Pour Halloween, AppleTV+ a décidé de nous régaler avec un documentaire qui revient sur une affaire qui a effrayé le monde entier et inspiré de nombreux films, dont Conjuring. Le Poltergeist d’Enfield sort ce 27 octobre, et son réalisateur, Jerry Rothwell, nous a révélé les coulisses de sa série.
<i>Le Poltergeist d’Enfield</i>, qui a frappé la famille Hodgson dans les années 1970, est l’une des affaires surnaturelles les plus célèbres de l’Angleterre. Cette histoire vous a-t-elle marqué durant votre adolescence ?
À l’époque, je devais avoir une quinzaine d’années. L’affaire avait fait la Une de tous les journaux du pays – même le Daily Mirror, qui était le média le plus important et le plus vendu à ce moment-là. J’allais dans l’espace bibliothèque de mon école pour suivre l’enquête et son avancée. Il faut dire que cette affaire était troublante, surtout à mon âge. Le monde n’était pas censé se comporter de cette manière. C’était à la fois attirant et effrayant.
Qu’est-ce qui a motivé cette envie de réaliser une série documentaire sur le sujet, 50 ans après les événements ?
J’ai entendu que 250 heures de témoignages avaient été enregistrées dans cette maison. Ces cassettes avaient été réalisées par Maurice Grosse, un homme d’affaires et enquêteur du paranormal qui voulait trouver des preuves de ces événements étranges. Il a passé beaucoup de temps dans la maison (trois à quatre jours par semaine).
Il restait la nuit et il lançait le magnétophone pour interviewer les témoins juste après les événements, ou laissait simplement le micro ouvert pour capter les sons et l’ambiance du lieu. Ces cassettes nous donnent une idée de ce qu’était la vie de cette famille, et de leurs relations avec leur entourage. Elles étaient le point de départ de ma série documentaire.
Ensuite, nous avons réfléchi à la mise en scène, et une idée nous a séduits : le fait de reconstruire et reproduire la maison pour le décor de cette série. Nous voulions que les acteurs et actrices (qui font une sorte de playback sur les enregistrements d’origine) jouent et évoluent dans cette ambiance d’époque. En fait, le son est au centre de notre production. C’est un medium aussi riche qu’ambigu, qui est particulièrement intéressant dans le monde du paranormal.
Si vous entendez des bruits de pas alors que vous pensiez être seul chez vous, vous allez immédiatement vous faire des films et imaginer qu’il y a des entités. Dans la série, tout ce que vous entendez est réel, mais les images sont en quelque sorte nos interprétations de ces sons. Je pense que cette mise en scène combinée à des témoignages de personnes qui étaient réellement dans cette maison était une approche intéressante pour explorer cette affaire de poltergeist.
De nombreux films d’horreur se sont déjà emparés du sujet, dont Conjuring 2. Qu’est-ce qui fait la spécificité de votre série ? Apprenons-nous des informations inédites ?
Pour être honnête, j’ai préféré ne pas regarder les autres productions sur le sujet – même Conjuring – pour ne pas être influencé. Cependant, je pense qu’un grand nombre des cassettes qui sont au cœur de notre série n’avaient encore jamais été entendues. Il y a plus de 200 heures d’enregistrement ! Le Poltergeist d’Enfield révèle des témoignages qui n’avaient jamais été diffusés avant. La grande différence avec les autres films, c’est le format. Quand il s’agit d’un documentaire, on se doit de rester fidèle à la réalité et aux événements qui sont survenus.
« Ma mère a grandi dans un très vieux presbytère élisabéthain dans lequel il se passait plein de phénomènes paranormaux. »
Jerry RothwellRéalisateur
Toute cette affaire s’est déroulée sur une période de 19 mois, donc nous avons sélectionné les cassettes les plus adéquates pour montrer comment les choses se sont intensifiées au fil des semaines. De plus, nous avons travaillé en étroite collaboration avec Janet et Margaret Hodgson, qui apparaissent dans la série. Finalement, le show met en lumière deux aspects : l’expérience traumatique de cette famille et l’enquête du professionnel qui tente de comprendre ce qu’il s’est passé.
Comment êtes-vous parvenu à obtenir tous ces témoignages ?
Tous les documentaires nécessitent un processus de recherche assez long. Cette série nous a demandé trois ans de production – ce qui est assez court, par rapport à d’autres shows qui m’ont pris sept ans. Tous ces témoignages sont le fruit de contacts et de bouche-à-oreille. Nous avons commencé à rencontrer certaines personnes proches de l’affaire, qui nous ont menés à d’autres témoins, et ainsi de suite. Petit à petit, on s’est retrouvés avec de nombreuses sources et éléments de recherches.
Par exemple, beaucoup de visiteurs de la maison ont tenu un journal et nous ont lu ce qu’ils avaient écrit et vécu. Ces témoignages nous ont permis de comparer leurs versions avec les enregistrements qui avaient été effectués ces jours-là, dans ce même lieu. Nous avons donc créé une sorte de grand calendrier avec toutes ces informations : les récits, les enregistrements, ce qu’il s’est passé dans la bâtisse tel et tel jour, qui était présent… Ça nous a donné une idée de ce qu’il s’était passé, de manière chronologique.
Avez-vous déjà été témoin de phénomènes paranormaux, à titre personnel ?
Je ne pense pas avoir été témoin de ce type de phénomène. Cependant, mon grand-père était prêtre, et ma mère a grandi dans un très vieux presbytère élisabéthain dans lequel il se passait plein de phénomènes paranormaux. Elle m’a raconté tout ce qu’il s’y était passé, et certains de ses récits ressemblaient à des histoires de poltergeist.
Par exemple, elle se réveillait au milieu de la nuit et tous les meubles, comme de lourdes armoires, entouraient son lit. J’imagine que le fait de grandir avec ce genre de témoignage a aiguisé ma curiosité sur le sujet et m’a poussé à le comprendre.
Ces histoires vous effraient-elles ?
Je pense que plus vous creusez un sujet, plus vous faites des recherches et moins vous avez peur. Ces histoires ne m’apparaissent plus comme des phénomènes effrayants, mais plutôt comme des affaires intrigantes qui méritent d’être décryptées et comprises.
Finalement, cette série était une sorte de catharsis pour annuler cette peur et normaliser ce type de phénomènes étranges…
Oui, absolument. Je pense qu’il y a quelque chose de bien plus grand au-dessus de ces histoires d’horreur. Finalement, elles nous permettent d’affronter notre peur de l’inconnu et de l’instabilité du monde. Il y a eu un pic d’intérêt pour les films horrifiques dans les années 1970 et on constate une recrudescence du phénomène aujourd’hui. Ces deux périodes sont liées par de grands changements et incertitudes : l’avenir, la guerre, les pressions économiques… J’ai l’impression que nous tentons de lutter contre ces inquiétudes à travers d’autres moyens, comme les films ou les séries d’horreur.
Justement, quels sont les ingrédients incontournables pour réaliser un film ou une série horrifique ? Qu’est-ce qui effraie le plus le public ?
Je ne sais pas trop. Notre objectif principal n’était pas de réaliser un film d’horreur classique, mais de faire réfléchir les spectateurs à ces choses qui se cachent dans l’obscurité. Cette série étrange est incarnée par des acteurs qui sont comme hantés et possédés par le passé, mais aussi par des enregistrements authentiques de l’époque. Ce combo nous fait ressentir un sentiment très bizarre.
En tant qu’expert de l’horreur, quelle est votre recommandation de films à regarder à Halloween pour se faire peur ?
Halloween, de John Carpenter, m’a beaucoup marqué. La première fois que je l’ai vu, j’avais une vingtaine d’années et il était diffusé sur une toute petite télé, dans un coin d’un bar étudiant. Je pense que c’est l’un des films les plus terrifiants que j’ai vus. L’Exorciste est aussi un incontournable. Quand le film est sorti, tout le monde savait de quoi il parlait même s’ils ne l’avaient pas vu. Il a vraiment marqué son époque.