Critique

F1, le film : un grand prix du cinéma ou un simple tour de piste pour Brad Pitt ?

25 juin 2025
Par Pablo Baron
Brad Pitt dans “F1, le film”, au cinéma le 25 juin.
Brad Pitt dans “F1, le film”, au cinéma le 25 juin. ©Warner Bros.

Dans le tumulte d’un rodéo mécanique mené tambour battant, Brad Pitt signe un retour en force. Le nouveau film de Joseph Kosinski offre un spectacle hollywoodien très immersif, malgré des accrochages en chemin.

Après l’immense succès de Top Gun: Maverick (2022) beaucoup de pression reposait sur les épaules du réalisateur Joseph Kosinski. Sans compter que le premier rôle de cette superproduction à 200 millions de dollars n’est autre que le sex-symbol le plus connu de la planète : Brad Pitt. Pour être à la hauteur, le cinéaste a renoué avec sa fidèle équipe de la franchise Top Gun : Ehren Kruger et Jerry Bruckheimer, respectivement scénariste et producteur du film, tout en faisant appel pour sa bande originale au majestueux Hans Zimmer. La première séquence, au son de Whole Lotta Love de Led Zeppelin, accroche immédiatement le public sur Brad Pitt et annonce le ton rock et puissant du show.

Dans ce film d’action survolté, l’acteur incarne Sonny Hayes, jeune prodige de la F1 dans les années 1990 qui s’est rabattu sur d’autres sentiers après un accident tragique. Jusqu’au jour où un vieil ami, Ruben Cervantes (joué par Javier Bardem), propriétaire d’une écurie en faillite, le persuade de le rejoindre pour sauver son équipe. À son arrivée, le jeune et impétueux Joshua Pearce (interprété par Damson Idris), pilote numéro 1 de l’écurie, ne veut surtout pas laisser ce vieux brisquard lui faire de l’ombre. C’est le choc entre deux générations, qui se jalousent et se méprisent avant de devenir les meilleurs coéquipiers – une morale bien connue des films de sport hollywoodiens et qui fait toujours mouche.

Damson Idris et Brad Pitt dans F1, le film.©Warner Bros.

Des acteurs calibrés pour la F1, mais qui peinent à émouvoir 

Rappelons d’abord que les acteurs ont réellement appris à conduire ces bolides, passant de la F3 à la F2 déguisée en F1 pour atteindre un niveau de conduite qui puisse être crédible à l’image. Le sexagénaire n’a pas ménagé ses efforts et livre une belle performance, surtout lorsqu’on connaît les défis physiques que ce sport exige : en moyenne, un pilote perd 2 à 3 litres de transpiration par course et subit des accélérations de cinq ou six G à chaque virage. On imagine aisément Tom Cruise (après son rôle dans Top Gun: Maverick) jalouser les courses hors normes de Brad Pitt… À 60 ans passés, les deux anciens playboys d’Hollywood cherchent encore à maintenir leur statut de sex-symbol en jouant ces pilotes de l’extrême. Inspirant ou navrant ? Ils éviteront sans doute les critiques de la mouvance progressiste hollywoodienne, en ayant laissé une place à la relève : Miles Teller et Glen Powell dans Top Gun: Maverick et Damson Idris dans F1

Pour revenir au rôle de Sonny, joué par Brad Pitt, ce personnage au caractère indépendant et taiseux n’est pas sans rappeler celui du cascadeur Cliff Booth dans Once Upon a Time in Hollywood (2019). Tout aussi casse-cou, Sonny saisit la chance de sa vie pour enfin obtenir ce qu’il désire depuis toujours : un Grand Prix de F1. Son côté taciturne s’expliquerait par le traumatisme laissé par son accident, le film nous laissant penser qu’il est plus profond qu’il n’y paraît.

Sans cesse à la recherche d’une sensation très rare que ne connaissent que les pilotes de son acabit – une sorte « d’extase omnisciente de conduite » –, Sonny est en quête d’une transcendance ; une recherche à laquelle croiront sans difficulté les fans de l’acteur. Toutefois, si l’implication physique est remarquable, la dimension dramatique du personnage reste parfois survolée. Les enjeux intérieurs de Sonny, bien qu’évoqués, manquent d’un ancrage plus subtil pour véritablement émouvoir. C’est un des problèmes du film : il adopte une posture plutôt qu’une profondeur. 

