
Celine Song revient sur grand écran avec Materialists, une comédie romantique satirique sur le challenge du dating. Malgré un trio de têtes prometteur et une démonstration originale, le film a du mal à convaincre de par son propos. Critique.
Une jeune new-yorkaise, belle, dynamique et célibataire ; un charmant bachelor à qui tout sourit ; et un ex-petit ami cabossé par la vie qui peine à joindre les deux bouts. Voici les trois personnages qui composent le nouveau long-métrage de Celine Song, Materialists. Pour son retour sur grand écran, la réalisatrice de Past Lives – Nos vies d’avant (2023) s’empare des codes de la comédie romantique des années 2000 afin de filmer les pérégrinations de Lucy (Dakota Johnson).
Si Lucy a l’habitude d’organiser des rendez-vous pour ses clients, elle est à son tour propulsée dans le monde du dating lorsqu’elle fait la connaissance de Harry (Pedro Pascal), un magnat de la finance digne du prince charmant. Mais, triangle amoureux oblige, notre ambitieuse matchmakeuse va également croiser la route de son ancien amour, un éternel galérien qui rêve de devenir acteur à New York (Chris Evans).

Satire sociale ?
L’affiche a donc tout pour être juteuse : un trio réunissant les acteurs les plus en vogue d’Hollywood ainsi que l’atmosphère de la rom-com à la sauce Celine Song. Car, sous couvert d’une comédie romantique classique made in La Grosse Pomme, la réalisatrice issue du cinéma indépendant américain use surtout des codes du genre afin d’offrir une réflexion moderne sur la complexité des relations humaines et le challenge du dating à l’heure des applications de rencontres. En filmant ces archétypes, la cinéaste dresse une démonstration sociologique, presque mathématique, du couple ; une façon de dénoncer une culture de la romance devenue algorithmique.
Il en ressort un film en forme de satire sociale sur la superficialité de l’amour dans un monde de plus en plus consumériste. Un ton qu’il est étonnant de retrouver chez Celine Song, qui s’éloigne ici du langage poétique de Past Lives – Nos vies d’avant, pour tenter de comprendre, sous le vernis glamour de la rom-com, comment les facteurs socio-économiques définissent la durabilité (ou pire, la légitimité) d’une relation.

Superficials
Toutefois, la cinéaste semble avoir failli à sa démonstration. Si on retrouve la mise en scène douce et posée de Celine Song au moyen de plans-séquences qui laissent exister les personnages à travers des dialogues redoutables – notamment dégainés par une Dakota Johnson charismatique –, le rythme apparaît trop lent. La cinéaste semble parfois tourner en rond et ne dépasse jamais son propos initial. Surtout, il semble difficile en fin de comptes de comprendre la véritable morale qu’elle essaie de faire passer.
Les archétypes, de leur côté, ne dépassent jamais leur condition de simple schéma scénaristique. Malgré une incarnation fidèle de ces standards, difficile de s’investir émotionnellement dans chacun d’eux ou dans leur relation mutuelle, malgré quelques moments de dévoilement.
Jamais on ne parvient à saisir la sensibilité des personnages, si ce n’est celle de Chris Evans. L’acteur troque ici le costume de l’impeccable Captain America contre une interprétation pleine de failles. Un rôle qui rappelle ce qu’il avait pu offrir dans Mary (2017), un drame familial dans lequel son personnage se battait pour la garde de sa nièce.
Par ailleurs, qui dit comédie romantique, dit humour. Seulement, ce dernier ne prend jamais, même quand Celine Song s’essaie au clin d’œil sarcastique à une opération subie par le personnage de Pedro Pascal ou fait défiler face à Lucy des clients qui prétendent à des standards beaucoup trop élevés chez leurs partenaires. Malgré une légèreté bienvenue, le film ne parvient jamais à nous offrir de vraies respirations. Bien qu’il soit une caricature version 2025 des longs-métrages romantiques des années 1990-2000, il semble toujours se prendre au sérieux. Une volonté de Celine Song pour mieux appuyer son propos ? Très certainement.
Seulement, on attendait beaucoup plus de son retour sur grand écran. Malgré la réflexion sur le couple dans laquelle la cinéaste use du contraste de la rom-com pour mieux défendre son argumentaire, difficile de comprendre la véritable raison d’être de Materialists. Constat décevant sur notre époque de plus en plus superficielle et violente ? Éloge de l’amour conquérant malgré tout ?
Il ressort, en tout cas, de Materialists une frustration presque inexplicable devant le schéma exposé par Celine Song. Si certains y verront une exposition délicate de nos failles amoureuses actuelles, d’autres regretteront le manque de profondeur dans l’écriture et le propos. Mais c’est peut-être notre côté fleur bleue qui parle, après tout.
Materialists de Celine Song avec Dakota Johnson, Pedro Pascal et Chris Evans, 1h49, le 2 juillet au cinéma.