
Attendu ce mercredi 2 juillet dans les cinémas français, Rapaces retrace l’enquête journalistique autour d’un féminicide. De quoi nous rappeler une autre affaire : celle mise en scène par Dominik Moll dans La nuit 12 en 2022.
Dans La nuit du 12 (2022), Yohan Vivès (Bastien Bouillon) devait enquêter sur le meurtre de Clara, une jeune fille aspergée d’essence qu’on avait par la suite immolée. L’histoire de ce violent féminicide inspiré d’un fait réel et du livre-documentaire de Pauline Guéna, 18.3 – Une année à la PJ, avait marqué les salles obscures en 2022 au point de remporter, par la suite, le César du meilleur film.
Trois ans après ce thriller paranoïaque qui nous embarquait dans la psyché de son enquêteur, Peter Dourountzis présente Rapaces, un polar dans lequel une jeune fille est retrouvée morte après avoir été aspergée à l’acide. Plutôt que de suivre la police, le réalisateur a voulu mettre ici en lumière le travail des journalistes spécialisés dans le fait divers. On suit ainsi Samuel (Sami Bouajila) qui, obsédé par l’affaire, va décider de mener une enquête indépendamment de sa rédaction aux côtés de sa fille et stagiaire, Ava (Mallory Wanecque). Ensemble, ils vont tenter d’élucider cette affaire sordide au point que la jeune reporter va perdre pied, confrontée à une violence envers les femmes nouvelle.

Loin de la procédure policière, Rapaces nous plonge dans les coulisses du journalisme de faits divers. Magouilles et mensonges pour tenter d’obtenir le scoop sont de mises dans ce polar sous tension. Surtout, le film interroge l’humanisme de ses personnages : des coupables bien évidemment, mais aussi celui des reporters n’hésitant pas à agir comme des vautours face aux victimes collatérales du drame.
Un parti pris intéressant qui permet d’explorer le fonctionnement d’une rédaction tout comme ses failles et travers, mais qui fonde surtout le basculement de toute l’histoire. Car Rapaces, tout comme La nuit 12, opèrent comme le catalyseur des pires comportements humains. Ces films sont aussi une manière de porter un regard sur notre société contemporaine.
Au-delà du thriller et de l’enquête, les films de Dominik Moll et de Peter Dourountzis utilisent le genre pour décrypter la violence envers les femmes, le premier nous plongeant dans l’obsession viscérale d’un enquêteur qui va découvrir un sexisme ambiant, le second en nous embarquant aux côtés d’Ava — interprétée avec force par Mallory Wanecque — dans une spirale d’émotion et de tourments.

À travers leurs yeux et leur expérience respective, c’est tout un propos politique qui se dégage des deux longs-métrages. Toutefois, Rapaces n’hésite pas à faire d’Ava la victime de son propos.
En confrontant la stagiaire aux regards des hommes, le film s’autorise un parallèle encore plus percutant entre elle et le meurtre sur lequel elle enquête. Une démonstration cristallisée grâce à une mise en scène subtile, imprégnée des polars des années 1970, et des séquences marquantes.
Ainsi, Peter Dourountzis comme Dominik Moll précédemment usent du polar pour se faire le miroir d’une société violente où les féminicides sont encore nombreux et inexplicables. Entre malaise, tension et prestations habitées les deux longs-métrages se font écho artistiquement et politiquement. Reste à savoir si la trajectoire de Rapaces sera la même que La nuit du 12 en salles ou à l’occasion des cérémonies de récompenses de l’année prochaine.
Rapaces de Peter Dourountzis avec Sami Bouajila, Mallory Wanecque et Jean-Pierre Darroussin, 1h44, le 2 juillet au cinéma.