
La franchise joue la carte du renouveau avec Brave New World, au cinéma le 12 février. Mais derrière la promesse d’un Captain inédit, le film peine à sortir des sentiers battus.
Un simple disque de vibranium, mais un symbole qui pèse une tonne. Autrefois brandi par Steve Rogers, incarnation d’une Amérique triomphante, le bouclier de Captain America repose désormais entre les mains de Sam Wilson. Brave New World, quatrième opus de la saga, arrive en salle ce 12 février avec un double enjeu : convaincre le public qu’un Captain sans super-sérum peut être légitime, et redonner un élan à un Marvel Cinematic Universe (MCU) en quête de repères.
Entre fiction et actualité
Qu’est-ce qu’un Captain America aujourd’hui ? Imaginé comme un héros aux capacités hors normes, il est censé incarner une vision, un idéal, une Nation. Et ce film l’a bien compris. Son titre, inspiré de l’œuvre dystopique d’Aldous Huxley, évoque un monde en mutation, où les valeurs d’hier se heurtent à la réalité d’aujourd’hui. Plus encore que le changement de porteur, Brave New World introduit un contexte géopolitique tendu, un Président américain au cœur de l’intrigue et des enjeux diplomatiques qui cherchent à dépasser le simple cadre du blockbuster.

Une fiction qui résonne étrangement avec l’actualité. À l’heure où les États-Unis s’apprêtent à entrer dans une nouvelle ère politique incertaine et où les tensions internationales sont plus palpables que jamais, difficile de ne pas voir, dans ce thriller, un miroir des préoccupations contemporaines.
Pourtant, ni Julius Onah – le réalisateur – ni Harrison Ford – nouvelle tête de l’univers Marvel – ne souhaitent que le film soit perçu comme un manifeste. « Ce n’est pas un commentaire sur l’Amérique d’aujourd’hui, tranchait Ford lors d’une table ronde presse organisée fin janvier. C’est une œuvre de fiction. » Reste à savoir si Marvel réussit lui aussi à tenir son rôle de locomotive du divertissement super-héroïque.
Un Captain sans sérum, mais pas sans invincibilité
À l’origine, le principal défi de ce long-métrage était de réussir à intégrer Sam Wilson en tant que Captain America. Plus de super-sérum, plus de régénération accélérée, plus de force surhumaine : Wilson est un homme ordinaire… en combinaison. Un parti pris intéressant, qui aurait pu insuffler un vent plus réaliste à l’univers Marvel.

Toutefois, le film a du mal à assumer pleinement cette différence. Certes, Wilson n’a pas de pouvoirs, mais le scénario semble hésiter entre un Captain vulnérable et un héros indestructible. On a du mal à croire qu’il tienne debout après avoir encaissé une explosion, un coup de couteau en pleine poitrine et de hache dans le flanc…
« Il ne possède pas de super-pouvoirs au sens classique, mais il détient une force unique : son empathie et son humanité », prétend pourtant Julius Onah. Un concept noble, mais qui peine à se matérialiser à l’écran tant Wilson parait finalement doté d’une résistance digne de ses homologues surpuissants.

L’occasion manquée est d’autant plus frustrante qu’Anthony Mackie, lui, est convaincant dans le rôle. Son Captain doute, s’interroge sur sa légitimité, mais reste un homme droit, évitant le manichéisme et cherchant à faire ce qui est juste. Un héritier digne de Steve Rogers, même si l’écriture du film ne lui rend pas toujours justice.
Thriller politique et poudre aux yeux
Dès les premières minutes, on sait qu’on est bien chez Marvel : muscles saillants, explosions en rafales, combat chorégraphié, punchlines calibrées… Mais, après une introduction un peu ronronnante, le film bifurque vers un thriller politique plutôt intrigant. Harrison Ford, en Thaddeus Ross fraîchement élu Président des États-Unis, y joue un rôle clé.

Ancien militaire autrefois antagoniste, il se rêve en homme d’État réformateur. Son objectif ? Signer un traité pour le partage des ressources d’une île céleste apparue dans l’océan Indien. Composée d’adamantium, cette terre issue des événements des Éternels attise les convoitises et cristallise les tensions géopolitiques.
Un potentiel scénaristique gâché
L’intrigue démarre avec le vol d’un échantillon de ce précieux métal, avant de basculer dans un chaos diplomatique : avant la signature du traité, Ross est victime d’une tentative d’assassinat. L’accusé ? Isaiah Bradley, ancien super-soldat et ami de Wilson. Tout laisse croire qu’il a été manipulé. Dès lors, le film embrasse pleinement son versant conspirationniste, suivant Wilson dans une enquête pour innocenter Bradley et identifier l’architecte du complot. Une montée en tension prometteuse, jusqu’à ce que la révélation finale vienne tout gâcher.

Car, au bout du compte, toute cette affaire ne repose que sur une vengeance personnelle, réduisant l’ambition politique initiale à une simple querelle de super-vilains. Un schéma déjà vu, qui peine à surprendre et amoindrit l’ampleur du récit. Seule satisfaction : Ford, qui incarne un Ross ambivalent, tiraillé entre sa volonté de bien faire et ses vieux réflexes d’homme d’ordre. « Même les “mauvais” protagonistes pensent parfois être du bon côté, et inversement », explique d’ailleurs l’acteur. Une nuance qui aurait mérité un traitement peut-être plus subtil.
Spectacle calibré, sans prise de risque
En termes de mise en scène, Brave New World coche toutes les cases du blockbuster : bien exécutés, mais rarement mémorables. Et souvent desservis par des bruitages exagérés qui frôlent la caricature. Les fans retiendront sûrement une scène de combat aérien sur l’île céleste, profitant des ailes du nouveau Captain, mais l’ensemble reste classique.

Et puis, il y a le cas Red Hulk. L’annonce de la transformation de Ross en Hulk écarlate aurait pu être un véritable tournant dramatique, un basculement inattendu. Mais la bande-annonce avait déjà éventé le secret, annihilant tout effet de surprise. Une erreur stratégique qui prive le film de son climax le plus marquant.
Un film symptomatique du MCU actuel
Certains Marvel se suffisent à eux-mêmes, d’autres nécessitent une bonne connaissance de l’univers. Brave New World oscille entre les deux, sans trouver l’équilibre entre accessibilité et profondeur. Pour les amateurs d’action, le spectacle est là. Pour les autres, difficile d’y voir autre chose qu’un blockbuster convenu.
À mon goût, ce nouvel opus s’ajoute à la liste – trop longue – des films en demi-teinte du MCU : pas aussi marquant qu’Iron Man, Black Panther ou Les gardiens de la galaxie, mais loin d’être aussi oubliable que Thor : le monde des ténèbres ou Ant-Man et la guêpe : Quantumania.

Autrefois roi du box-office, Marvel peine à se réinventer. Brave New World n’est pas un échec, mais il illustre bien ce dilemme : comment avancer sans trahir son héritage ? Avec un Captain America plus humain et un contexte géopolitique prometteur, le potentiel était là. Mais en restant trop ancré dans sa formule, le film n’exploite qu’en surface ses meilleures idées.