Damson Idris et Brad Pitt dans F1, le film.©Warner Bros.

Le jeune Joshua Pearce, quant à lui, joue le jeu des réseaux sociaux en affichant un ego surdimensionné et un ton provocateur, fidèle à la réalité numérique des pilotes-stars d’aujourd’hui. Mais, ici aussi, le personnage semble enfermé dans un archétype : les dialogues, parfois trop directs et explicatifs, limitent l’ampleur que ces protagonistes pourraient atteindre. Javier Bardem insuffle pour sa part un peu plus d’âme au film, avec sa passion débordante pour la F1 qui crève l’écran. En tant qu’ancien pilote reconverti en propriétaire d’écurie, toujours à deux doigts de la banqueroute, il ajoute une folie pour ce sport presque comique. Un atout majeur pour le long-métrage qui, malgré la justesse des interprétations, s’appuie sur des archétypes qui servent une intrigue assez prévisible. 

Un scénario en pilotage automatique

Le réalisme du film tient au fait que de vrais pilotes de légendes concourent contre l’écurie APXGP portée par Sonny et son coéquipier : on croise ainsi Lewis Hamilton (coproducteur et conseiller sur le film) et Charles Leclerc (Ferrari), Max Verstappen (Red Bull) ou encore Carlos Sainz (Williams), sans oublier que les courses se déroulent sur de vrais Grand Prix, notamment ceux d’Abou Dabi et en Grande-Bretagne. D’autres acteurs majeurs du milieu de la F1 apparaissent dans le film : le PDG de la F1, Stefano Domenicali, des patrons d’écurie comme Christian Horner (Red Bull) et Toto Wolf (Mercedes), mais aussi les commentateurs David Croft (surnommé « Crofty » par les fans) et Martin Brundle, détail qui ne passera pas inaperçu aux yeux des passionnés de F1. Cependant, la faiblesse du scénario réside dans le fait que l’on voit rarement nos deux héros, si ce n’est jamais, interagir avec tous ces grands noms de la F1.

Javier Bardem et Brad Pitt dans F1, le film. ©Warner Bros.

Si le blockbuster oscille de manière équilibrée entre émotion, tragédie, romance, amitié, humour et de longues séquences d’action, il n’en reste pas moins appuyé sur un scénario aux personnages « bigger than life » et à l’aspect très manufacturé. À commencer par Sonny, cet ancien pilote qui parvient à concourir auprès des meilleurs pilotes du monde et à déceler tous les problèmes techniques de sa F1 après seulement une session d’entraînement – un tour de force un peu exagéré. Ensuite vient cette romance, aussi furtive que prévisible, entre une membre de l’équipe et notre héros. Cette love story peu creusée ne fait pas avancer l’histoire et n’existe que pour ajouter un enjeu accessoire à l’intrigue – à moins qu’il ne s’agisse que de provoquer l’émoi des fans de Brad Pitt. 

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F1 mérite ses galons de spectacle immersif, pour l’incroyable proximité entre le spectateur et le pilote, rendue possible par des images capturées simultanément sous 12 différents angles, afin de saisir l’exaltation et l’adrénaline qui submergent l’habitacle pendant la course. Le rendu, projeté sur un écran IMAX qui englobe le spectateur, donne la sensation haletante de vivre la course avec le pilote. Une prouesse technique a été franchie de manière indubitable.

Dans cette optique, F1 ne manque pas sa cible : c’est un formidable divertissement automobile, plus immersif et réaliste que jamais. Cela étant, le long-métrage présente quelques poncifs scénaristiques et fait fausse route quant à la subtilité et la profondeur des personnages. Il coche toutes les cases pour plaire au grand public et s’inscrit cependant comme le digne successeur de Top Gun: Maverick. On a simplement troqué les F-11 contre des F1.

F1, le film, de Joseph Kosinski, avec Brad Pitt, Damson Idris et Javier Bardem, 2h35, le 25 juin au cinéma.

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