Critique

Apollo 10 ½ (Netflix) : Richard Linklater replonge en enfance 

05 avril 2022
Par Félix Tardieu
Dans "Apollo 10 1/2", Richard Linklater a de nouveau recours à la rotoscopie
Dans "Apollo 10 1/2", Richard Linklater a de nouveau recours à la rotoscopie ©Netflix

Dans son nouveau film diffusé sur Netflix, le réalisateur texan Richard Linklater (Dazed & Confused, Boyhood) fait son retour au cinéma d’animation avec cette capsule nostalgique en partie inspirée de l’enfance du cinéaste en banlieue de Houston, alors que la NASA se préparait à envoyer les premiers hommes sur la Lune.

Le cinéaste américain Richard Linklater, quelque peu effacé (mais toujours aussi prolifique) depuis la sortie de Boyhood, son film événement tourné sur plus de douze ans, revient cette fois-ci sur Netflix avec un film non moins confidentiel, car fixé dans un écrin intime et minimaliste : dans le film d’animation semi-autobiographique Apollo 10 ½, un certain Stan, incarné à l’âge adulte par la voix de Jack Black, se remémore son enfance au sein d’une famille nombreuse de la middle class américaine à la fin des années 1960, alors que l’Amérique est en pleine course à l’espace. 

Apollo 10 ½ ©Netflix

Stan, dix ans et demi, imagine alors, dans un moment de rêverie, avoir été recruté par la NASA dans la cour de récré afin de tester un module lunaire (car trop petit pour pouvoir accueillir un adulte, ça tombe bien !) quelques semaines avant le véritable lancement d’Apollo 11. Cette incursion de l’imagination dans l’effort de restitution du réel confère à Apollo 10 ½ tout son intérêt, car la reconstitution minutieuse et méthodique de l’enfance de Stan – dans une sorte d’accumulation boulimique de détails propre à la démarche quasi proustienne des films de Linklater – aurait rapidement pu épuiser son carburant nostalgique. 

Fly me to the moon

Dans Apollo 10 ½, Linklater fait alors dialoguer la modernité de la motion capture et de l’animation 2D avec la rotoscopie, procédé auquel le fondateur de l’Austin Film Society avait déjà eu recours pour Waking Life et A Scanner Darkly (adaptation du roman de Philip K.Dick avec Keanu Reeves, Robert Downey Jr. et Winona Ryder), qui consiste à créer les dessins à partir de prises de vue réelles pour un rendu plus réaliste. Une couche esthétique un brin surannée, mais qui prend paradoxalement tout son sens dans cette espèce d’hypermnésie filmique de Linklater et qui confère un certain charme à un film qui, sur le papier, n’avait pas grand-chose de neuf à proposer.   

Richard Linklater et Milo Coy sur le tournage d’Apollo 10 1/2 ©Matt Lankes/NETFLIX

Richard Linklater témoigne une fois de plus de son goût pour l’expérimentation, travaillant à partir de sa propre expérience du temps et de la mémoire pour accoucher de nouvelles formes cinématographiques. Aucun intérêt, au fond, à départager le vrai du faux dans Apollo 10 ½, tant le film regorge de détails (le poste de télé, les snacks les plus farfelus, les combines avec les copains, les disputes avec les frères et soeurs, les sorties au drive-in, etc.), de petites touches d’authenticité, comme autant d’instantanés d’une époque révolue. Le cinéma d’animation, réquisitionné par Linklater tel un alchimiste, est alors le seul chant incantatoire à pouvoir « r(é)animer » un passé à la fois ancré dans la réalité et fantasmé.

Richard Linklater est d’ailleurs loin d’en avoir fini avec son petit laboratoire d’expériences cinématographiques, puisque ce dernier prépare actuellement un film musical (Merrily We Roll Along) dont le tournage doit s’étaler sur vingt ans. Le rendez-vous est pris.

Apollo 10 ½ de Richard Linklater – 1h37 –  Disponible depuis le 01/04/2022 sur Netflix.

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste