Entretien

​​Jean Reno pour Emma : “Je suis avant tout un raconteur d’histoires”

19 mai 2024
Par Clara Authiat
L'acteur Jean Reno publie “Emma”, son premier roman, chez XO Éditions.
L'acteur Jean Reno publie “Emma”, son premier roman, chez XO Éditions. ©Éric Guillemain/H&K

Jean Reno a de nouveau fait salle comble. Sauf que cette fois-ci, il ne s’agit pas de cinéma, mais de littérature. La Fnac des Ternes, à Paris, a reçu le célèbre acteur pour la sortie de son premier livre, un roman d’espionnage intitulé Emma (XO Éditions). Pour L’Éclaireur, Jean Reno lève le voile sur les coulisses de l’écriture de son roman.

Après plusieurs décennies au cinéma, le public vous découvre désormais en tant qu’auteur avec Emma. Quel a été l’élément déclencheur ? 

Tout a commencé par un massage ! Il y a plusieurs années, avec ma femme, nous sommes allés dans un centre de thalassothérapie, où il y avait une masseuse vraiment exceptionnelle. En soulageant mes douleurs physiques, elle a débloqué autre chose. C’est à cet instant que l’envie de raconter l’histoire d’une jeune masseuse est née. Qu’est-ce que je voulais en faire ? Je ne le savais pas encore, mais l’idée de ce personnage m’a accompagné pendant des années. L’histoire est venue tout doucement.

Puis, au moment du Covid, j’ai voulu dépasser la non-existence de ce personnage. J’ai commencé par imaginer sa famille, ses amis, sa vie en Bretagne, puis ses caractéristiques physiques. Je me suis laissé pleinement emporter par elle. Elle a été celle qui m’a dicté ce qu’elle avait envie de faire et où elle avait envie d’aller. Qui de nous deux guide l’histoire ? C’est une question de partage.

C’est un roman d’espionnage. Emma en est votre héroïne, qu’a-t-elle de particulier ?

Emma est masseuse dans un centre de thalassothérapie dans une petite ville de Bretagne. Par le hasard des choses, elle va se retrouver propulsée à Oman, au Moyen-Orient. Sa vie est chamboulée et c’est précisément ça qui m’intéresse. Je n’ai pas une idée de l’espionnage calquée sur le modèle de James Bond. Il y a bien sûr des agents sur le terrain, mais, dans la réalité, il y a davantage d’espions dits “dormants”.

Couverture du livre Emma de Jean Reno.©XO éditions

À l’époque du Mur de Berlin, il était courant qu’un boulanger, un comptable ou encore un libraire soient sollicités pour réaliser certaines actions comme photographier des papiers secrets ou des documents intimes, extraire un objet d’un lieu, parfois même poser une bombe. C’est ça la réalité de l’espionnage. Le terme “agent secret” m’évoque quelque chose de très discret et bien moins des coups de fusil dans tous les sens ou un bel homme à la James Bond qui sauve le monde. 

Êtes-vous un amateur de récit d’espionnage ? 

J’ai bien sûr des influences. Certaines mises en scène sont ancrées dans mon imaginaire et me paraissent être le socle de tout récit d’aventure ou d’espionnage. Au tout début du roman, il y a une scène dans laquelle deux jets privés de la délégation omanaise jaillissent dans le ciel bleu. C’est un événement qui se veut spectaculaire pour ce petit village de Bretagne où vit l’héroïne. C’est évident que c’est tiré d’au moins une vingtaine de films que j’ai vus.

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Dans le livre, vous écrivez : “Sans risque, le plaisir ne serait pas aussi aigu.” C’est l’une des pensées de votre héroïne. Était-ce une prise de risque de se lancer dans l’écriture de ce livre ? 

C’est clair ! Mais le seul risque possible était qu’on me dise que mon roman était nul… C’était ce que je redoutais, parce que je rêvais de m’aventurer sur cette route. Je m’étais précédemment essayé à l’écriture de scénario, mais, finalement, ce n’était pas pour moi. Un livre, c’est un objet magnifique. Au quotidien, j’adore apercevoir quelqu’un se balader un livre à la main ou observer une personne lire dans un parc. Il y a une relation intime et affective qui nous lie aux livres. J’ai toujours eu beaucoup de mal à me séparer ou à jeter un livre. 

Aviez-vous une routine d’écriture ?

Pas du tout ! J’avais en tête l’auteur belge Georges Simenon qui appliquait, lui, tout un rituel et ne pouvait entamer l’écriture que si ses crayons étaient parfaitement taillés. Moi, ça a été totalement l’inverse. Un coup, j’allais en avant, puis je revenais en arrière. Certains éléments me sont venus au fil de l’écriture, comme des caractéristiques physiques ou émotionnelles intéressantes. Le simple fait d’ajouter une cicatrice, par exemple, faisait émerger une tonne de questions vis-à-vis du personnage : où est-elle située sur le corps ? D’où vient-elle ? Comment impacte-t-elle son présent ? Je rumine constamment, c’est ainsi que l’on pourrait qualifier mon processus d’écriture.

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D’acteur à écrivain, avez-vous trouvé des ressemblances entre ces deux pratiques ? 

Je préfère avant tout le terme “raconteur d’histoires” à écrivain, qui est beaucoup trop prestigieux pour moi. Victor Hugo est un écrivain, le plus grand ! Mais il est vrai que le romancier et l’acteur ne sont pas si éloignés. Tous les deux laissent vivre leur imagination et se plaisent à rêver à d’autres vies que la leur. C’est le même arbre, mais pas la même branche.

Emma a été tiré à 30 000 exemplaires et 13 traductions sont prévues. Envisagez-vous déjà une suite ?

Le personnage d’Emma m’accompagne depuis tellement d’années… J’y suis très attaché et ce n’est pas pour rien si dans la sonorité de son prénom il y a le verbe “aimer” (Emma, elle aima). J’aimerais comprendre ce qui va se passer dans sa vie. Pour moi, c’est comme si elle venait d’arriver sur une plage en nageant. Je ne sais pas ce qu’il y avait avant cette nage éprouvante. Mais elle se relève. On s’est emmenés l’un l’autre jusqu’à la fin du livre. Je sais où elle est et dans quel état. Qu’est-ce qu’elle va faire à partir de là ? Mystère… Je ne le sais pas encore.

Emma, de Jean Reno, XO Édition, 312 p., 21,90 €, depuis le 16 mai 2024 en librairie.

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