Critique

Daredevil: Born Again : dix ans après, Matt Murdock y voit-il toujours aussi clair ? 

05 mars 2025
Par Thomas Ducres
“Daredevil: Born Again”, le 5 mars 2025 sur Disney+.
“Daredevil: Born Again”, le 5 mars 2025 sur Disney+. ©Marvel, Disney+

Pile une décennie après ses débuts sur Netflix, Matt Murdock revient par la fenêtre chez Disney+ pour une quatrième saison et 18 nouveaux épisodes que plus personne n’attendait. Un come-back avec le casting historique qui ressemble à tout sauf à une soirée entre copains d’avant.

Commençons par un spoiler du dernier épisode. Pas celui du retour de Daredevil en 2025 chez Disney+, mais de celui de 2018, époque Netflix. Dans La serviette en papier (A New Napkin dans la version originale), Murdock et ses deux amis, Karen et Foggy, se retrouvent autour d’une table pour savourer la fin de 39 épisodes et l’arrestation d’un Wilson Fisk brisé. Karen aux deux autres : « Et maintenant, c’est quoi votre idée ? Vous voulez qu’on recommence à défendre des gens dans un bureau miteux avec des cacahuètes ? »

Bande-annonce de Daredevil: Born Again.

Rires dans le coffee shop. « À Nelson, Murdock et Page ! », s’écrit l’avocat aveugle en trinquant. Clap de fin, avec le sentiment évident que ce final un peu trop parfait appelle une suite imminente. Sauf que la saison 4 ne viendra pas pour le héros de chez Marvel. Ou plus précisément, il faudra attendre sept longues années.

Guerre des plateformes

Si les fans du super-héros ont dû marcher aussi longtemps dans le noir, c’est d’abord à cause d’une histoire de contrats entre personnes en costumes. Officiellement annulée le 29 novembre 2018, la saison 4 de Daredevil doit certes sa suspension à des audiences en baisse depuis la saison 1, mais surtout à l’annonce du lancement de Disney+ un an plus tôt.

Charlie Cox (Matt Murdock) dans Daredevil: Born Again.©Marvel, Disney+

Le géant à tête de souris possédant la licence Marvel, inutile de s’appeler Magnéto pour comprendre que Netflix n’avait que moyennement envie de se lancer dans de grosses dépenses de production pour une saison 4 qui atterrirait inévitablement tôt ou tard chez l’un de ses plus gros concurrents.

Exit, donc, Jessica JonesLuke CageIron FistThe Defenders, The Punisher et bien sûr… Daredevil. Et c’est ainsi que Matt Murdock et tous ses copains furent effacés jusqu’à 2020, date de la récupération des droits par Disney. L’heure du reboot ? Pas vraiment.

Deborah Ann Woll (Karen), Charlie Cox (Matt Murdock) et Elden Henson (Foggy) dans Daredevil: Born Again.©Marvel, Disney+

Car, au-delà des scènes de baston dans la série, Daredevil a connu de vrais combats dans la vraie vie, aussi : le Covid-19, puis un virage éditorial chez Marvel Studios (qui désirait s’éloigner du ton brutal de la production Netflix pour recentrer l’histoire sur Murdock l’avocat), puis un limogeage de l’ensemble des scénaristes et réalisateurs, pour finir par la grève généralisée d’Hollywood en 2023. Clairement, la vie n’a pas été de tout repos à Hell’s Kitchen.

Alors même que plus personne ne semblait trop croire au retour du super-héros aveugle à l’ouïe fine, et alors même que Disney+ annonçait des chiffres d’abonnements en recul (700 000 abonnés en moins en 2024) que le reboot arrive finalement comme par miracle en 2025. Pas besoin d’aller chercher très loin, la saison 4 s’intitulerait Daredevil: Born Again.

Un premier épisode coup de poing

Dirigée par le très solide Dario Scardapane, producteur et scénariste sur The Punisher, la saison 4 évite d’office tous les écueils du mauvais retour : non, il ne s’agit pas d’un spin-off. Oui, tous les acteurs historiques sont de retour (le très grand Vincent D’Onofrio dans le rôle du Caïd, Deborah Ann Woll et Elden Henson dans la peau de Karen et Foggy), y compris Bullseye et The Punisher. Et re-non : la très mauvaise idée de nouveaux épisodes mous du genou avec plus de dialogues et moins d’action a été jetée dans le cercueil.

Deborah Ann Woll (Karen) et Charlie Cox (Matt Murdock) dans Daredevil: Born Again.©Marvel, Disney+

Pour s’en convaincre, il suffit d’attendre cinq petites minutes après le début de l’épisode 1. Outre un événement majeur qui devrait glacer le sang de tous les fans historiques, il y a cette scène de combat dans un immeuble, entre Daredevil et un criminel dont on taira le nom, dans une sorte de faux plan-séquence absolument délicieux pour les habitués du MCU. Non, ce reboot n’a pas été coupé à l’eau et l’on retrouve presque avec plaisir un Wilson Fisk requinqué prêt à reprendre d’assaut New York, mais cette fois par les urnes.

Une série entre Suits et The Penguin

En plus du plaisir de retrouver des acteurs n’ayant pas bougé d’un iota entre la fin de la saison 3 et le reboot, et une fois évacuée l’impression troublante de parfois voir un sosie de Jérôme Niel dans le rôle de Matt Murdock, l’arc narratif de cette quatrième salve colle à l’époque et, surtout, à l’actualité américaine. Au premier plan, et presque en personnage principal, il y a Fisk, de retour pour devenir maire de New York avec au programme des mensonges, des menaces et une exploitation sans scrupules des fake news. Ça ne vous rappelle personne ?

Charlie Cox (Matt Murdock) et Vincent D’Onofrio (Wilson Fisk) dans Daredevil: Born Again.©Marvel, Disney+

Mieux encore : il y a ses problèmes de couple avec sa femme Vanessa, qui a tenu la baraque mafieuse en son absence, et quelque peu perturbée par son come-back légal. La nature ayant horreur du vide, ce sera la « parfaite » occasion pour Murdock – aka Charlie Cox, toujours aussi impeccable dans son rôle de super-héros chétif – de renfiler son costume.

Et certains dialogues (Wilson Fisk dans l’épisode 2 : « Les justiciers sont un fléau. ») rappellent qu’Hollywood est loin d’en avoir fini avec sa croisade anti-Trump. Au final, la saison 4 réussit donc son grand écart impossible entre la série américaine juridique traditionnelle (avec Suits dans le viseur) et l’univers Marvel où justiciers et crapules s’affrontent à Gotham City.

Charlie Cox (Matt Murdock) dans Daredevil: Born Again.©Marvel, Disney+

Noire comme The Penguin et beaucoup moins bavarde qu’on aurait pu le craindre, la nouvelle cuvée Daredevil se boit sans trop réfléchir et la série se paie même le luxe de clins d’oeil cinématographique, comme cette longue scène de face à face entre Murdock et Fisk dans un diner américain, avec un dialogue qui fait évidemment penser à cette scène culte avec De Niro et Pacino dans le Heat de Michael Mann.

Ajoutez à ça une bande-son enlevée et électrique mixant The Kills à Nick Cave, et vous obtenez l’un des plus beaux trompe-l’oeil de 2025 : tout prédestinait Daredevil: Born Again à un retour décevant, et c’est tout l’inverse. Comme quoi, au royaume des borgnes sceptiques, les aveugles comme Matt Murdock sont toujours rois.

Daredevil: Born Again, dès le 5 mars sur Disney+.

À partir de
32€
En stock
Acheter sur Fnac.com

À lire aussi

Article rédigé par