L’Équipe avoir organisé son suicide assisté en Suisse, faute de perspectives en France : « Aller se suicider en Suisse n’est pas le rêve de ma fin de vie. »
Un projet de loi en suspens
Annoncée comme l’une des priorités du second mandat d’Emmanuel Macron, la réforme sur la fin de vie devait être débattue en avril 2024. Le texte visait à encadrer une aide à mourir sous conditions strictes, tout en renforçant les soins palliatifs. Pourtant, son examen a été interrompu après la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, laissant la réforme dans l’impasse.
Si le Premier ministre François Bayrou a proposé le 21 janvier de dissocier les volets soins palliatifs et aide à mourir, cette approche suscite des critiques. Pour ses défenseurs, ce découpage risque de retarder encore davantage l’adoption d’une législation pourtant attendue. Charles Biétry, lui, s’indigne face à ces tergiversations : il dénonce une inaction coupable et presse les élus de se ressaisir. « J’attends un sursaut de nos gouvernants, qu’ils votent cette loi à l’unanimité », exhorte-t-il.
Un dernier combat
Conscient de l’issue inéluctable de sa pathologie, Charles Biétry fait de ce combat une ultime bataille. Dans La dernière vague, il livre un regard lucide sur sa propre disparition. « Ce Charcot est costaud, mais je suis en guerre », écrit-il. Une guerre contre la maladie, mais aussi contre l’inertie politique. Une guerre qu’il sait perdue d’avance, mais qu’il mène, dans son livre, avec la même ferveur que lorsqu’il écrivait l’histoire du sport à la télévision.