Portée par Jean Dujardin et Audrey Dana, la nouvelle adaptation de Zorro sera diffusée dès ce 23 décembre sur France 2. L’occasion de se glisser dans les coulisses de cette série culte, avec celle qui incarne une Gabriella de la Vega plus forte que jamais.
Zorro, c’est un personnage qui captive plusieurs générations depuis 1919. Le justicier masqué a-t-il une place particulière dans votre vie ?
Absolument. C’est mon premier rapport à un super-héros. Je tombais de temps en temps sur la série de Guy Williams à la télé et j’en garde de grands souvenirs. J’ai encore en tête cette cascade incroyable où Zorro sautait par la fenêtre et atterrissait – sans se faire mal – sur son cheval qui l’attendait en bas. Ça m’avait bluffée.
Ce mois-ci, Zorro revient sur France 2 avec une série imaginée par Benjamin Charbit, et dans laquelle vous incarnez Gabriella de la Vega. En quoi cette production se distingue-t-elle des autres ?
Cette série est résolument moderne. Elle traite de sujets contemporains et le rapport au féminin est étonnant par rapport à cet univers. Gabriella a une place vraiment importante et je crois que c’est l’un des plus beaux rôles que j’ai jamais joués. Quand on pense à Zorro, on pense aux gars autour, et pas du tout aux femmes. Mis à part Catherine Zeta-Jones [dans Le masque de Zorro en 1998, ndlr], elles n’existent pas. Cette nouvelle adaptation aborde aussi des thématiques pertinentes, comme le masculin et la dualité.
Diriez-vous que cette version est plus engagée que les précédentes ?
Ce Zorro est féministe et engagé. La série raconte l’histoire comme elle s’est réellement déroulée, à savoir que nous, les colons, avons pris les terres de personnes qui vivaient là, on les a chassées et on les a payées à coups d’alcool pour les esclavager. Tout ça, c’est la vraie histoire. Il y a quelque chose de profondément engagé, sous couvert d’un immense divertissement familial. Il y a une promesse de rire, de se détendre et, en même temps, d’aller au fond de ces sujets importants qui comptent pour notre société aujourd’hui.
Peut-on dire que cette nouvelle adaptation prend aussi les traits d’une comédie romantique, avec un triangle amoureux qui n’en est pas vraiment un ?
Complètement, c’est le vaudeville de cette histoire ! On assiste à un triangle amoureux à deux (rires) ! La relation de Don Diego avec sa femme et celle de sa femme avec Zorro est au cœur de l’intrigue. Le cœur de Gabriella balance entre deux hommes qui sont en réalité la même personne… Si le couple est mis en avant, c’est aussi parce que c’est l’un de nos centres d’intérêt principaux.
La série parle effectivement de l’usure du couple, qui est finalement un sujet universel, auquel tout le monde peut s’identifier…
La thématique du temps qui passe est clairement au centre de cette adaptation. Il y a la question du couple, mais aussi celle de l’homme. Vingt ans plus tard, Zorro reprend la cape et l’épée, mais il n’est plus aussi habile qu’avant. Il va reprendre de sa verve et de sa fougue, mais on voit un héros vieillissant qui vit avec le fantôme de son papa.
On peut voir ce dernier comme une représentation du poids du patriarcat sur les épaules des hommes – car il n’y a pas que les femmes qui le subissent. Il a été cassé par son père qui n’a jamais cru en lui et ne l’a jamais soutenu. D’où le dédoublement de personnalité. Derrière le masque, on trouve en réalité un homme qui connaît des problèmes dans son couple, qui est témoin du temps qui passe et qui s’interroge sur sa place dans le monde. Autant de thématiques résolument modernes et qui nous interrogent tous.
Vous le disiez tout à l’heure : Gabriella est un personnage fort, déterminé et qui n’est pas relégué au second plan. Comment avez-vous préparé ce rôle puissant ?
Je me suis un peu inspirée de Scarlett O’Hara et de cette époque d’Autant en emporte le vent. Étant donné le maigre historique des personnages féminins dans Zorro, je n’avais pas vraiment de références, donc je suis plutôt allée chercher dans l’aristocratie – même de mes ancêtres – pour avoir cette tenue et cette manière de parler qui ne sont pas celles d’aujourd’hui.
J’ai aussi suivi une énorme préparation physique, car la série a demandé cinq mois de tournage. Il y avait des scènes de combat à l’épée et d’équitation, donc il fallait être fort, être à l’aise sur un cheval en plein tournage, apprendre les chorégraphies et être solide. Je me suis préparée intensément avec un coach pour rester debout et en un seul morceau sur l’ensemble, et avoir l’endurance pour ces huit épisodes (rires). C’était une grosse prépa !
Qu’avez-vous ressenti en incarnant cette héroïne si complexe ?
C’était très agréable d’incarner cette femme-là. La série se déroule à une époque où les figures féminines avaient encore moins de place qu’aujourd’hui dans la société. C’était “les femmes de” ou “les mères de”. C’est tout. Gabriella n’a pas réussi à avoir d’enfant avec son mec, donc elle n’est même pas maman, elle est aristocrate, donc elle ne s’occupe pas de la maison… C’est vraiment une femme qui est enfermée dans quelque chose qui ne lui va pas. Elle pense vouloir des gosses, mais en réalité, elle a soif d’aventures.
