1962-2022… Il y a 60 ans, l’Algérie arrachait son indépendance à la France après l’un des conflits les plus complexes et traumatisants de notre histoire. Une guerre dont on a longtemps caché le nom, au terme de laquelle un territoire ayant vécu cent trente ans sous le drapeau français est devenu un État souverain. Au risque de se perdre dans une surabondance éditoriale, voici quelques ouvrages références pour tenter de (mieux) comprendre la guerre d’Algérie.
La Guerre d’Algérie de Pierre Montagnon
Avec La Guerre d’Algérie, genèse et engrenage d’une tragédie, 1954-1962, Pierre Montagnon, ancien militaire décoré de la Légion d’honneur, publiait en 2004 ce qui reste aujourd’hui une lecture incontournable pour quiconque s’intéresse à la guerre d’Algérie. Une œuvre exhaustive très largement documentée qui revient sur les faits, de la Toussaint rouge le 1er novembre 1954 à l’indépendance en mars 1962, mais en prenant également la peine de remettre en perspective l’histoire de l’Algérie, et ce depuis l’Antiquité. Une façon, la seule, d’éclairer les motivations profondes et les marges de manœuvre de chacune des parties. Un récit d’historien doublé d’un témoignage d’homme de terrain en Algérie, lui ancien militaire, officier de la Légion d’honneur.
Les Vérités cachées de la guerre d’Algérie de Jean Sévilla
Autre regard passionnant, celui posé par Jean Sévilla dans Les Vérités cachées de la guerre d’Algérie qui, en 2022, se voit honoré d’une nouvelle édition. Parce que l’histoire est faite de nuances, se refusant à toute analyse excessivement manichéenne, l’historien restitue méticuleusement dans toute leur complexité la réalité des événements. Loin des réactions partisanes ou des déclarations réductrices, Jean Sévilla nous invite à regarder « en adulte » ce temps d’histoire tragique et partagé, remettant en lumière un certain nombre d’événements de ce conflit largement oubliés ou volontairement omis.
La Guerre d’Algérie expliquée à tous de Benjamin Stora
Comment faire court sur un sujet aussi délicat et enchevêtré que la guerre d’Algérie ? C’est le tour de force réussi par l’historien Benjamin Stora dans son livre La Guerre d’Algérie expliquée à tous. Avec pédagogie mais sans pour autant sacrifier à la simplicité la complexité du conflit, Benjamin Stora en éclaire les principaux épisodes : les massacres de Sétif, le FLN, l’OAS, le putsch des généraux, les harkis, De Gaulle, la fin de la IVe République… Sans oublier d’évoquer les blessures encore vives de part et d’autre de la Méditerranée et le difficile travail de mémoire. Un livre essentiel aussi intelligent qu’intelligible avec, en fin d’ouvrage, une série de pistes bibliographiques et cinématographiques pour aller plus loin.
La Guerre d’Algérie vue par les Algériens – tome 1 & 2 de Benjamin Stora et Renaud de Rochebrune
Benjamin Stora encore mais pour une guerre d’Algérie racontée autrement. À quatre mains avec le journaliste et écrivain Renaud de Rochebrune, et en deux tomes – « Des origines à la bataille d’Alger » puis « De la bataille d’Alger à l’indépendance » –, l’historien change les perspectives pour dérouler le récit de celle qu’on appelle davantage « guerre d’indépendance », « guerre de libération nationale » ou « Révolution révolution ». Une guerre vue par les Algériens au fil de documents rares ou tout simplement inédits. Au milieu de la myriade d’ouvrages publiés sur le sujet, le duo Stora-de Rochebrune propose ici un point de vue aussi original que nécessaire.
Le Silence et le bruit d’Hélène Cohen
« Algérie 1962, l’été où ma famille a disparu » sous-titre Hélène Cohen. Dans ce récit profondément intime, l’autrice raconte comment, à la mort de son père, elle découvre avec stupeur l’existence – et la disparition – d’une famille dont elle ignorait tout. Des grands-parents, une tante, un gendre… Ils sont quatre en tout, quatre Juifs algériens mystérieusement disparus quelques jours avant la déclaration d’indépendance. Dans Le Silence et le bruit, Hélène Cohen nous plonge au cœur d’un déchirant secret familial. Une enquête et une quête bouleversantes mais jamais larmoyantes, menées avec pudeur et authenticité, d’une écriture délicate, sensible et sincère.
Des hommes de Laurent Mauvignier
Parce que les récits et les mémoires s’opposent, la fiction, par la liberté qu’elle octroie, apparaît parfois comme une nécessaire respiration pour aborder l’histoire de la guerre d’Algérie. Et à ce titre, Des hommes de Laurent Mauvignier figure certainement parmi les plus beaux écrits sur le sujet. Ce ne sont pas les faits qui intéressent ici l’écrivain mais la guerre après la guerre. Les conflits intérieurs de ceux qui sont partis là-bas puis revenus sans jamais réussir à retrouver la paix. De ces hommes abîmés, rongés par des blessures profondes mais invisibles. Toute une vie à se taire, en s’efforçant d’oublier. De son écriture puissante et précise, Laurent Mauvignier écrit l’indicible, la peur, la douleur des souvenirs et les regrets d’une jeunesse perdue.
Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra
De la délicatesse encore avec ce formidable roman signé Yasmina Khadra. L’Algérie coloniale, la guerre pour l’indépendance, l’exode des pieds-noirs, le poids du secret… Déroulé entre 1930 et 1962, Ce que le jour doit à la nuit dresse le portrait magnifique d’une Algérie passionnée mais meurtrie, disloquée entre deux communautés éprises d’un même pays. De son écriture poétique et généreuse, l’écrivain algérien nous offre ici un bouleversant roman d’amours. Amours d’un pays, d’une femme, d’une jeunesse. Amours tumultueux, contrariés, violents, sanglants. Un livre profondément humain dont la douceur rend la douleur d’autant plus sensible.
*Copyright visuel : Jamil KABAR via unspllash
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