
La nouvelle série à succès de Netflix nous plonge au cœur d’une enquête sur la disparition d’une jeune fille au pair à Copenhague. Une intrigue purement fictionnelle, mais nourrie d’une réalité sociale bien tangible.
Mise en ligne le 15 mai et déjà en tête des programmes les plus regardés sur Netflix cette semaine, Secrets We Keep s’ouvre sur la disparition d’une jeune au pair philippine dans un quartier cossu de Copenhague.
La série danoise suit l’enquête parallèle menée par Cecilie, une mère de famille issue de la bourgeoisie locale, et Angel, sa propre fille au pair, déterminées à faire la lumière sur cette affaire. À mesure que leurs recherches avancent, les certitudes se fissurent, laissant entrevoir les failles d’un monde en apparence bien ordonné.
Une fiction ancrée dans une réalité
Si l’histoire sonne vraie par moments, il faut d’abord bien comprendre que Secrets We Keep est une production inédite de Netflix : une pure fiction, autrement dit. Créé par Ingeborg Topsøe et réalisé par Per Fly, le thriller ne mentionne aucun fait divers inspiré de la réalité.

Bien que fictive, la série s’inspire de réalités établies concernant les conditions de vie des au pair au Danemark. En 2016, une enquête de Reuters avait notamment montré que de nombreuses femmes, principalement originaires des Philippines, étaient exposées à des conditions de travail abusives. Le média relevait qu’elles effectuaient souvent des tâches ménagères bien au-delà des 30 heures hebdomadaires prévues, sans rémunération adéquate, et étaient parfois victimes de harcèlement sexuel.
Des liens avec la traite des êtres humains
La même année, le Pulitzer Center publiait une série d’enquêtes détaillant ces dérives. On y apprenait que, malgré l’interdiction temporaire du programme par le gouvernement philippin en 1998 à la suite de signalements d’abus, de nombreuses jeunes femmes continuaient d’y recourir, souvent au prix de frais d’agence élevés pour être placées auprès de familles européennes.

En 2010, un rapport du Centre danois contre la traite des êtres humains intitulé « Au pair and trafficked? » explorait déjà les liens potentiels entre le programme au pair et la traite des êtres humains. Le rapport soulignait alors que certaines filles étaient recrutées dans des conditions qui s’apparentaient à de la traite, notamment en raison de leur vulnérabilité économique et de l’absence de protections adéquates.
Un encadrement européen, encore inégal
Face à ces dérives, l’Union européenne a tenté d’établir un cadre commun. En 2016, le Parlement européen a adopté une directive visant à encadrer les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers venus pour des séjours d’études, de recherche ou de travail au pair.
Ce texte impose aux États membres de délivrer un titre de séjour spécifique aux jeunes au pair, en garantissant un socle minimum de droits : logement, allocation, temps de repos, accès aux soins.
En France, cette directive a été transposée en droit national en mars 2019 avec la création du visa « jeune au pair », réservé aux candidats âgés de 18 à 30 ans. Il fixe désormais une durée maximale de séjour (un an renouvelable une fois), oblige la famille à fournir une attestation d’accueil et clarifie le statut de l’au pair, qui n’est ni un salarié à part entière, ni un simple invité.