Critique

Revoir Paris, ou le parcours bouleversant du survivant

07 septembre 2022
Par Lisa Muratore
Virginie Efira incarne Mia dans Revoir Paris.
Virginie Efira incarne Mia dans Revoir Paris. ©Pathé Distribution

Après un tour sur la Croisette durant la Quinzaine des Réalisateurs, Revoir Paris est attendu ce mercredi 7 septembre dans les salles de cinéma. Alice Winocour y dresse le portrait des survivants d’un attentat parisien, à travers les yeux d’une Virginie Efira forte, résolue et bouleversante. Un film puissant d’une grande justesse. Critique.

L’année 2022 sera celle de Virginie Efira. Après avoir porté En Attendant Bojangles aux côtés de Romain Duris, ainsi que la réinvention de Don Juan avec Tahar Rahim, la comédienne partage cette fois-ci l’affiche avec Benoît Magimel dans Revoir Paris. Attendu ce mercredi 7 septembre dans les salles obscures, le film réalisé par Alice Winocour raconte le parcours de Mia, rescapée d’un attentat dans une brasserie parisienne dont elle a tout oublié.

Pour se reconstruire, la jeune femme va tenter de réunir les pièces du puzzle. Elle va alors naviguer à travers ses souvenirs – et ceux d’une galerie de personnages. Une quête de bonheur difficile, dont il ressort une proposition de cinéma intime.

Plus qu’un film d’attentat

La tuerie du Bataclan et des cafés parisiens a déjà été détaillée dans le documentaire Netflix, Fluctuat Nec Mergitur (2018). Le 5 octobre prochain, Novembre, de Cédric Jimenez, nous embarquera avec le service anti-terroriste français dans la traque des fugitifs responsables des attaques. Ces œuvres retracent avec force, rythme et violence une nuit d’horreur. Des œuvres-pansements qui font écho à ce que les États-Unis ont produit après les attentats du World Trade Center, avec des créations souvent patriotiques ou spectaculaires.

Mais, avec Revoir Paris, Alice Winocour choisit de dépasser le film d’attentat. Elle pose ici un regard pudique et bouleversant sur les conséquences de l’attaque, librement inspiré de la soirée du 13 novembre 2015, et du récit de son frère, survivant du Bataclan. Ces événements ne sont qu’une porte d’entrée pour que la cinéaste parle de traumatismes, de reconstruction, mais aussi de deuil et de résilience. La survie n’est pas réduite à la fusillade : on explore aussi les conséquences qu’elle provoque dans la vie de Mia. Pour aborder toutes ces manifestations, elle convoque une galerie de personnages. Emmenés par le duo Virginie Efira et Benoît Magimel, on découvre alors leurs vibrants récits.

Benoît Magimel et Virginie Efira dans Revoir Paris.©Pathé Distribution

Une histoire de mémoire

C’est aussi grâce à eux que Mia va pouvoir combler les lacunes de sa mémoire : Revoir Paris est un film de quête. Un choix scénaristique qui apporte de l’intelligence au drame, ainsi que du rythme. À l’instar de ce que Memento (Christopher Nolan, 2000), les prémices de Jason Bourne (2002), ou encore Eternal Sunshine of the Spotless Mind (Michel Gondry, 2004) proposaient à différentes échelles, le long-métrage d’Alice Winocour joue sur ces codes de façon moins spectaculaire, mais permet d’accompagner son personnage principal à travers sa recherche. On ne s’identifie pas forcément à Mia, mais le spectateur est là pour l’aider à faire la lumière sur son histoire.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le film offre constamment des plans serrés sur le personnage de Virginie Efira. On est à ses côtés, caméra embarquée sur l’épaule, dans un Paris froid et désolé. La capitale devient ici un personnage de l’intrigue alors qu’on passe de la brasserie à la place de la République, puis de sa banlieue à la tour Eiffel. Et ce chemin à travers la ville, les témoignages des survivants, leurs mécanismes de défense, l’appréhension des groupes de parole, et les commémorations, soulignent également le travail de mémoire qu’offre le film.

Les souvenirs passent aussi à travers le corps : l’entaille de Mia sur le ventre, les jambes cassées de Thomas, incarné par un Benoît Magimel sensible et lumineux – proche de son rôle dans De son vivant (2021), pour lequel il a reçu le César du Meilleur Acteur.

Pour autant, Revoir Paris ne tombe pas dans le contemplatif. Malgré quelques menues longueurs, Alice Winocour a choisi d’insuffler du réalisme à son scénario. D’abord, pour nous plonger dans l’horreur de la fusillade. Puis pour dresser par touches le portrait social de la France, notamment avec le destin des sans-papiers. Cet élément permet également un mélange des genres. Au drame humain se mêle un propos social, mais aussi les codes d’une romance inédite entre les personnages de Virginie Efira et de Benoît Magimel.

Revoir Paris est donc le point de départ d’une quête humaine et universelle, portée par un personnage féminin fort. Deux éléments qui font d’ailleurs écho aux précédents films d’Alice Winocour, Maryland (2015), pour l’appréhension du stress post-traumatique, et Proxima (2019), porté par Eva Green. Le long-métrage ne fait pas non plus l’erreur de tomber dans le pathos exagéré et choisit de se concentrer sur la survie de ces personnages. Un portrait fort et bouleversant, rempli de force.

Revoir Paris, d’Alice Winocour, avec Virginie Efira et Benoît Magimel. 1h45, en salle le 7 septembre 2022.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste