Critique

Creature Commandos : l’animation DC prend un bain de sang sous la houlette de James Gunn

05 décembre 2024
Par Sarah Dupont
“Creature Commandos”, le 5 décembre sur Max.
“Creature Commandos”, le 5 décembre sur Max. ©HBO Max / Warner Bros

Connu pour ses contributions majeures à l’univers Marvel et DC, James Gunn fait son retour sur le petit écran avec une série d’animation aussi déjantée que brutale. Creature Commandos bouscule les conventions avec une audace rare, démontrant que l’animation peut être, elle aussi, un médium résolument provocant.

Loin des sphères bien huilées de la Justice League ou des super-héros en collants ultra-bright, Creature Commandos, réalisé par James Gunn, offre un voyage fracassant et marginal dans l’univers obscur de DC.

Prévu pour le 5 décembre sur Max, ce troisième volet d’une trilogie amorcée avec le film The Suicide Squad (2021) et la série Peacemaker (2022) réinvente les codes du genre en s’intéressant à des monstres et parias, souvent oubliés des récits héroïques. Brutal, irrévérencieux et surtout jouissivement décalé, le show est, comme espéré, une véritable explosion visuelle et narrative.

Les antihéros et super-vilains à l’honneur

Dès les premières minutes, Creature Commandos s’éloigne des conventions classiques du genre super-héroïque. Ici, pas de morale consensuelle ou de fins heureuses à la Superman. Gunn plonge au contraire dans un monde sans concessions où la violence, la vulgarité et un humour mordant servent un récit aux multiples couches.

©HBO Max / Warner Bros

Dans la lignée des œuvres précédentes, qui célèbrent des anti-héros marginaux et totalement déjantés, la série d’animation remet en lumière Amanda Waller. Redoutable à la tête de l’A.R.G.U.S., l’agence gouvernementale paramilitaire secrète des États-Unis, elle doit désormais revoir ses stratégies. Privée de sa Suicide Squad et de l’équipe de Christopher Smith, alias Peacemaker, Waller mise cette fois sur une escouade de créatures hybrides – mi-humaines, mi-monstres – pour mener à bien une nouvelle mission diplomatique périlleuse.

Des monstres héros malgré eux

Sous la houlette du général Rick Flag Sr., cliché ambulant du « super militaire américain » au premier abord, cette bande de cas improbables – un cadavre ambulant, un type qui brûle sans fin, un robot en boucle, un chien au regard dérangé et une sirène de laboratoire – se voit confier une mission : protéger la princesse Ilana Rostovic, reine en sursis du Pokolistan.

Circé, ennemie de Wonder Woman dans l’univers DC.©HBO Max / Warner Bros

Ce pays fictif d’Europe de l’Est, voisin de la Russie, est en proie à une menace : Circé, la sorcière immortelle et adversaire emblématique de Wonder Woman dans l’univers DC, ourdit un complot d’envergure. Aidée par une armée de militants surnommés les Fils de Themyscira – nom du royaume des Amazones, aussi connu sous le nom de Paradise Island –, elle orchestre une rébellion visant à renverser la monarchie pour une raison mystérieuse.

Des personnages captivants, loin des clichés

Derrière cette trame principale, qui sert de fil conducteur à l’histoire, Creature Commandos propose une seconde lecture subtilement tissée à travers des flashbacks. Ces retours dans le passé dévoilent les origines de chaque membre de l’équipe. Grâce à cette approche, la série interroge le statut de « monstres » ou de « méchants » attribué à ses protagonistes, en révélant une humanité complexe qui brouille brillamment les frontières entre héros et anti-héros.

The Bride et Eric Frankenstein.©HBO Max / Warner Bros

Les « créatures du commando » s’illustrent ainsi par leur diversité, autant physique que psychologique. Si l’on devait choisir un coup de cœur, ce serait probablement The Bride. Inspirée de l’œuvre de Mary Shelley et d’un film des années 1930 – La Fiancée de Frankenstein –, cette « mariée » rafistolée est une version féminine du célèbre monstre – lui aussi présent dans la série, sous le nom d’Eric. Touchante et profondément humaine, son histoire, mêlant rejet et quête d’amour, apporte une note absurde, mais émouvante au récit.

Flammes de vengeance et éclats d’humanité

Impossible de passer sous silence le Dr. Phosphorus, figure emblématique des ennemis de Batman dans l’univers de Gotham. Ancien scientifique brisé par la perte tragique de sa famille et trahi par ses alliés, il renaît en une entité irradiée, à la fois terrifiante et captivante.

Dr. Phosphorus.©HBO Max / Warner Bros

Derrière son sarcasme mordant et sa propension à semer le chaos se cache un passé marqué par un profond désespoir. Une scène de vengeance magistrale, portée par la bande-son punk survoltée du Gogol Bordello, dévoile toute la complexité du personnage. Bien qu’il soit en marge de la trame principale, Dr. Phosphorus s’impose comme l’un des piliers de la série.

Ilana Rostovic et Rick Flag.©HBO Max / Warner Bros

Enfin, les humains, souvent relégués au second plan dans ce type d’œuvre, brillent par leur complexité. Rick Flag Sr., loin d’être un simple stéréotype de soldat bourru, dévoile une personnalité nuancée et ambivalente, tandis que la princesse Ilana Rostovic s’éloigne de la traditionnelle « demoiselle en détresse ».

Une esthétique rétro et une bande originale sans faute

Visuellement, Creature Commandos trouve un équilibre subtil entre nostalgie et modernité. Les traits volontairement caricaturaux des personnages, les couleurs saturées et l’atmosphère gothique transportent les spectateurs dans un univers à la fois pulp et surréaliste. Le style visuel évoque les grandes heures de l’animation américaine, rappelant des classiques comme Batman: The Animated Series, tout en insufflant une fraîcheur contemporaine bienvenue.

©HBO Max / Warner Bros

James Gunn, fidèle à sa réputation, met en avant le punk et le gipsy-punk, incarnés par les morceaux de Gogol Bordello, qui s’accordent à merveille avec l’énergie débridée de la série. Des titres comme American Wedding ou la reprise de Mala Vida impriment un rythme effréné à la mission, tout en accentuant son côté absurde.

L’opening, porté par Moliendo Café de Fanfare Ciocărlia, donne d’emblée le ton : un « joyeux bordel » savamment orchestré. James Gunn surprend également par certains choix, tels que Coin Operated Boy de The Dresden Dolls utilisé lors d’une scène ultraviolente, renforçant ainsi ce jeu constant des contrastes.

Un cocktail explosif, mais pas pour tous les publics

Creature Commandos s’impose donc comme une série audacieuse et sans compromis, confirmant que l’animation peut offrir bien plus qu’un divertissement pour enfants. La violence graphique, l’humour grinçant et certaines scènes explicites en font une œuvre résolument adulte, à ne pas mettre devant tous les yeux.

G.I. Robot et Nina.©HBO Max / Warner Bros

James Gunn, habitué à dynamiter les codes, trouve ici un terrain d’expression qui lui réussit particulièrement bien. Loin de l’accueil mitigé de son Suicide Squad, cette série d’animation se révèle plus convaincante, plus originale, et surtout bien plus atypique, affirmant une identité visuelle et narrative forte.

25€
32€
En stock
Acheter sur Fnac.com

À lire aussi

Article rédigé par