
À l’occasion de la sortie d’Elio, le nouveau film des studios Pixar, et de sa présentation durant le Festival International du Film d’Animation d’Annecy, L’Éclaireur a rencontré les voix françaises du long-métrage : Zita Hanrot (Olga) et Alban Lenoir (Ambassador Tegmen).
Ça fait quoi d’être dans un Pixar comme Elio ?
Zita Hanrot : Être dans un Pixar, ça signifie qu’on fait partie de l’histoire du cinéma et du film d’animation. C’est génial de s’inscrire dans cette grande histoire. C’est un privilège. Quand on nous annonce qu’on a un rôle dans un Pixar, il y a aussi une certaine excitation mais aussi une certaine responsabilité car on arrive dans un univers qui est déjà en place. Il faut être à la hauteur des attentes du public.
Quelle découverte a représenté le film sur grand écran ?
Z.H. : Je l’ai découvert le jour où on a enregistré les voix. Je ne pensais pas du tout que j’allais être saisie par l’émotion. J’ai fini en larmes, j’étais un peu gênée parce que j’étais devant des personnes avec qui j’ai travaillées toute la journée [rires]. J’étais enfoncée dans un canapé en fin de journée et je pleurais. Mais quand je me suis retournée à la fin du doublage et que j’ai vu que tout le monde avait les yeux brillants, je me suis dit que c’était l’effet attendu. Il y a quelque chose à la fois de l’ordre de l’aventure et en même temps d’émotion qui est touchant.

A.L. : J’étais tellement content, au premier abord, qu’on m’appelle pour faire ce film. Je l’attendais depuis longtemps ! Dès que je croisais quelqu’un de Disney, je leur demandais de me faire jouer quelque chose, n’importe quoi, même un tout petit truc [rires]. Quand ils m’ont appelé, j’étais ravi. C’est une chance de participer à ce projet.
Qu’est-ce qui fait qu’Elio vous a autant touché ?
Z.H. : Je dirais que c’est avant tout la relation entre Elio et sa tante, Olga, mais aussi la relation avec son ami, Glordon. Il y a une telle justesse des sentiments.
A.L. : C’est ce qui fait la force de Pixar ! Il y a une justesse dans laquelle on se retrouve tous et toutes. Tu n’es pas humain si ça te fait rien. C’est même l’inverse, si tu ne pleures pas devant un Pixar, c’est qu’il y a un problème [rires].
Z.H. : Il y a aussi un message notamment sur ce que ça raconte aussi sur la force du lien et comment on peut justement grandir, s’épanouir si on a un regard bienveillant qui est posé sur soi. J’ai trouvé ça très émouvant, la manière dont Olga regarde son neveu, le comprend, l’apprivoise et l’accompagne.

Vous reconnaissez-vous dans le personnage d’Elio, dans ce qu’il vous rappelle de votre enfance ou dans son caractère ?
Z.H. : Je pense que tout le monde peut se reconnaître dans Elio, dans l’incompréhension qu’il subit et son côté solitaire.
A.L. : C’est vrai que je n’y pensais plus, mais dans mon enfance je me faisais un peu maltraité. Quand j’ai découvert la scène de colonie de vacances, j’ai réalisé que j’avais vécu ça aussi. J’ai aussi ce côté revanchard sur la vie d’une certaine manière et sur ce que les autres m’ont fait vivre. Après, tu grandis, puis eux, ils ne grandissent pas tous, puis après… Tu vas les revoir… Mais là, on est plus dans le Pixar [rires].
Vous êtes acteurs, ce qui implique une physicalité, notamment pour vous Alban avec les actionners Netflix dans lesquels vous jouez. Quelle physicalité est-ce le doublage ?
A.L. : C’est la même chose mais sans caméra. C’est juste que tu dois rester dans ton petit carré avec le micro. Il n’y a pas de perchman qui te suit. L’avantage du doublage, c’est que tu peux aller encore plus fort parce que tu n’as pas de jugement, tu te permets de faire des grimaces que jamais tu n’aurais faites face à une caméra, mais qui te font sortir une véracité dans ce que tu dis.
Z.H. : Il y a quelque chose de l’ordre de l’engagement physique qui est vraiment génial. J’ai fini en nage, j’ai fini par enlever mes chaussures dans le studio… Il y a vraiment quelque chose où tu dois être confortable aussi parce que ça demande d’être mobilisée entièrement physiquement pour que la voix soit juste et que les émotions passent, car on ne peut pas s’appuyer sur notre visage. Comment faire pour faire passer une émotion ? Il faut vivre la scène réellement à 100 % et ce n’est pas parce que c’est de l’animation qu’il faut se limiter. Au contraire, il faut s’investir encore plus. Il y a un vrai aspect libérateur dans cet exercice.
Est-ce plus libérateur de doubler ou de jouer devant une caméra, finalement ?
Z.H. : Ce sont des exercices vraiment différents, mais moi, j’ai adoré. Il y a la même responsabilité. L’avantage avec le doublage, c’est que tu peux enchaîner aussi les prises, il n’y a pas d’enjeux de lumière, ce qui fait qu’on reste dans l’énergie. Je pense que ça se rapproche du théâtre, en fait, dans la façon de pratiquer l’exercice.
Qu’est-ce que vous avez appris sur ce projet-là en tant qu’artiste ?
A.L. : Ça nous a appris à maîtriser une forme de sur-jeu. Le paradoxe, c’est que ça marche à l’image. Ça apporte une justesse. On a appris à se libérer de cela, bien que quand on joue dans un film on ait aussi de la post synchronisation [technique permettant de réenregistrer en studio le dialogue ou la voix off d’une œuvre audiovisuelle, ndlr]. Ici, avec l’animation, on crée un personnage, plutôt que de rejouer par dessus.
Z.H. : Ce n’est pas parce que tu vas très haut que c’est du sur-jeu. On peut être tout simplement très investi sur l’émotion. Parfois, plus tu es haut, mieux c’est ! C’est quand tu veux trop montrer que tu sais bien jouer que le sur-jeu arrive. En tout cas, sur Elio, ça nous a permis de repousser les limites sans sur-jouer ou dénaturer quelque chose. Il faut rester sincère.
C’est peut-être tout l’intérêt du film et son thème car Elio voyage dans l’espace, mais croyez-vous à une vie en dehors de notre galaxie ?
A.L. : C’est difficile de ne pas y croire plutôt. On est tellement petit à l’échelle de l’univers que c’est obligé. Il faut se rendre compte quand même qu’il y a plus de planètes et d’univers que de grains de sable sur la Terre. C’est vertigineux ! Comment ne pas envisager ou en tout cas, ne pas être ouvert à cette possibilité ?
Z.H. : C’est une possibilité qui est aussi assez rassurante dans un sens où ça nous permet de dézoomer sur nous, finalement.