Décryptage

De Pulp Fiction à L’Amour ouf : quand la pop fait son cinéma

18 février 2025
Par Lucie
De Pulp Fiction à L’Amour ouf : quand la pop fait son cinéma
©Miramax

Disponible en Blu-Ray/DVD ce 19 février 2025, « L’Amour ouf » de Gilles Lellouche s’inscrit dans un courant de films qui partagent un même usage appuyé de chansons- souvent populaires- dans leur bande originale. Une recette gagnante pour parler au plus grand nombre, illustrer une époque ou la marque d’un réalisateur ? On décrypte.

L’Amour ouf : une musique, une époque, une idylle

À l’origine de L’Amour ouf, il y a deux livres. Le premier se nomme L’Amour ouf (Jackie Loves Johnser Ok ? en anglais), un roman de l’Irlandais Neville Thompson, que l’acteur Benoît Poelvoorde a conseillé à Gilles Lellouche il y a une quinzaine d’années, et qui a depuis fourni au réalisateur du Grand Bain le canevas de son deuxième film en tant que réalisateur solo. L’autre ouvrage s’intitule Leurs enfants après eux, le gagnant du prix Goncourt 2018, que Gilles Lellouche a longtemps souhaité adapter avant de passer la main. Dans le livre de Nicolas Mathieu, quatre chansons (Smells Like Teen Spirit de Nirvana, You Could Be Mine de Guns N’Roses, La Fièvre de NTM, I Will Survive de Gloria Gaynor) rythment le récit et dépeignent à la fois le contexte de l’époque et l’émoi des personnages.

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Une idée qui se retrouve dans la première partie de L’Amour ouf version film, à l’occasion de séquences strictement musicales, illustrées de tubes des années 1980. Un morceau en particulier, A Forest de The Cure, souligne une folle scène de danse entre Jackie (Adèle Exarchopoulos) et Clotaire (François Civil) alors adolescents. Un peu plus tard dans le film, Nothing Compares To U de Prince résonne sur la compil’ que le jeune homme destine à celle dont il s’est épris. Sans oublier la scène d’amour champêtre agrémentée du riff de guitare d’Eyes Without a Face de Billy Idol. Autant d’éléments sonores qui situent l’intrigue dans une époque autant qu’ils appuient le charme d’une idylle naissante et le tempèrent d’une certaine noirceur.

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Dans l’intrigue, le film avance de dix ans, et la musique change. L’électro de Daft Punk s’empare des boîtes de nuit, de même que le rap (ici avec Lil Kim). Cette fois, les chansons cultes servent de décor aux personnages, rien n’efface la musique de leur jeunesse, qui se retrouve çà et là dans l’intrigue.

C’est que l’écriture musicale de L’Amour ouf a autant d’importance que son visuel ou son scénario : le film a été composé, si l’on peut dire, à partir de sa playlist. Le long-métrage s’inscrit dans un usage très marqué – né plus particulièrement dans les années 1990 – de la musique pop au cinéma.

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Le « film jukebox » : une innovation des années 1990

Si l’idée d’incorporer de nombreux morceaux de musique n’est pas nouvelle dans le septième art (Easy Rider côté rock, American Graffiti côté rockabilly, les comédies eighties comme Risky Business ou La Folle Journée de Ferris Bueller), la tendance s’intensifie dans les années 1990, sous l’impulsion de Martin Scorsese.

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Le passage au piano de Layla de Clapton pour illustrer la découverte de cadavres, le regard meurtrier de Robert De Niro au bar, le temps de quelques mesures de Sunshine of Your Love (par Cream), un cassage de gueule en bonne et due forme au son du folk hippie de Donovan. Avec sa quarantaine de chansons pop, Les Affranchis montre comment un cinéaste mélomane – Scorsese fut l’un des monteurs du documentaire Woodstock et le réalisateur du concert filmé The Last Waltz – a pu illustrer un sujet pourtant éloigné du rock (le gangstérisme) avec des tubes de l’époque. Scorsese s’est imposé quelques règles : les titres utilisés devaient être sortis avant l’année représentée dans le film et ils devaient donner, de manière détournée, un indice sur la scène ou sur le personnage à l’écran au moment de leur diffusion dans le récit.

