
Deux ans après un premier comeback, le serial killer le plus populaire du petit écran revient sévir à Miami dans Dexter: Original Sin. Portée par Patrick Gibson et diffusée à compter du 6 février sur Canal+, cette nouvelle série revient sur la jeunesse du meurtrier.
« Tonight is the night. » Les premiers mots prononcés par Dexter nous invitent à entrer dans sa psyché, alors qu’il roule à bord de son pick-up et chasse sa proie de la soirée. D’une redoutable efficacité, le pilote, diffusé en 2006 sur Showtime, pose les jalons de la mythologie du serial killer le plus apprécié du petit écran.
Dexter Morgan est un psychopathe qui fait froid dans le dos, mais il a un code : jamais les enfants et toujours des personnes qui le méritent. Ce petit malin travaille au département de la brigade criminelle de Miami, comme expert médico-légal spécialisé dans l’analyse de traces de sang. Une position qui lui permet d’enquêter plus facilement sur ses futures victimes et de s’assurer qu’elles méritent bien le châtiment ultime.
Un antihéros culte
Créée par James Manos Jr. et développée par Clyde Phillips d’après le roman de Jeff Lindsay, Ce cher Dexter, la série est rapidement devenue un hit. Incarné avec brio par Michael C. Hall, le tueur trouve sa place en pleine ère des antihéros, aux côtés de Tony Soprano, Don Draper ou Walter White. On suit avec bonheur la trajectoire de ces personnages masculins tourmentés aux failles béantes et en quête d’une rédemption impossible.
Les agissements de Dexter – un psychopathe en vérité très peu crédible – nous plongent dans un dilemme éthique. D’un côté, il jouit de la mort de ses semblables ; de l’autre, c’est un justicier qui débarrasse la société des criminels ayant réussi à passer entre les mailles du filet judiciaire. Alors qu’il singe les codes sociaux sans les comprendre et ne ressent pas d’affection pour ses proches, sa voix off nous permet de comprendre sa psyché et active notre empathie envers lui.
Dexter, c’est aussi une esthétique reconnaissable, à commencer par son générique devenu culte, qui expose sa routine matinale à coups de gros plans flippants sur des traces de ketchup. Autre star de la série, la ville de Miami est filmée avec des couleurs saturées, dans toute sa chaleur étouffante le jour, tandis que les balades nocturnes de Dexter, sur fond de culture cubaine, nous plongent dans une ambiance de polar noir. Les démonstrations d’analyses de sang, avec des fils rouges exposés dans des pièces totalement blanches, restent l’une des grandes marques esthétiques du show, tout comme sa partition musicale et ces notes de violon inquiétantes.
Le serial killer qu’on aimait trop
La structure narrative de la production est tout aussi « propre » que les meurtres du personnage principal : chaque saison a droit à son grand méchant que notre antihéros doit stopper. Parmi les plus marquants, on retient le Tueur au camion frigorifique (saison 1), le Tueur de la trinité (saison 4) ou L’Empoisonneuse (saison 7).
Entre-temps, le protagoniste joue du couteau ou de la perceuse avec du menu fretin et tente de ne pas se faire choper par ses collègues de travail ou ses proches, comme sa sœur adoptive, Debra Morgan (Jennifer Carpenter) ou sa petite amie « couverture » Rita Bennett (Julie Benz).

Après quatre saisons magistrales, les suivantes, plus chaotiques, ont conduit à l’une des pires fins de l’histoire des séries. Dans le final de la saison 8, Dexter semble disparaître dans une tempête (avec les pires CGI du monde), à bord de son bateau. Mais une dernière séquence le montre, avec un look improbable de bûcheron barbu, vivant incognito dans une petite ville américaine.
Moins de dix ans après ce clap de fin controversé, Clyde Phillips, le showrunner des meilleures saisons, retrousse ses manches pour laver l’affront et offrir une fin digne de ce nom au personnage. Diffusée en 2021, Dexter: New Blood suit les traces du tueur à Iron Lake, où il vit sous une fausse identité.

