
Adapter ses lectures à son lieu de villégiature, et si c’était ça, le comble du chic ?
| Pour les adeptes du farniente : Plages intérieures, de Teodoro Gilabert
« Cette fois-ci, j’ai pensé : si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages, moi si on m’ouvrait, on trouverait des plages. » À travers une démarche artistique empruntée à la réalisatrice emblématique de la Nouvelle Vague Agnès Varda dans Les Plages D’Agnès (2008), Teodoro Gilabert se raconte à travers les plages qui ont jalonné sa vie.
De la James Bond Beach en Jamaïque à Coney Island, près de New York, et son concours de hot-dog, en passant par la grève d’Argelès, où fut installée en février 1939 le camp de détention des républicains espagnols, on foule du pied certaines étendues de sable parmi les plus iconiques de la planète et on explore la symbolique de lieux chargés d’histoire. Un curieux objet littéraire, savoureux mélange d’érudition et d’humour, d’intime et d’universel. Une invitation au voyage et une déclaration d’amour à la plage.
| Pour les obsédés des hauteurs : Kodak Everest Pocket, de Nicolas Le Nen
Il y a 100 ans, le 8 juin 1924, George Mallory et Andrew « Sandy » Irvine disparaissaient dans ce qui reste à ce jour l’une des plus mystérieuses affaires de l’histoire de l’alpinisme. Piégés par une tempête alors qu’ils essayaient de gravir l’Everest pour la troisième fois, on ne saura jamais s’ils étaient finalement parvenus à atteindre le sommet, 30 ans avant Edmund Hillary, inscrit dans les livres comme le glorieux pionnier.
En partant de cette incroyable histoire vraie, le militaire haut gradé reconverti en écrivain Nicolas Le Nen façonne une enquête romanesque palpitante où la recherche d’un appareil photo ayant supposément appartenu au célèbre duo de cordée devient une précieuse clé pour percer ce troublant secret.
| Pour ceux qui fantasment leur séjour à la campagne : Aliène, de Phœbe Hadjimarkos Clarke
Dans son second roman, tout juste récompensé du prix du livre Inter 2024, Phoebe Hadjimarkos Clarke transforme la campagne française en royaume de l’étrange. Aliène agit comme le prolongement de Tabor (2021), fable survivaliste et roman d’amour lesbien au cœur d’un monde qui se noie. Cette fois, c’est la sècheresse qui s’abat sur le hameau dans lequel Fauvel a trouvé refuge.
Militante blessée par un tir de LBD, elle se soigne en gardant la chienne du père de l’une de ses amies. Ou plutôt son clone, puisqu’elle découvre le chien originel empaillé dans le salon. Très vite se dévoile une ruralité inquiétante. La bête grogne, les habitants de la région se font oppressants. Des extraterrestres terrorisent la région. Fauvel sent qu’on la traque, elle se perd dans ses fantasmes, sombre dans la paranoïa. La drogue n’aide pas. Un mauvais trip qui vous retourne le ventre et maltraite votre esprit. Le signe d’un roman de genre réussi.
| Pour les amoureux du dépaysement et des grands espaces : Journal d’Arizona, de Chantal Thomas
Les journaux d’écrivains sont sans doute les œuvres les plus passionnantes et intrigantes de la littérature. Ils concentrent en leur sein toute la fulgurance de l’écriture, une mise en récit de l’instant, des choses vues et vécues capturées au moment même où elles viennent frapper l’auteur. Cela donne toujours un savoureux mélange de voyage au-devant du monde et de quête intime au plus profond des êtres chahutés que sont ces grands créateurs.
Dans son Journal d’Arizona, l’académicienne Chantal Thomas rassemble les notes qu’elle a prises en 1982 alors qu’elle vivait à Tucson, au cœur de l’Amérique sauvage, dans un décor à la John Ford. L’apprentissage des habitudes locales, l’indépassable road trip en voiture, les soirées tequila à la belle étoile, les quelques amants de passage et même une drôle d’escapade mexicaine : on se délecte de cette formidable ode à la liberté.
| Pour les backpackeurs épris d’aventure : L’Usure d’un monde, de François-Henri Désérable
Tout juste récompensé du prix Nicolas Bouvier pour un livre dont le titre sonne comme un clin d’œil à son ouvrage culte L’Usage du monde, François Henri-Désérable marche sur les traces du saint patron des écrivains voyageurs. Après Un certain M. Piekielny et Mon maître et mon vainqueur, il quitte les rivages du roman et laisse aller sa plume baladeuse.
Direction l’Iran. Quarante jours d’un périple à travers un pays aux richesses millénaires qui sombre dans la violence et la colère après la mort de Mahsa Amini en 2022. L’écrivain décrit de l’intérieur la terreur que fait régner une République islamique aux abois. Il raconte surtout le glorieux combat d’un peuple qui refuse de céder à la peur et qui, au nom de la liberté, défile le poing levé et les cheveux détachés.