À l’occasion de la sortie de Fast & Furious X ce mercredi 17 mai, L’Éclaireur revient sur la folle histoire de la saga d’action portée par Vin Diesel, entre genèse du projet, succès au box-office, et une évolution cinématographique unique.
Alors que tout le gratin hollywoodien est actuellement à Cannes, les cinéphiles guettant la présentation d’Indiana Jones 5 ou l’arrivée sur la Croisette de Martin Scorsese avec Killers of the Flower Moon, l’autre événement cinéma de cette semaine, c’est bien évidemment le retour de Fast & Furious dans les salles obscures françaises.
Vin Diesel rempile ici pour un dixième chapitre dans lequel son personnage, l’indéboulonnable Dom Toretto, va devoir faire face à Dantes Reyes, incarné par Jason Momoa. Ce dernier troque ici le costume d’Aquaman contre celui d’un sadique ennemi, bien décidé à venger la mort de son père, Hernan Reyes, en mettant la main sur le fils de Dom.
Courses-poursuites démentielles aux quatre coins du globe, cascades rocambolesques, répliques nanaresques, et un Dom Toretto toujours animé par sa providentielle mission – celle de défendre coûte que coûte sa famille – sont une nouvelle fois les ingrédients d’une recette vieille de 22 ans. Il y a plus de deux décennies, Vin Diesel et compagnie faisaient pour la première fois vrombir leurs moteurs devant la caméra de Rob Cohen. Depuis, les courses-poursuites illégales ont laissé place à des scénarios toujours plus abracadabrants, à l’image de la folle histoire de la saga.
Une franchise aux diverses inspirations
Nous sommes en 1998 lorsque Rob Cohen tombe sur l’article Racer X du magazine Vibe racontant les courses illégales auxquelles le coureur Rafael Estevez, jeune New-Yorkais originaire de République dominicaine, s’adonnait au début des années 1990. Fasciné par l’histoire du garçon, le réalisateur du premier Fast and Furious s’inspire du pilote de rue pour dessiner les contours de celui qui deviendra plus tard Dominic Toretto.
Également scénariste, Rob Cohen infuse plusieurs références cinématographiques dans son film. Impossible de ne pas penser à 260 Chrono (1987) de Peter Werner, dans lequel un policier infiltre un gang de voleurs de voitures, ou encore à Point Break (1991) de Kathryn Bigelow et son gang des Présidents mené par Bodhi Salver (Patrick Swayze), dont Vin Diesel est aujourd’hui l’incarnation moderne, dopée à la testostérone.
On peut également citer le film hong-kongais The Legend of Speed (1999). Sorti trois ans avant Fast & Furious, le long-métrage sert de fondation à celui de Rob Cohen par son appréhension des courses illégales, mais aussi avec l’enjeu scénaristique que représente la famille. Toutefois, et en dépit de certaines similitudes, les deux films n’ont pas eu la même trajectoire. Le premier sera relayé au rang de nanar de série B, et à la sortie en VOD, tandis que le second donnera naissance à l’une des franchises les plus lucratives d’Hollywood.
Une saga lucrative
Pourtant, rien ne destinait la saga Fast & Furious à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Avec un budget initial de 38 millions de dollars, le premier film en rapporte finalement 207 millions. Il n’en fallait pas plus à Universal pour donner son feu vert au deuxième volet, intitulé 2 Fast 2 Furious (2003) et porté par Paul Walker.
Si le film ne parvient pas à convaincre la critique, il engrange toutefois 236 millions de dollars au box-office mondial. Universal semble ainsi tenir sa poule aux œufs d’or. Pourtant, la stratégie des studios n’est pas encore établie à l’époque. Malgré les recettes fructueuses des deux premiers films, ils préfèrent changer de cadre et troquer les rues de Los Angeles contre celles de Tokyo. Pour cela, ils font appel à Justin Lin – cinéaste majoritaire de la franchise avec cinq films à son actif aujourd’hui – et Sean Boswell devient le visage du troisième opus, Fast & Furious: Tokyo Drift (2006).
Cependant, le film connaît le pire démarrage de la franchise à ce jour, forçant les studios à réfléchir à une autre formule durant trois ans. Leur idée ? Prendre les pièces d’origine pour renouveler la franchise. Pour cela, Universal mise tout sur de grosses cylindrées armées, des cascades ahurissantes, mais aussi sur le lien indéfectible entre Dom Toretto et son acolyte, Brian O’Conner.
La recette fonction et rapporte 360 millions de dollars. À partir de ce moment, Fast & Furious met la gomme. En 2011, le cinquième volet double ses recettes en enregistrant 626 millions de dollars au box-office mondial. De son côté, Fast & Furious 6 (2013) ajoute une mise de 100 millions, portant les recettes de cet opus à 766 millions de dollars. Quant à Fast & Furious 7 (2015) et 8 (2017), ils dépasseront respectivement le milliard de bénéfices au moment de leur sortie.
De film indépendant à blockbuster hollywoodien
Retour en 2001. Le premier volet de la saga Fast & Furious débarque sur les écrans de cinéma. À l’époque, Brian O’Conner, un policier de Los Angeles, est chargé d’enquêter sur des attaques de camion commises par des pilotes de rue.
