Critique

La Vie meilleure d’Étienne Kern : être mal pour aller mieux

26 août 2024
Par Thomas Louis
Étienne Kern sort en cette rentrée littéraire “La Vie meilleure”.
Étienne Kern sort en cette rentrée littéraire “La Vie meilleure”. ©Francesca Mantovani pour mes Éditions Gallimard

[Rentrée littéraire 2024] Après Les Envolés, prix Goncourt du premier roman en 2021, Étienne Kern est de retour en librairie avec La Vie meilleure. Un livre construit autour d’un personnage-clé, qui a donné naissance à la méthode éponyme célébrée partout dans le monde : Émile Coué. 

Nous sommes nombreux et nombreuses à avoir déjà entendu parler une fois dans notre vie de la méthode Coué. Mais au fond, au-delà de ce qu’on en dit, qu’en sait-on réellement ? En partant de la vie de son fondateur, Émile Coué, Étienne Kern déplie le parcours d’un homme né en 1857, dont on a parfois oublié qu’il était une vraie célébrité. Ce roman, en cette rentrée littéraire 2024, est là pour nous le rappeler. 

« Quand la volonté et l’imagination sont en lutte, c’est toujours l’imagination qui l’emporte, sans aucune exception. »

Étienne Kern

Ponctué d’incursions autobiographiques, La Vie meilleure est d’abord un portrait. Celui d’un pharmacien, dont l’oreille attentive est – sera – une force. Et si Émile Coué ne dispose pas de tous les outils pour réussir, il est inventif et il n’hésite pas à rêver. Ce sera son point de départ. 

Dans l’usage courant, la « méthode Coué » désigne nos vaines tentatives d’auto-persuasion. Tout le monde la connaît. À ceci près que l’on a oublié combien Émile Coué fut une star au tournant du XXe siècle. Étienne Kern nous rafraîchit la mémoire, en retraçant la carrière de cet idéaliste et philanthrope qui ne cesse de nous adresser des clins d’œil. Nous qui sommes plus que jamais obsédés par nos souffrances. Et prêts à tout pour les soulager.  

La positive attitude

À la faveur d’un mélange sans intérêt (farine, sucre…), Émile découvre l’effet placebo sur une cliente. Existe-t-il un lien entre le corps et l’esprit ? L’autosuggestion, la pensée positive, le maniement des mots : tout ceci pourrait-il servir à soulager les souffrances des autres ? Si le parallèle avec l’écriture peut ici être entendu, il ne faut pas oublier qu’Émile Coué, lui, joue sur la fragilité. Il en joue et nous y répondrons avec bonheur. Et peut-être un peu d’espoir.  

« Rebondir. Résilience. Les mots sont différents, le projet est le même. Qu’on s’ajuste au système pour mieux le conforter. Qu’on ne remette rien en cause, sinon soi-même. »

Étienne Kern

À la moitié du roman, l’épisode de la petite Annette, guérie précisément grâce aux mots, ouvre un nouveau chapitre dans la carrière d’Émile. Malgré une vie personnelle un peu bancale, sa vie professionnelle est couronnée de succès.

À 64 ans, il est une véritable star, écumant les conférences et disposant désormais de « disciples », qui pourraient bien se réclamer de lui. Des Instituts Coué ouvrent à Paris, à New York, à Bruxelles, en Suède. Le maire de Nancy (sa ville d’origine) en dit même qu’il est un « bienfaiteur de l’humanité ». La méthode est un carton. La pensée positive a trouvé son précurseur.  

Car oui, malgré les doutes qui ponctuent son itinéraire, le succès des ouvrages de développement personnel aujourd’hui en est un symbole : Émile est celui qui a compris que nous ne demandons rien d’autre que d’être écouté. Avoir une place attribuée, rien qu’à nous, quelque part dans le monde. Jouer le jeu pour, par extension, être aimé. Ne serait-ce pas le cas d’Émile, lui aussi ?  

Il faut aussi parler du titre, choisi pour des raisons qu’on imagine comprendre. La vie meilleure. Meilleure ? Vraiment ? Il suffit d’y croire pour que ça fonctionne, et c’est bien là toute la base de ce processus, dont certains pourraient dire qu’il est douteux (ne l’est-il pas ?). En réalité, pour Émile Coué comme pour les autres, cette « méthode » ne dit rien d’autre que chacun d’entre nous dispose d’une vulnérabilité, d’un petit brin d’envie de ne pas être mal. Moins. Rarement. Jamais. Un petit brin de notre humanité, au fond. 

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La Vie meilleure, d’Étienne Kern, Gallimard, depuis le 22 août 2024 en librairie.

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