Le musée d’histoire de Nantes plonge son regard au sein de ses propres collections pour construire cette exposition centrée sur le passé esclavagiste de la ville, qui fut un temps le premier port négrier de France.
Entre les XVIIe et XIXe siècles, plus de 500 000 personnes furent déportées à bord des navires nantais en direction des colonies françaises outre-Atlantique. À partir de cette donnée massive, brute et anonyme, le musée d’histoire de Nantes s’est engagé à éclairer la trajectoire tragique de ces hommes, femmes et enfants victimes de la traite atlantique et du commerce triangulaire, et à leur redonner une identité propre. Cette nouvelle exposition, qui coïncide avec les vingt ans de la loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité – dite loi Taubira – promulguée le 21 mai 2001, prolonge ce travail mémoriel en exhumant des objets qui rendent compte de la réalité matérielle de la traite négrière et de la complexité du système esclavagiste. Le musée a ainsi pris le parti d’une exposition en partie immersive, dont le dispositif numérique doit permettre au visiteur de mieux se rendre compte de la réalité vécue par les individus embarqués malgré eux dans les cales des navires négriers : l’exposition projette le visiteur à bord de La Marie-Séraphique, navire qui prit activement part à la traite atlantique au XVIIIe siècle, à travers une enveloppe sonore et visuelle reconstituant les conditions de vie déplorables à bord de ces navires où beaucoup perdirent à la vie avant même d’atteindre les colonies.
S’en suit alors une foule de documents comptables, de portraits d’esclavagistes, de croquis, de plans et autres objets qui matérialisent le commerce florissant des esclaves autour de la capitale historique des ducs de Bretagne ; on peut y trouver, entre autres, un exemplaire du Code noir de Colbert datant du XVIIIe siècle, texte qui fixe les règles administratives de la traite négrière, ou encore des pièces de textile rapportées des Indes pour faciliter l’échange des esclaves sur les côtes africaines. D’autres objets sont également là pour rappeler la déshumanisation vécue par les captifs, à l’image des entraves de pied et de cou ponctuées de piques métalliques censées dissuader les esclaves de prendre la fuite. En retraçant le parcours d’individus dépossédés de leurs identités et de leurs cultures au profit du commerce occidental, et en revenant également sur le destin méconnu des personnes venues des plantations pour être au service de familles nantaises, l’exposition entend redonner une épaisseur propre à ces figures invisibilisées et évacuées de l’Histoire.
Infos pratiques
L’Abîme. Nantes dans la traite atlantique et l’esclavage colonial, 1707-1830 – Musée d’histoire de Nantes, Château des ducs de Bretagne – Jusqu’au 19 juin 2022 – Tlj de 10h à 18h, fermé le lundi – Billetterie par ici