Malgré un pitch simpliste et l’étiquette « film de voiture », le premier Fast & Furious flirte avec le cinéma d’auteur. Les courses servent alors à raconter une histoire plus profonde, celle de la classe populaire américaine et d’une jeunesse que le rêve américain a totalement broyée. Même chose avec 2 Fast 2 Furious (2003), qui, sous le vernis des grosses cylindrées, s’aventure du côté des polars et des films de mafia. Si le ton n’était pas toujours maîtrisé, la saga n’avait pas de frontière et s’autorisait à prendre des risques en mélangeant les genres.
Aujourd’hui, difficile de définir la franchise Fast & Furious autrement que comme une franchise d’action, pour ne pas dire LA franchise d’action. Les changements apportés au gré des films ont transformé son ADN au fil des années, au point d’en faire un ensemble de blockbusters plus ou moins convaincants.
Tout est permis désormais. Les équipes n’ont plus aucune limite physique, technologique ou scénaristique. Les moyens et la violence ont été décuplés. Les scènes de cascades toujours plus impressionnantes font aujourd’hui le sel de la saga, ainsi que son humour, au profit d’une histoire solide. Les studios ont enclenché la nitro et poussé les curseurs de l’action à leur paroxysme en faisant des anciens coureurs de rue des agents secrets à la botte de Monsieur Personne (Kurt Russell). Autre exploit qui a fait date : dans Fast & Furious 9 (2021), Roman Pearce (Tyrese Gibson) et Tej Parker (Ludacris) ont carrément réussi à aller dans l’espace grâce à une fusée accrochée sur le toit de leur voiture. Tout va bien.
Un casting XXL
L’évolution de Fast & Furious a aussi été marquée par son casting. Pour compléter les rangs de sa distribution, à l’origine composée d’acteurs de seconde zone, la franchise a également pu compter sur les figures du cinéma d’action, parmi lesquelles on peut citer Dwayne Johnson, le mythique Transporteur Jason Statham, ou encore sur l’ancien catcheur John Cena.
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La saga compte également dans ses rangs son lot d’acteurs oscarisés. Après tout, pourquoi les comédiens les plus reconnus du septième art devraient-ils bouder leur plaisir ? Dame Helen Mirren, Brie Larson, ou encore Charlize Theron comptent parmi les stars ayant rejoint la saga ces dernières années. Preuve de l’influence de la franchise et de son succès commercial, Fast and Furious a également su attirer les plus gros noms d’Hollywood, de Gal Gadot à Ryan Reynolds, en passant par Kurt Russell, Eva Mendes ou encore Jason Momoa.
Un symbole de la pop culture
Tous ces éléments font aujourd’hui de Fast & Furious, un phénomène incontournable de la pop culture. Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, la franchise a su bâtir un univers dont les références dépassent les films. Si certaines sont parfois risibles, comme les memes de Dom Toretto et son affolante obsession de la famille, ou encore l’expression québécoise généralisée « rapide et furieux », d’autres éléments ont su s’inscrire durablement dans notre pop culture.
Impossible d’imaginer Dom sans son débardeur blanc, mais surtout sans son Brian O’Conner. Pourtant, en 2013, la mort dans un accident de la route de son interprète, Paul Walker, précipite la fin de leur bromance sur grand écran.
À ce propos, dans sa scène finale, Fast & Furious 7 parvenait subtilement à rendre hommage à son acteur sur une chanson de Wiz Khalifa et de Charlie Puth intitulée See You Again. Depuis, ce hit est devenu un hymne et le symbole d’une amitié entre Paul Walker et toute l’équipe, sur laquelle la franchise fonde sa particularité devant comme derrière la caméra.
Par ailleurs, la musique occupe une place importante dans la saga Fast & Furious, celle-ci n’hésitant pas à utiliser les bangers d’artistes comme DJ Snake et Major Lazer, mais aussi des sonorités plus latinos. À ce propos, la franchise a contribué à la représentation de la culture hispanophone ces dernières années, que ce soit à travers ses personnages, ses musiques ou ses décors. Pour le tournage de Fast & Furious 8, la production avait d’ailleurs posé ses caméras à Cuba, un événement historique puisque c’était la première fois qu’une production hollywoodienne était autorisée à tourner sur l’île depuis la crise des missiles.
Le Fast & Furious Universe
L’histoire de Fast & Furious a été marquée par plusieurs moments clés. De son évolution à sa distribution toujours plus rutilante, en passant par son impact culturel, la saga est devenue un véritable phénomène cinématographique. Sa longévité lui permet aujourd’hui de rivaliser avec des franchises comme Mission : impossible, mais aussi de construire un univers étendu toujours plus important à travers des spin-off comme Hobbs and Shaw, une série, Fast & Furious: Full Throttle Spies (2017-2021), des jeux vidéo, une attraction dans tous les parcs à thème d’Universal, ou encore un court-métrage Los Banderos (2009), préquel du quatrième volet.
Scénaristiquement parlant, la franchise n’hésite pas non plus à travailler sur différentes chronologies. On le voyait déjà avec Tokyo Drift, dont les événements se déroulaient en réalité après ceux de Fast & Furious 6.
Avec son dixième volet, la saga va plus loin en liant Fast 5 à Fast X dans une scène d’exposition bourrée d’action. Par ailleurs, le film du Français Louis Letterier, remplaçant au pied levé de Justin Lin remercié en raison de « différents créatifs », capitalise sur la construction d’un univers étendu façon Infinity War (2018) en réunissant tous les protagonistes dans un seul et même épisode, avant l’ultime volet de Fast & Furious X : deuxième partie. De quoi offrir son Endgame (2019) à Vin Diesel et mettre fin à l’une des trajectoires les plus folles du cinéma d’action contemporain.