
Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, Nouvelle vague de Richard Linklater est une lettre d’amour au cinéma dans ce qu’il a de plus libre. Critique.
Richard Linklater est décidément un touche-à-tout. Après la comédie d’espionnage Hit Man (2023), portée par la star hollywoodienne Glenn Powell, le réalisateur américain a choisi de remonter le temps et de nous embarquer au cœur de la Nouvelle Vague, plus précisément dans les coulisses de l’un de ses films fondateurs : À bout de souffle de Jean-Luc Godard.
1960. Godard est encore un gratte-papier des Cahiers du cinéma et espère bientôt réaliser son premier film. De son côté, George de Beauregard cherche son nouveau projet et compte bien donner sa chance au comparse de Truffaut et de Chabrol. Ensemble, ils vont imaginer À bout de souffle, porté par Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg.
Faire renaître le cinéma
La production du film est ici le point de départ du film de Richard Linklater. Un choix judicieux qui, au lieu de raconter la Nouvelle Vague dans son ensemble ou bien l’ascension de Godard dans le 7e art – à l’instar du Redoutable (2017) de Michel Hazanavicius avec Louis Garrel –, choisit de montrer les fondations du cinéma contemporain en prenant l’un de ses films les plus aboutis.
Un exercice qui aurait pu effrayer les détracteurs de la Nouvelle Vague, mais qui s’est avéré aussi fun que passionnant. Car, en s’intéressant aux coulisses d’À bout de souffle, Richard Linklater n’entend pas décortiquer le chef-d’œuvre français, mais plutôt rendre hommage à la liberté créative d’un temps et d’un mouvement. À une époque où le cinéma ressemble davantage à une industrie, et où l’étau de l’intelligence artificielle se resserre, Nouvelle vague apparaît comme une invitation à revenir aux fondamentaux ; à la création dans ce qu’elle de plus libératrice et de plus primitive.
Et qui de mieux que la troupe de la Nouvelle Vague pour faire passer le message ? En choisissant la figure de Godard, Richard Linklater a visé juste et se dote, par ailleurs, d’un personnage haut en couleur. Incarné avec brio par Guillaume Marbeck, l’emblématique cinéaste aux lunettes noires fumées devient le porte-étendard d’une vision sans limites et sans concession du cinéma.

Une figure qui fait écho à celle de Richard Linklater lui-même aujourd’hui dans le cinéma contemporain américain. Le réalisateur et scénariste ne s’est jamais embarrassé des contraintes de narration, n’hésitant pas à filmer les pérégrinations nocturnes et romantiques de deux amants dans sa trilogie humaniste Before, ou encore à s’engager sur des projets pharaoniques sur plusieurs décennies à l’instar de Boyhood.
Film de cinéphile par un cinéphile, Nouvelle vague n’en oublie pas le plaisir du spectateur. Sans renier son propos, Richard Linklater ne noie jamais son long-métrage sous les références et se fait même le guide des plus novices. À l’intellectualité, le metteur en scène préfère ainsi la liberté. Il nous embarque alors avec délices sur le tournage d’À bout de souffle, où l’on croise un Jean-Paul Belmondo débutant (Aubry Dullin), l’ingénue Jean Seberg (Zoe Dutsch), Suzanne Schiffman (Jodie Ruth), Raoul Coutard (Matthieu Penchinat), ainsi que Juliette Gréco (Alix Bénézech).

Artistes, producteurs, techniciens… Tous reprennent vie devant la caméra de Richard Linklater. Grâce à une direction d’acteurs impeccable et à un travail de recherche hors pair, il est parvenu à ressusciter les plus grands monstres du cinéma. Le temps d’une séance en noir et blanc, c’est comme si on remontait le temps, à l’époque où le cinéma était encore un espace de liberté.
Sans jamais être pompeux, Nouvelle vague est l’une des belles surprises de la compétition officielle. Aussi pétillant que passionnant, le film est avant tout une lettre d’amour au cinéma. Quoi de mieux, alors, que l’un des plus grands festivals de cinéma du monde pour le célébrer ?