Sa couverture est mise à mal par l’arrivée de son fils, Harrison Morgan (Jack Alcott), qu’il soupçonne d’être comme lui. Portée par l’interprétation du toujours excellent Michael C. Hall, la série a reçu un accueil critique favorable et des audiences suffisamment satisfaisantes pour que Showtime envisage finalement de poursuivre l’aventure.
On prend – presque – les mêmes et on recommence
Diffusée sur Canal + à partir du 6 février, Dexter: Original Sin a plus à voir avec la série originale qu’avec sa suite. Elle nous le fait comprendre dès son générique, variation de celui de Dexter, avec la même musique et la routine matinale de Dexter, Harry et Debra. Bienvenue dans le Miami des années 1990, alors que l’antihéros, tout juste diplômé, fait son entrée comme stagiaire dans la police de Miami.
Le jeune homme est guidé par son père adoptif, le détective Harry Morgan (qui apparaît sous la forme d’un fantôme dans Dexter), qui tente de contrôler ses pulsions. Des flashbacks récurrents reviennent aussi dans les années 1970, à l’époque où Harry a connu Laura Moser, la mère biologique de Dexter au destin tragique.

Aux côtés de nouveaux personnages – Aaron Spencer (Patrick Dempsey), le capitaine ronchon de la division des homicides ou Tanya Martin (Sarah Michelle Gellar), la patronne badass de Dexter –, on retrouve des personnages familiers de la série culte comme Maria Laguerta (Christina Milian), Angel Batista (James Martinez) ou encore Vince Masuka (Alex Shimizu).
Dexter vit avec son père et sa sœur adoptive, Debra Morgan (Molly Brown), encore lycéenne et déjà reine des jurons. On remarque un soin évident apporté au casting des anciens du show original. Saisissants de ressemblance physique avec leur version plus âgée, ils portent des costumes similaires pour accentuer la filiation.

Dans le rôle-titre, Patrick Gibson, révélé dans The OA, s’en tire plutôt pas mal, même s’il est compliqué de ne pas avoir Michael C. Hall en tête, d’autant que la série a conservé la voix off de l’acteur original. Original Sin veut décidément coller à son modèle. Le show mise ouvertement sur la nostalgie : celle des fans, qui s’amuseront au jeu des comparaisons avec Dexter, et celle du public actuel pour les années 1990, avec une reconstitution savoureuse du Miami des nineties et la présence d’acteurs emblématiques de cette époque, comme Christian Slater ou Sarah Michelle Gellar.
Clyde Phillips reprend la même structure narrative que Dexter : un tueur d’enfants échappe à la police de Miami, tandis que chaque épisode voit passer son lot de criminels qui permettent de parfaire le modus operandi de notre antihéros. L’intérêt de cette origin story est de comprendre comment le jeune homme est devenu le tueur en série fonctionnel qu’il est au début de la production originale.

Le choix de creuser la relation entre Harry et Laura dans des flashbacks aux tons verts et jaune saturés est intéressant. C’est un peu comme regarder un accident au ralenti. On sait que ça va très mal finir pour Laura, mais on ne peut pas détourner les yeux. Et on peut dire la même chose de Harry, personnage tragique s’il en est.
Dexter: Original Sin possède des défauts évidents : on sait que Dexter ne va pas se faire prendre, donc les enjeux restent minces. Comme dans la série originale, le traitement des personnages féminins laisse à désirer. Le rôle de Sarah Michelle Gellar est réduit à peau de chagrin et celui de Debra reste ingrat, puisqu’elle passe son temps à en vouloir à son frère, son père ou les deux. Restent une Laguerta en pleine ascension professionnelle, mais pas assez mise en avant, et Laura (Brittany Allen), personnage attachant, mais condamné (que serait Dexter sans une mère sacrificielle ?), pour lequel on tremble dans chaque épisode.

Au final, on a l’impression de visionner une série à l’ancienne, simple, mais efficace, à l’univers familier. Conduite par de vieux roublards de l’écriture, Dexter: Original Sin prend des allures de capsule temporelle un peu paresseuse, mais pas déplaisante à suivre, sans aucun doute créée sur mesure pour les fans nostalgiques.
Si Showtime n’a pas encore annoncé de potentiel renouvellement, la chaîne a commandé Dexter: Resurrection, une nouvelle série qui reprendra après les événements de New Blood avec Michael C. Hall, mais aussi Uma Thurman en nouvelle venue. Une production centrée sur le Tueur de la trinité (incarné par John Lithgow dans le show originel) a également été annoncée. L’increvable Dexter peut se vanter d’être le seul tueur en série du petit écran à avoir sa franchise.