
Présenté en compétition au festival de l’Alpe d’Huez, Les règles de l’art réunit pour la première fois à l’écran Melvil Poupaud et Sofiane Zermani. Pour L’Éclaireur ce duo comique inédit est revenu sur le film de Dominique Baumard, inspiré d’une histoire vraie : celle du braquage du musée d’Art Moderne de Paris.
C’est votre première fois à l’Alpe d’Huez, comment ça se passe ? Qu’avez-vous ressenti durant la présentation ?
Sofiane Zermani : C’est la première fois à l’Alpe d’Huez pour nous deux. Pendant la projection, on a reçu un super accueil, les gens étaient très avenants. Ils avaient plein de compliments et plein de mots gentils. On est surtout contents de commencer à présenter ce film !
Qu’est-ce qui a motivé votre envie de participer au film Les règles de l’art ?
Melvil Poupaud : C’était avant tout l’envie de travailler avec Dominique Baumard, que je connaissais en tant que scénariste. C’est un homme qui est très cinéphile et qui a aussi envie de faire des films divertissants. Il est donc capable de créer des comédies, des polars… C’est un couteau suisse. Je savais qu’en passant à la mise en scène, il aurait aussi ce côté cinématographique. C’est quelqu’un qui a de la culture, un sens de la mise en scène travaillée, et qui apporte, en même temps, du soin à ses personnages. Il veut qu’ils soient intéressants, attachants et, en l’occurrence, comiques. Quand on a commencé le film, on n’était pas sûrs du ton, mais on s’est très vite rendu compte, notamment dans les scènes avec Sofiane, qu’il y avait moyen d’avoir un duo comique. Il y a ce côté très buddy-movies. Il y a le pigeon et l’escroc. Je trouve que ça marche très bien. J’ai l’impression que les spectateurs ont accroché.
S. Z. : Ce qui m’a attiré, c’est évidemment le scénario, le personnage qu’on me proposait, mais aussi l’opportunité de me retrouver avec Melvil sur un plateau. J’aimais aussi aller au bout de notre idée avec Dominique, qui a un côté très humain dans son approche. Construire un personnage qui est aux antipodes de ce que je peux être dans la vie, mais qui finalement me ressemble un peu… Disons qu’en termes d’outfit, on est parti à gauche, et en termes d’énergie, on est parti à droite ! [Rires] Il y a un truc qui me ressemble beaucoup, en tout cas en termes de débit de parole, je m’en sors bien. Et j’ai aussi pu prendre des cours particuliers avec Melvil Poupaud. Il y a pire comme prof !
M. P. : Ce que j’admirais chez Sofiane, c’est que dans ses précédents films il avait plutôt des rôles de taiseux et de grand frère. Dans Les règles de l’art, on est sur un autre registre : il va à fond la caisse. Il a aussi un côté très manipulateur qui lui va très bien. Il n’y a pas beaucoup d’acteurs qui sont capables de garder ce niveau et qui arrivent à être crédibles, à être drôles, à avoir la pêche, sans jamais saouler non plus. C’était le choix idéal pour ce personnage.
Comment avez-vous trouvé votre duo et votre énergie comique ?
S. Z. : Il y a quelque chose qui s’est passé au moment de la rencontre sur le plateau, sur les premières scènes. Il y a eu quelque chose de très évident pour Melvil et moi. Ça s’est fait naturellement et ça ne fait que monter crescendo pendant le film. C’est-à-dire qu’il y a des scènes qui n’étaient pas du tout écrites comme des scènes de comédie et qui, finalement, quand on grossit le trait, se dirigent naturellement vers quelque chose de drôle.
En vérité, au-delà même de Melvil ou de Sofiane ou de Cobb et de Moreno, il y a un cadre de comédie qui est déjà installé par Dominique. C’est un mec qui se tape des barres toute la journée, il a un humour qui me plaît. C’est pour ça que j’étais extrêmement en confiance de donner un petit peu tout et n’importe quoi devant la caméra. On s’est rassurés sur nos humours respectifs.

Votre duo fonctionne, car Moreno a une musicalité dans son débit de parole, tandis que le génie comique de Cobb vient de sa physicalité. Quel travail entre vous cela a-t-il représenté ?
M. P. : Ça fonctionne, car c’est aussi une histoire d’amitié. Ça n’aurait pas marché si on n’avait pas compris pourquoi mon personnage était autant fasciné par le personnage de Moreno. Ce dernier est également touché par Cobb. Sans spoiler le film, leur histoire est aussi une histoire de séparation amicale et le fait que l’on s’attache à ces deux personnages pendant deux heures vient de ce travail de rythme entre nous.