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Le procédé a fait école : Scorsese lui-même a poussé cet art du « film jukebox » dans Casino, les musiques servant parfois de fil rouge à des scènes de vengeance s’étalant sur plusieurs mois (The House of the Rising Sun de The Animals) ou à des scène de trahison (Nights in White Satin des Moody Blues).

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À la même époque, Quentin Tarantino a mis un point d’honneur à insérer des chansons existantes dans ses scénarios. Au point même de faire s’arracher les cheveux à ses superviseurs de bande originale, chargés d’acquérir les droits somptuaires exigés par certaines maisons de disques. Le réalisateur reconnaît lui-même avoir beaucoup imaginé ses films à l’aide des disques présents dans ses étagères. D’où l’abondance de hits qui émaillent Pulp Fiction.

Qu’ils s’inspirent du son de guitare des westerns spaghetti (les titres de surf rock comme Misirlou) ou illustrent parfaitement une scène de danse rétro (You Never Can Tell), tous les titres de la B.O. devenue culte servent un propos, un personnage ou une inspiration. La musique s’affirme ainsi en tant qu’autre marque de fabrique du cinéaste. Celui-ci utilisera d’ailleurs sa grande culture musicale pour faire de Jackie Brown un hommage double : à la Blaxploitation d’une part et à la Great Black Music des sixties et seventies.

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Dans les années 1990, un autre film a glané une réputation importante grâce à sa bande originale : Trainspotting (1996). Danny Boyle avait comme idée de dépeindre le monde vu par une jeunesse accro à MTV, le phénomène télévisuel majeur de la fin du 20e siècle. Il y est magistralement parvenu à travers une bande-son où les dernières stars de la britpop des nineties (Pulp, Elastica) côtoient Iggy Pop, Brian Eno ou le duo d’électronique Underworld. Film générationnel, film sur l’une des drogues les plus meurtrières dans le monde du rock, film pop, aussi, ce deuxième long métrage de Boyle a désinhibé nombre de réalisateurs quant au choix de tubes iconiques comme vecteur narratif.

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La musique pop au cinéma : du clip au grand écran

Edward Norton et Helena Bonham Carter regardant les tours exploser dans Fight Club avec les Pixies en fond ; Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux s’aimant et se déchirant au rythme de I Follow Rivers de Lykke Li tout au long de La Vie d’Adèle ; le titre d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind, inspiré d’une chanson des Korgis (Everybody’s Got to Learn Sometines) reprise par Beck… La pop music ne cesse de s’infiltrer dans les longs métrages. Et si certains artisans de cette utilisation de musique existante viennent du clip (David Fincher et Michel Gondry, par exemple) et ont l’habitude de mêler image et mélodie dans un montage, le cinéma d’auteur moderne regorge aussi de belles histoires de chansons cultes qui ont réussi à être insérées dans des films à petit budget (Diamonds de Rihanna dans Bande de filles) en étant présents dans le scénario originel, à titre narratif.

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Des deux côtés de l’Atlantique, on a vu des cinéastes faire de la chanson populaire un motif narratif aussi important que le scénario ou la photographie. Xavier Dolan (Mommy), ou encore Monia Chokri (avec Still Loving You au début de Simple comme Sylvain) le démontrent au Québec, quand, en France, un certain Gaspar Noé réalise des films aux bandes originales variées et emplies de tubes (les longues séquences érotiques de Love ou les danses en plan-séquence de Climax) sans faire appel à des professionnels de la B.O.

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Si une bonne chanson ne suffit jamais à faire un bon film, la pop continue de briller dans les salles obscures, hors film musical ou biopic. Signe que les cinéastes-mélomanes ont encore de beaux jours devant eux.

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Article rédigé par
Lucie
Lucie
rédactrice cinéma sur Fnac.com
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