Critique

The Gorge avec Anya Taylor-Joy : amour cauchemardesque

13 février 2025
Par Robin Negre
Miles Teller et Anya Taylor-Joy dans “The Gorge”.
Miles Teller et Anya Taylor-Joy dans “The Gorge”. ©Apple TV+

Le nouveau film de Scott Derrickson avec Miles Teller et Anya Taylor-Joy est disponible sur Apple TV+ ce 14 février 2025.

Avec The Gorge, la nouvelle réalisation horrifique de Scott Derrickson, le cinéaste derrière Sinister (2012) et Black Phone (2021) continue de développer un univers bien à lui, entre hommage évident aux plus grands maîtres de l’horreur et maîtrise formelle toujours aussi efficace.

Le film repose également sur son duo principal, interprété par Miles Teller (Top Gun Maverick) et Anya Taylor-Joy (Furiosa : une saga Mad Max), qui parviennent à provoquer chez le spectateur une empathie immédiate pour des personnages volontairement inaccessibles.

Miles Teller dans The Gorge. ©Apple TV+

Les films de Scott Derrickson se basent souvent sur des postulats forts : découverte de vidéos traumatisantes dans Sinister, ou kidnapping d’un enfant par un homme au masque effrayant dans Black Phone. Avec The Gorge, il réitère en posant d’entrée de jeu un mystère insondable. Dans ce nouveau long-métrage, deux mercenaires engagés par des commanditaires différents doivent surveiller un gouffre rempli de fumée et de brume, et empêcher ce qui s’y trouve d’en sortir.

Le cinéaste part d’un concept aussi intrigant que simple pour développer plusieurs thèmes et s’attarder sur un genre qu’on ne lui connaissait pas ou peu : la romance. The Gorge est, en effet, un film romantique qui dépeint la rencontre improbable entre les deux mercenaires chargés de garder et de surveiller un étrange lieu.  

L’attachement aux personnages

Levi (Miles Teller) et Drasa (Anya Taylor-Joy) sont deux tireurs d’élite chargés de garder pendant une année entière les deux côtés du gouffre. Perchés en haut de tourelles se faisant face, les deux protagonistes ont pour ordre de ne pas engager le contact et de rester isolés. Un dialogue par messages interposés s’installe pourtant assez vite. Ainsi, et grâce à ce ressort scénaristique, la première partie de The Gorge est assurément la plus intéressante.

Scott Derrickson se repose sur la force de son postulat – le mystère entourant cette gorge – et peut se consacrer entièrement à ses deux protagonistes. Mutiques pendant une bonne partie du film, Levi et Drasa apprennent à se connaître à travers la singularité de la mission. La relation s’installe et le film prend le temps de la développer en montrant des tranches de vie, des moments anodins, bercés par l’évolution des saisons et cette vie solitaire. Miles Teller et Anya Taylor-Joy sont tous les deux convaincants dans ces rôles de mercenaires traumatisés par leurs actions. Entre l’empathie et la complicité évidente, le jeu qui s’installe devient tour à tour touchant, drôle et sexy.

Anya Taylor-Joy dans The Gorge.©Apple TV+

Lorsqu’une histoire se construit autour d’un mystère, elle a la lourde tâche de devoir y apporter des réponses. Un exercice toujours délicat si la révélation n’est pas à la hauteur de l’attente. Que renferme cette gorge ? Pourquoi les personnages doivent-ils la garder ? Quel mystère entoure ce lieu ? Le film pose énormément de questions, mais Scott Derrickson évite certains pièges évidents en dévoilant rapidement plusieurs choses et en montrant vite les créatures qui se cachent dans le gouffre.

Ce faisant, il évite la déception inhérente à l’exercice et peut visiblement retourner s’occuper de ce qui l’intéresse le plus : la relation entre Levi et Drasa. Le cinéaste change ainsi de genre tout au long du film. Tantôt huis clos solitaire, tantôt film romantique, alternant également entre film d’horreur et film d’action, The Gorge se renouvelle jusqu’au climax du film, qui révèle absolument tout. 

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La bascule vers le film d’action

La deuxième partie du film, si elle est moins forte que la première, permet ainsi de répondre à toutes les questions posées. Grâce à cette construction, The Gorge arrive à être convaincant jusqu’au bout. Scott Derrickson lie ainsi son long-métrage à une thématique et à un sujet surprenant – qu’il convient de découvrir devant le film, et pas dans cet article – et alimente son œuvre d’un propos déjà vu dans ses précédentes œuvres.

The Gorge devient un film d’action plus attendu – avec des retournements de situation parfois trop clichés –, mais le réalisateur compense la prévisibilité par une direction artistique splendide. Le film se transforme en un cauchemar digne d’H.P. Lovecraft ou de John Carpenter, jouant avec la folie et l’aspect très organique de l’horreur et des situations. Même dans le domaine de l’action, le metteur en scène se sert de la maîtrise professionnelle de ses protagonistes pour aller directement à l’essentiel et à l’efficacité, sans s’étendre en paroles ou en exposition.

Anya Taylor-Joy et Miles Teller dans The Gorge.©Apple TV+

C’est finalement la force principale de The Gorge : tenir et convaincre du début à la fin grâce à des éléments différents et évolutifs. Le postulat intrigant pour commencer, la relation entre les deux personnages par la suite, puis la résolution et la conclusion lors de la dernière partie.

Scott Derrickson ne tente pas de révolutionner le genre, mais tout ce que le film entreprend, il le réussit relativement bien. De la photographie marquée par les changements de direction artistique – elle évolue aussi selon la situation – à l’ambiguïté des personnages qui ne tentent pas d’être autre chose que ce qu’ils sont (des mercenaires), The Gorge est un film simple, qui comprend les codes de l’horreur (avec une approche rappelant parfois la liberté et l’audace des films effrayants des années 1980 et 1990) et les utilise à bon escient. L’aspect romantique est en réalité la vraie surprise du film. Grâce à la performance tout en limpidité d’Anya Taylor-Joy et de Miles Meller, The Gorge est un spectacle réjouissant, qui donne envie d’y revenir et d’y rester.

Bande-annonce de The Gorge.

The Gorge, de Scott Derrickson, avec Miles Teller, Anya Taylor-Joy et Sigourney Weaver, 2h07, sur Apple TV+ le 14 février 2025.

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