Melvil, vous incarnez Cobb, qui se laisse prendre au jeu du troc d’art. Comment vous justifiez son basculement ?
M. P. : Je pense que c’est un petit peu la nouveauté et l’envie de sortir de sa zone de confort. On sent que dans son couple, c’est sa femme qui “porte la culotte”. Alors, quand cette occasion de partir à l’aventure se présente, il ne se rend pas compte du danger, au point qu’il est content de rencontrer un homme comme Moreno, qui le change de son quotidien et qui le fascine. Pourtant, il se fait embobiner, mais il y a toute cette fascination pour le danger, pour l’aventure, et même pour ce côté un peu voyou.
Le film reprend un fait divers. Est-ce qu’on a une responsabilité en tant qu’acteur ou bien se pose-t-on des limites avec la fiction quand le film est inspiré d’une histoire vraie ?
S. Z. : On ne se met aucune limite parce qu’en réalité, l’axe et le prisme par lequel Dominique attrape cette histoire, c’est l’axe de Cobb. Ça aurait pu être par l’axe du voleur, qui a déjà fait l’objet de documentaires, ça aurait pu être par l’axe du marchand, de l’antiquaire, mais il passe par Cobb. Il renverse ainsi toute l’histoire, parce que toute l’histoire est connue médiatiquement à travers les yeux du voleur. En faisant ce choix, on entre rapidement en empathie avec ces personnes-là et ce braquage de pieds nickelés. Je pense que s’il était passé par le voleur, le film aurait été beaucoup plus “malfrat” ou “bandit”. Je pense qu’on a tous montré deux facettes de nos personnages et c’est pour ça qu’on a envie qu’ils s’en sortent à la fin.
« Pour moi, les films agissent comme des pansements, c’est un peu des médicaments. »
Sofiane Zermani
Melvil, pendant la présentation du film, vous avez dit que vous n’étiez pas un acteur de comédie. Est-ce qu’aujourd’hui vous vous considérez comme tel après avoir fait Les règles de l’art ?
M. P. : En tout cas, de plus en plus ! J’ai pris le goût de faire rire, de jouer des situations burlesques et de jouer plus avec mon corps pour faire des personnages comiques. C’est peut-être aussi une question de maturité, je me sens plus à l’aise dans ma peau. J’ai moins peur du ridicule et j’ai plus envie de déconner. Aussi, le fait d’être entouré de Sofiane et de Julia Piaton, qui joue ma femme dans le film, aide beaucoup. Julia est une grande actrice de comédie, elle te porte. Quand tu joues avec des gens qui ont déjà cette connaissance-là, ça te porte. Ce que j’ai appris aussi, c’est que c’est bien d’avoir un a priori comique quand tu fais un film comique, c’est-à-dire que quand tu te pointes dans le champ d’une caméra, les gens ont déjà l’impression que tu vas les faire rire avant même que tu fasses quoi que ce soit. Ça entraîne tout de suite un mouvement. J’essaie d’acquérir ce pouvoir comique et ça, ça ne vient pas en un film ou en deux, mais en plusieurs.

Qu’est-ce qui est le plus dur à appréhender selon vous, la comédie ou le drame ?
S. Z. : Mon problème, c’est que je choisis souvent mes films par rapport à mon mood du moment. En ce moment, je suis bien et de bonne humeur, tout se passe bien dans ma vie. [Rires] J’ai envie que ça se voie à l’écran. C’est un peu comme mes chansons à l’époque : pour moi, les films agissent comme des pansements, c’est un peu des médicaments. À un moment, ça me fait du bien de raconter une histoire. Ce film me fait du bien. J’ai l’impression, quand je le présente, qu’il peut faire du bien aux gens qui le voient. La difficulté est beaucoup pour Dominique en réalité, c’est lui qui maîtrise le rythme, entre drame et comédie.
M. P. : D’ailleurs, il a passé pas mal de temps au montage pour trouver le bon rythme, le bon dosage entre comédie et film policier. C’est vraiment au montage que tu doses et au tournage en dirigeant les acteurs que tu trouves le rythme.
S. Z. : Dominique n’a jamais choisi la facilité : il y va sur des longs plans-séquences de films d’auteur. Il y va avec de la vue, il y va avec de la nuit. Rien n’est gratuit dans Les règles de l’art et ce n’est jamais du rire gratuit.