
Avec la sortie de Superman le 9 juillet et Fantastic Four: First Steps le 23 juillet, DC et Marvel dégainent deux blockbusters qui pourraient relancer le genre super-héroïque – ou annoncer son inexorable déclin.
C’est indéniable : Superman et les Quatre Fantastiques sont des super-héros iconiques. Le Kryptonien est le premier de l’histoire des comics et de DC, et la famille imaginée par Stan Lee et Jack Kirby a tout simplement marqué le renouveau du genre chez Marvel dans les années 1960. Ces personnages sont taillés pour affronter la terrible menace qui pèse sur leurs univers. Non pas une banale fin du monde. Pas même la fin annoncée du genre super-héroïque au cinéma. Mais bien l’échec possible de stratégies commerciales et créatives représentant plusieurs milliards de dollars.
Quand Marvel doit dépasser son “âge d’or”
À une certaine époque, les films Marvel explosaient le box-office, dépassant le milliard de dollars de recettes en même pas deux semaines. Le bon vieux temps de Thanos, Steve Rogers et toute la bande – mais un temps révolu depuis Avengers: Endgame et la fin de la fameuse troisième phase du MCU, en 2019. Depuis, la branche super-héros de Disney connaît des résultats moins mirobolants, comme en témoignent cette année le Captain America: Brave New World (415 millions de dollars de recettes) et les tristes Thunderbolts* (370 millions).
Des résultats relativement décevants auxquels s’ajoutent des critiques assez sévères de la part du public, comme le rappelle le youtubeur spécialisé en films et séries, Captain Popcorn : « Un film comme Thor 4: Love and Thunder – qui a quand même engrangé 760 millions au box-office – a fait beaucoup de mal au genre super-héroïque, car il est assez largement considéré comme mauvais et les spectateurs en sont ressortis déçus. »
Un exemple parmi tant d’autres. La faute à une stratégie lancée tous azimuts pour animer une nouvelle phase un peu brouillonne, avec des personnages pas toujours bien identifiés, des arcs narratifs sans queue ni tête, des effets spéciaux faits à la va-vite et une démultiplication des contenus au cinéma, mais aussi sur Disney+. On peut donc penser que le MCU a assez mal géré son tournant post-Endgame, ou plutôt la fin d’un âge d’or un peu « accidentel ».

« Le concurrent du Marvel d’aujourd’hui, c’est le Marvel d’hier, estime ainsi le spécialiste des comics Xavier Fournier. Mais on a tendance à croire qu’un film Marvel qui ne rapporte pas le milliard serait un échec, alors que c’est une image qui ne correspond pas véritablement à la réalité d’avant 2019, et que de nombreuses raisons conjoncturelles peuvent expliquer que les œuvres actuelles rapportent moins que les précédentes, comme par exemple les restrictions d’accès des films étrangers dans les salles chinoises… »
Pour cet observateur du milieu super-héroïque, la situation n’est pas si désespérée qu’elle en a l’air, mais Fantastic Four: First Steps a néanmoins un défi de taille à relever : faire oublier au public un passé idéalisé. Ou, tout du moins, paver le chemin d’un avenir au moins aussi glorieux. Car les studios Marvel ont appris de leurs erreurs et semblent désormais axer leur stratégie sur deux mots d’ordre : « moins », mais « mieux ».

