À l’occasion des Rencontres de la photo d’Arles, l’exposition collective présente les projets de 71 figures majeures de l’avant-garde féministe des années 1970. Issus de la collection Verbund, ils affirment des combats encore et toujours d’actualité.
Après dix années de pérégrinations dans toute l’Europe, Une Avant-garde féministe des années 1970 s’installe à la Mécanique générale jusqu’au 25 septembre prochain. Présentée dans le cadre de la 53e édition des Rencontres d’Arles, où davantage de photographes femmes sont exposées, l’exposition collective esquisse une histoire de l’art souvent occultée. D’utilité publique, elle revient ainsi sur les femmes qui ont fait usage de leurs médiums de prédilection pour s’affirmer davantage. Par ce biais, elles sont parvenues à s’affranchir un tant soit peu des diktats d’un patriarcat délétère.
Une nouvelle « image de la femme »
La manifestation donne à voir les créations de 71 femmes, réunies au sein de la collection Verbund à Vienne. Gabriele Schor – conservatrice à l’initiative de ce fonds artistique riche de 200 œuvres – a passé près de deux décennies à le constituer.
Période de révolution sociale et sexuelle, les années 1970 se sont présentées comme un contexte favorable à l’expression des femmes en Occident. À l’instar du Mouvement de libération des femmes (MLF) en France, partout en Europe, des groupes militants se sont alors formés et ont commencé à revendiquer leurs droits : la deuxième vague du féminisme est née. Alors que le premier mouvement luttait essentiellement pour l’égalité des sexes et l’obtention de droits civiques comme celui du vote, le second s’est surtout intéressé aux problématiques sociales dans leur ensemble. Parmi elles figurent les thématiques liées aux sexualités, à l’avortement et la contraception, à la famille et au travail. Si elles interrogent la place des femmes dans la société, elles invitent également à repenser leurs représentations.
À lire aussi
Ces nombreuses revendications sociales ont su s’illustrer avec fracas dans le milieu artistique. Comme nous l’expliquait la commissaire de l’exposition Gabriele Schor dans un récent entretien, cet élan créatif illustre tout à fait « le combat des femmes pour redéfinir les codes picturaux et photographiques qui étaient monopolisés par les hommes jusqu’à très récemment ». Une nouvelle avant-garde s’est alors développée, mettant à mal les différents carcans de l’époque, le sexisme ordinaire, les inégalités sociales et les structures du pouvoir patriarcal. Des artistes comme ORLAN, Cindy Sherman, Ana Mendieta, Francesca Woodman, VALIE EXPORT ou encore Annette Messager, pour ne citer qu’elles, ont alors proposé une nouvelle « image de la femme ».
Au fil de l’exposition, cinq thématiques se succèdent tour à tour. Intitulées « Femmes au foyer – mère – épouse », « Enfermement – émancipation », « Diktat de la beauté – corps féminin », « Sexualité féminine » et « Identité – jeu de rôle », toutes créent des dialogues nécessaires, entremêlant des figures ou des états de la féminité qui s’opposent ou se complètent. Images, vidéos et extraits de performances prennent du recul sinon dénoncent la place que les sociétés relayent aux femmes, et contribuent in fine à leur émancipation.
L’exposition, extrêmement riche, se clôt sur un autoportrait d’Orlan « accouchant d’elle-m’aime ». Un cliché puissant qui trouve encore résonnance près d’un demi-siècle plus tard tant il appuie sur la liberté de pouvoir disposer de son corps. Un droit fondamental qui, pourtant, reste fragile, en témoigne l’actualité.