Critique

La version australienne de The Office révolutionne-t-elle le métro-bureau-dodo ?

18 octobre 2024
Par Thomas Ducres
“The Office”, le 18 octobre sur Prime Video.
“The Office”, le 18 octobre sur Prime Video. ©Prime Video, BBCS & Bunya Entertainment

Vingt-trois ans après la série originale de Ricky Gervais, The Office ressort du placard par surprise avec une adaptation australienne avec Felicity Ward dans le rôle de la patronne à côté de ses pompes. Suffisant pour redonner vie à l’open space du monde post-Covid 19 ?

Le David Brent incarné par Ricky Gervais dans The Office (2001-2003) aurait-il été aussi nul dans une visio par Teams ? L’impayable Gareth Keenan aurait-il autant fait flipper ses collègues en télétravail ? Probable que non. Pourtant, quatre ans après les confinements imposés par le Covid-19, Prime Video dévoile une adaptation de la série anglaise devenue culte avec huit nouveaux épisodes venus d’Australie, toujours dans la veine mockumentary.  

À l’heure du flex office et du full remote, que peuvent bien avoir à nous raconter Hannah Howard (jouée par Felicity Ward, la Ricky Gervais australienne) et ses employés ? C’est toute la question posée par ce reboot sorti de nulle part et attendu avec une agrafeuse au coin de la rue, d’autant plus après le succès de la version américaine et ses 201 épisodes.  

Steve Carell avec une perruque

Mentionnons-le d’office : l’adaptation de Prime Video a parié sur le bon cheval avec Felicity Ward, impeccable dans son rôle de mauvaise patronne de Flinley Craddick, une PME de Sydney spécialisée dans l’emballage.

Un simple coup d’œil à la scène d’introduction du premier épisode, où cette dernière recrute à la hâte des manutentionnaires pour remplir les bureaux désertés par les vrais salariés en distanciel, plante le décor.

©Prime Video, BBCS & Bunya Entertainment

Définitivement plus Steve Carell que Ricky Gervais, celle qui s’est fait connaître pour ses rôles dans Spicks and Specks ou Thank God you’re Here fait plus que le job. C’est surement l’une des différences notables avec ses deux aînées : là où le The Office de Gervais questionnait le monde de l’entreprise sur la vie de bureau époque Cogip 2000 de Message à caractère informatif, et où la version américaine s’interrogeait sur les prémisses d’Internet et le déclassement des employés non connectés, cette version australienne voit un cran plus loin.

Il est cette fois question de Flinley Craddick, une entreprise post-Covid où le télétravail s’est imposé comme un mode de vie, au grand désespoir d’Hannah Howard qui souhaite ramener tout le monde au bercail alors qu’une cadre (Alisha, jouée par Pallavi Sharda) vient lui annoncer que tout ce beau monde va devoir passer en télétravail à temps plein pour des raisons économiques.

©Prime Video, BBCS & Bunya Entertainment

Mais c’est mal connaître toutes les ressources de la boss passée experte dans l’incompétence, qu’il s’agisse d’organiser une journée de team building dans un musée du serpent ou de l’organisation de Trivial Pursuit d’entreprise le vendredi après-midi.

Une version féminine, mais pas féministe

À celles et ceux qui se demandent encore quelle version choisir entre la série anglaise et américaine, la version australienne offre une alternative : celle des femmes, majoritairement présentes dans ce casting porté sur la diversité et l’inclusion, avec des personnages secondaires bien trouvés comme Lizze (jouée par Edith Poor), impeccable dans son costume de sous-cheffe promue responsable de la productivité et qui, sans vraiment faire oublier le Dwight Schrute de The Office US, s’avère assez psychopathe pour être comique.

©Prime Video, BBCS & Bunya Entertainment

Obnubilée par le low costing, la sauvegarde du présentiel et la productivité des employés mous du genou, elle n’hésite par exemple pas à mettre toutes les chaises de l’open space en vente sur eBay. L’écriture des huit épisodes de 22 minutes chacun, confiée à la néo-zélandaise Jackie van Beek et à l’Australienne Julie De Fina, reprend quant à elle tous les codes de The Office, mais en y apportant une nouveauté de taille : en dépit des adaptations de la série au Chili, en Inde, en Suède ou en Israël, c’est la première fois qu’une femme est aux commandes de l’entreprise en péril.

©Prime Video, BBCS & Bunya Entertainment

Une grande première qui permet à Hannah Howard de « briller » en société ; par exemple en oubliant le prénom de l’employé mort pour lequel elle a décidé d’organiser un éloge funèbre en open space, ou en tentant dans l’épisode 4 (Tax Dodge) de créer une fausse religion au nom de l’entreprise pour permettre une exonération d’impôt. Que les femmes dirigeantes puissent être aussi nulles que leurs homologues masculins : et si c’était ça, finalement, le meilleur symbole de l’égalité femme-homme ?

La vie de bourreau

Plus réussie que l’adaptation française de 2006 avec François Berléand (une seule saison et puis s’en va), The Office à la sauce australienne ne prend pas totalement. Malmenée sur les réseaux après la publication d’un premier trailer aux commentaires assassins (« J’utilise un fauteuil roulant depuis 20 ans. Aujourd’hui, je me suis levé pour couper cette vidéo. »), la série de Prime Video peine à vraiment renouveler l’exercice, comme si le spectateur découvrait un humour sur le monde d’avant, produit dans le monde d’après.

Moins malaisante que la série cousine Curb Your Enthusiasm, The Office cuvée 2024 souffre simplement d’une arrivée trop tardive dans l’univers de la satire corporate, et l’on en vient à regretter que ce reboot féminin n’ait pas été produit avant la version américaine.

Face aux interprétations magistrales de Ricky Gervais et Steve Carell, Felicity Ward ne peut que se contenter d’une troisième place sur le podium avec un arc narratif tirant hélas un peu trop sur la corde historique. Aux dernières nouvelles, 77 % des Français semblent plébisciter la semaine de quatre jours. Pas certain pour autant qu’ils profiteront du jour restant pour binger cette nouvelle version d’une traite à la maison.

The Office, huit épisodes disponibles dès le 18 octobre sur Prime Video.

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