Fini la multiplication des productions et des arcs narratifs. Tout doit rentrer dans l’ordre pour mener aux points d’orgue de cette nouvelle phase : les futurs films Avengers, Doomsday et Secret Wars. Comme le dit Xavier Fournier, les studios de Kevin Feige tentent de revenir aux bases en construisant méticuleusement un univers solide.
« Après Endgame, ils ont lancé plein de projets et se sont enfermés dans une chronologie, chamboulée par le Covid et la grève des scénaristes, si bien qu’on ne savait plus où ils allaient et qu’on perdait de vue certains personnages pendant des années, comme Vision, qui doit revenir en série l’an prochain, cinq ans après sa dernière apparition dans WandaVision. »
Une analyse corroborée par celle de Captain Popcorn concernant Ironheart : « Cela explique pourquoi ils ont un peu balancé la série sous le bus, en deux fois trois épisodes quasiment sans communication. Ça fait partie des derniers éléments qui ont été produits avant la reprise en main créative et ils resserrent un peu plus leur attention sur moins de projets. » Charge, donc, aux Quatre Fantastiques d’ouvrir la voie à ce nouveau MCU plus restreint, mais plus qualitatif et cohérent.
Gunn et sa vision du futur DC
De leur côté, les studios DC sont, eux aussi, à la recherche de cohérence, mais dans un genre différent. Comme l’a expliqué Xavier Fournier dans les épisodes de son podcast Aventures Fiction, retraçant près de 30 ans de films DC, le principal souci de la filiale de Warner tient à ses divisions internes.
« Dans les grands groupes comme Warner, avec leurs différentes filiales et leurs différents services, il y a toujours des questions de rivalités qui font que des concurrents en interne préfèrent que tu te plantes, plutôt que tu fasses un succès sans eux », résume-t-il.

« Les têtes ont changé au fil des ans chez Warner, mais il y a toujours eu des rivalités et c’est ce qui les a freinés, poursuit le spécialiste. C’est notamment ce qui a empêché le projet de George Miller sur la Justice League de voir le jour, alors qu’il avait des plans très cohérents, avec plein de spin-offs, du genre que l’on associe aujourd’hui à Marvel, mais qui datent d’avant l’avènement du MCU. »
Voilà le défi humain auquel est confronté James Gunn. Porté à la tête des studios DC avec Peter Safran, fin 2022, le réalisateur des Gardiens de la galaxie, chez Marvel, n’a pas le droit à l’erreur avec son Superman, véritable rampe de lancement de la phase 1 de son DCU, partie pour durer dix ans. Enfin ça, c’est selon ses plans à lui.

« Warner ne lui a pas signé un contrat de dix ans, donc il a besoin d’être renouvelé, explique Xavier Fournier. Il a déjà trouvé une parade en disant qu’il n’acceptait plus de films dont les scénarios ne le satisfaisaient pas pleinement – ce qui fait qu’il y a déjà une partie des films prévus qui ont sauté –, mais les résultats de Superman vont conditionner son avenir… » Pour l’instant, le réalisateur, qui s’investit à 200 % dans la promotion de son film, a de quoi être rassuré.
Certaines prévisions optimistes lui assurent un premier week-end d’exploitation à plus de 175 millions de dollars de recettes, soit presque 10 millions de plus que le plus gros succès DC : Batman v Superman. Mais ce ne sont que des prévisions et il ne faut pas oublier que le public de la Distinguée Concurrence est, lui aussi, très divisé.
« Une partie veut des héros sombres et réalistes, et l’autre veut des héros inspirants et positifs, rappelle Xavier Fournier. Quoi qu’ils aient fait comme choix jusqu’à présent, un des deux partis n’était pas au rendez-vous. » Accepteront-ils donc la troisième voie initiée par James Gunn ? La petite frange des « Znyderzouzes » éternellement mécontents a d’emblée prévenu qu’elle tenterait de saboter le film. Ambiance.
L’été 2025 marquera-t-il donc la fin des films de super-héros ? Celle-là même que l’on annonce depuis dix ans maintenant ? Sans doute pas. Surtout que les préventes des deux blockbusters super-héroïques de juillet sont déjà encourageantes.

En revanche, Superman et les 4 Fantastiques auront-ils un succès suffisant pour lancer sur de bons rails les stratégies de DC et Marvel ? Optimiste, Captain Popcorn espère qu’ils avoisineront le score tout à fait honorable des 700 000 millions de dollars de recettes, et s’inquiète moins pour ces deux productions que pour le futur Avengers: Doomsday et l’arrivée des X-Men dans le MCU. Voilà qui laisse une bonne année de répit aux super-héros, qui vont pouvoir tranquillement s’occuper de Galactus, Darkseid et autres génies maléfiques avant d’envisager de prendre leur retraite.