Entretien

Adèle Exarchopoulos, Jérôme Commandeur et Sandrine Kiberlain nous parlent de L’accident de piano

03 juillet 2025
Par Sophie Jacquier
Adèle Exarchopulos dans “L'accident de piano” de Quentin Dupieux.
Adèle Exarchopulos dans “L'accident de piano” de Quentin Dupieux. ©Chi-Fou-Mi Productions/Arte France Cinéma/Auvergne Rhône-Alpes Cinéma

Quentin Dupieux est de retour et présente L’accident de piano, nouvelle comédie satirique pour laquelle il retrouve Adèle Exarchopoulos après Mandibules et fait jouer pour la première fois Sandrine Kiberlain et Jérôme Commandeur. Trois têtes d’affiche qui ont accepté de répondre aux questions de L’Éclaireur.

Quentin Dupieux fait déjà son retour dans les salles obscures, un an après Le deuxième acte, présenté en ouverture du Festival de Cannes. Cette fois-ci, dans L’accident de piano, il s’attaque au monde de l’influence et au culte de la personnalité. Une comédie brutale et crue dans laquelle on retrouve le cynisme absolu du réalisateur le plus prolifique du moment. 

Magalie, star des réseaux sociaux interprétée par Adèle Exarchopoulos, s’isole à la montagne après un accident de tournage. Totalement insensible à la douleur depuis la naissance, elle joue de cette capacité et se filme constamment dans des situations plus absurdes les unes que les autres. Avec son assistant personnel Patrick (Jérôme Commandeur), elle tente de se remettre sur pied dans un chalet de luxe. Mais c’était sans compter sur l’arrivée de Simone (Sandrine Kiberlain), journaliste sans vergogne prête à tout pour faire le buzz avec un article…

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Adèle et Sandrine, vos personnages ont tous les deux des moralités que l’on peut questionner. Comment vous êtes-vous emparées de telles personnalités ?

Adèle Exarchopoulos : Je ne les trouve pas si immoraux. Bien sûr, Magalie dit tout haut des atrocités qu’on peut penser quand on passe devant une terrasse de café, quand on juge quelqu’un en une seconde ou quand on a des pulsions. C’est hyper excitant et jouissif à jouer, parce que d’un coup, on sort du politiquement correct, de la politesse et de l’hypocrisie. Mais ce que j’aime avec ce film, c’est qu’il nous montre qu’on est tous immoraux, finalement.

Sandrine Kiberlain dans L’accident de piano. ©Chi-Fou-Mi Productions/Arte France Cinéma/Auvergne Rhône-Alpes Cinéma

Sandrine Kiberlain : Je ne réfléchis pas à un personnage par rapport à ce qui le définit. Je me dis plutôt que je vais jouer Simone, par exemple, qui, pour en arriver là, doit avoir un problème qui m’intéresse. Je trouve un moyen de la défendre. Je pense aux femmes qui sont comme ça, qui ont été jusqu’à faire comme Simone. Évidemment, tout ça est inconscient. C’est ce que je m’imagine. Mais le scénario est tellement bien écrit qu’on se jette dedans. Finalement, le film n’a pas de morale, il ne critique pas : il montre. Il est très concret sur la vie d’aujourd’hui, le manque de dialogue et d’humanisation d’une génération. C’est un regard spécifique que porte Quentin Dupieux sur le sujet.

Qui est le plus immoral des personnages d’après vous ?

A. E. : C’est marrant que vous nous posiez à toutes les deux, parce que personnellement, je trouve que le personnage le plus immoral du film, c’est celui de Jérôme ! [Rires]

S. K. : Ils veulent tous quelque chose. Simone veut son scoop, Patrick veut son fric, Karim veut sa photo. Et finalement, c’est Magalie la plus humaine. Elle comprend au fur et à mesure les problèmes qui l’ont menée à vouloir ces likes, ces vues, toute cette attention. Nos personnages ont l’air d’être ceux qui l’aident, mais, en fait, ils se servent d’elle. Ils vivent sur la bête !

Jérôme Commandeur et Adèle Exarchopoulos dans L’accident de piano.©Chi-Fou-Mi Productions/Arte France Cinéma/Auvergne Rhône-Alpes Cinéma

Y a-t-il une place pour l’improvisation dans les films de Dupieux ?

Jérôme Commandeur : Pas du tout ! Tout est à la virgule près. Et d’ailleurs, au début, on ne m’avait pas prévenu. Je lui proposais de changer un mot, il me répondait non. Mais finalement, c’est super. C’est bien mieux d’être avec quelqu’un qui est dans sa bulle. Quentin sait exactement ce qu’il veut faire de nous, il nous dirige. Il nous laisse une marge de manœuvre assez réduite, et j’ai adoré. C’est comme ça qu’on a envie d’être traité quand on est comédien : on se fait emmener dans un univers. 

S. K. : Tout est suffisamment précis pour que ça serve les personnages. Rien n’est là par hasard. 

Le film parle notamment d’image et de célébrité numérique… Que dit-il selon vous sur notre époque ?

J. C. : Il parle de la course aux likes, aux followers et au nombre de vues. C’est un sujet qui touche tout le monde, du gamin de 8 ans au ministre de 70 ans. C’est d’ailleurs assez terrifiant. C’est un constat qu’on partage tous, mais on vit dans ce bain un peu sale sans trop s’en plaindre. On se dit que quelque chose est horrible, puis on remet notre téléphone dans notre poche et on continue de vivre. Avec ce film, Quentin met tout ça sur pause et nous permet de prendre 1h30 pour regarder le monde avec un peu de distance.

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