
Disponible depuis le 6 juin sur Netflix, Les survivants adapte le roman de Jane Harper dans un thriller australien de six épisodes, où les secrets engloutis refont surface. Une série efficace, mais prisonnière d’un schéma trop classique, trop sage.
À l’extrême sud de l’Australie, la Tasmanie se déploie comme un décor théâtral, aussi sublime qu’hostile. Ses côtes battues par les vents, par les vagues, ses falaises acérées, ses forêts épaisses et sa lumière rasante composent un environnement rêvé pour un thriller.
Adaptée du roman de Jane Harper, Les survivants, la nouvelle minisérie australienne ajoutée au catalogue de Netflix ce 6 juin, y puise toute son atmosphère. La nature n’y est pas un simple arrière-plan : elle est une force vive, qui garde les secrets autant que les hommes.
Le passé ne passe pas
L’histoire se déroule à Evelyn Bay, petite ville fictive où les blessures du passé n’ont jamais cicatrisé. Quinze ans après une tempête meurtrière, Kieran revient sur son île natale avec sa compagne Mia et leur bébé, officiellement pour rendre visite à ses parents. Mais, dès son arrivée, les souvenirs refont surface. Car cette nuit-là, son frère Finn et un autre adolescent, Toby, ont trouvé la mort en tentant de le sauver de la noyade. Depuis, la culpabilité ne l’a jamais quitté.

Dès les premières scènes, un malaise diffus s’installe. Kieran est observé, mis à l’écart, tenu à distance d’une communauté qui ne l’a jamais pardonné. Le scénario en fait parfois un peu trop : difficile de croire qu’une telle rancune puisse encore peser, 15 ans après un accident adolescent. Mais cette exagération a une vertu : elle installe d’emblée une tension latente, sourde et poisseuse, qui irrigue toute la série.
Un schéma connu
On comprend rapidement dans quel registre Les survivants s’inscrit : celui du thriller à tiroirs, où les drames anciens continuent de hanter le présent, où ce qui est tu est plus lourd que ce qui est dit. Le récit s’appuie sur des ressorts familiers – secrets enfouis, remords indicibles, silences partagés. Une mécanique trop connue, mais efficace si on ne cherche pas à se surprendre.

L’intrigue aurait pu se résumer à la seule culpabilité de Kieran. Mais la série s’en extrait en tissant un second fil narratif, qui lui apporte du relief. Le jour de la même tempête, une autre disparition avait frappé la ville : celle de Gabby, ancienne amie de Mia, étrangement reléguée au rang de détail oublié. Tous semblent l’avoir effacée, sauf Bronte, une jeune serveuse dont la curiosité trop vive lui vaudra d’être retrouvée morte à son tour, au temps présent.
Un rythme trop sage
Les six épisodes s’appuient sur un rythme mesuré, sans effets inutiles. Un déroulement fluide, mais d’une constance presque trop maîtrisée. S’il n’y a pas de véritables longueurs, la série peine parfois à faire vibrer : son ton reste uniforme, sa tension contenue.

Les survivants aligne pourtant une galerie d’une dizaine de personnages, tous porteurs d’une part de trouble. Chacun devient tour à tour suspect, ou au moins témoin d’un secret qui n’a pas été dit. L’atmosphère de huis clos à ciel ouvert fonctionne : une communauté coupée du monde, où l’on s’épie plus qu’on ne se parle.
Des performances intéressantes
La mise en scène épouse cette lenteur, avec des décors naturels mis en valeur. La mer revient sans cesse, presque comme une obsession. Les scènes de noyade, nombreuses dans les flashbacks, finissent par envahier le spectateur d’un sentiment d’étouffement.

Côté casting, Charlie Vickers (aperçu dans Les anneaux de pouvoir) incarne Kieran avec sobriété. Il campe un homme abîmé, mais digne, rongé par le doute autant que par la mémoire. Face à lui, Yerin Ha (attendue dans la prochaine saison de La chronique des Bridgerton), dans le rôle de Mia, convainc par sa justesse : posée, décidée, elle incarne une forme de résistance.

Mais c’est Robyn Malcolm (After the Party), dans le rôle de la mère endeuillée, qui offre la performance la plus complexe. Tour à tour dure, blessée, protectrice et impitoyable, elle donne à la série une gravité bienvenue.
Un thriller efficace
Les survivants ne réinvente pas le thriller psychologique. Elle en adopte les codes sans les bousculer, mais les exécute avec efficacité. Là où d’autres séries accumulent les rebondissements, elle préfère la tension sourde et la gêne durable. Et son originalité tient moins à son scénario qu’à son atmosphère.
En cela, elle reste fidèle à l’écriture de Jane Harper, dont le roman, publié en 2020, explorait aussi les ruines du souvenir, les fractures communautaires et les drames familiaux à travers le prisme d’une nature impassible. À l’image de la Tasmanie qu’elle filme, la série ne cherche pas la démesure, mais la vérité enfouie.