Ce qui était génial, c’était de partir de cet enfermement pour aller vers le chemin de la liberté, de l’affirmation de soi, de la justice et de la folie qui sommeillaient dans toutes les femmes de cette époque. Ce n’est pas parce qu’elles n’avaient pas la place de s’exprimer que ce n’était pas quelque part en elles. C’était jouissif de jouer ce feu d’artifice intérieur à une époque où les femmes n’avaient pas le droit de l’exprimer.
Vous reconnaissez-vous en elle ?
Beaucoup. On est toutes les deux passionnées, on aime l’aventure, on aime les hommes… J’ai un sens de la justice très fort et je crois que c’est commun à Gabriella. Et surtout, je ne m’installe pas dans le quotidien.
Comme vous l’avez précisé, la préparation de ce tournage a été intense. Quels sont les pires et les meilleurs souvenirs que vous conservez de cette expérience ?
Les pires, ce sont clairement les répétitions avec Jean [Dujardin, ndlr] dès que j’avais une épée dans les mains. Il flippait, il flippait, il flippait ! Il a raison, un accident est très vite arrivé. Quand on a un véritable épéiste ou cascadeur en face, il va faire en sorte de danser avec notre manque d’expérience pour rendre les coups comme si c’étaient les bons. C’est vachement plus facile de réaliser ces scènes avec eux, donc j’avais l’impression de ne pas trop mal assurer.
Mais quand j’étais avec Jean, je n’assurais plus du tout. Il flippait parce qu’il ne pouvait pas contrecarrer mes fautes et moi les siennes. Mais quand ton partenaire a peur, tu te dis que tu vas merder. D’ailleurs, je lui ai mis un coup de coude en répétition, lors de mes premiers roulés-boulés. Il a eu un œuf dans la bouche pendant trois semaines, donc à chaque fois que je faisais cette cascade, je voyais dans ses yeux l’instinct de protection animale (rires) ! C’était angoissant, donc à un moment je lui ai dit : “Tu dois me faire confiance, sinon je ne vais pas y arriver.”
J’avais tellement envie d’être à l’aise durant les scènes et j’avais tellement peur de lui faire mal que j’ai répété toutes ces séquences dans ma tête. Au final, j’ai appris cette information – qui a été prouvée scientifiquement : le cerveau ne fait pas la différence entre ce qu’on imagine et ce qu’on fait “pour de vrai”.
Je pouvais donc répéter mon combat d’épée dans ma tête pour m’entraîner. À force de visualisation, j’ai fini par réussir ces chorégraphies difficiles. Quand tu as terminé ta scène, que tu n’as blessé personne et que ton partenaire te dit “C’était cool, Audrey, on a assuré !”, alors qu’à la base il se disait “J’aime bien l’actrice, mais je ne suis pas sûr de la cascadeuse”, ça fait plaisir.
Et le meilleur souvenir ?
En cinq mois de tournage, j’ai vécu tellement de moments réjouissants… Il y a ceux des grandes scènes mélodramatiques où tu finis en te disant que c’était cool, il y a ceux des grands moments de comédie, de toute cette partie de vaudeville qui était absolument réjouissante à vivre, il y en a des épiques – on a eu une tempête de sable avec André Dussollier qui ne voulait pas qu’on coupe et qui disait : “Waouh la magie du cinéma !” –, il y a aussi d’autres moments où il est censé pleuvoir, on se dit que ça va être la cata, mais le ciel est bleu et tout va bien, et on se dit que l’univers est avec nous ; il y a des cascades qu’on arrive à mener au bout et on est contents du taf… Mais je pense que le plus grand souvenir, ça reste la fin.
On a tourné le final durant les deux derniers jours de tournage et l’enjeu était énorme, puisqu’il y avait un combat, une résolution et énormément de figurants. Si on le ratait, on ratait tout. On a terminé sur une scène essentielle et on a ressenti beaucoup de bonheur en se disant : “Ça y est, c’est terminé et on est tous en un seul morceau, personne n’a été blessé.” On avait une petite marge d’erreur, donc c’était un vrai soulagement d’arriver au bout.
Zorro était l’une des séries les plus attendues de 2024. Quelles sont les autres œuvres qui ont marqué votre année ?
J’ai été très très très surprise et déroutée par Mon petit renne. J’ai adoré cette série, son traitement du déni et de ce traumatisme qu’on garde au fond de nous, et qui nous revient à la gueule tant qu’on ne le regarde pas en face. Sous couvert d’une espèce de comédie délurée, délirante, étonnante, atypique, avec des personnages passionnants, cette œuvre nous fait grandir. C’est une série qui soigne. Dans un autre registre, j’ai adoré Le chemin de l’olivier, une production turque qui fait aussi partie de ces shows qui nous font grandir.
Nous sommes à quelques jours de la nouvelle année. Qu’est-ce que vous vous souhaitez pour 2025 ?
Je me souhaite de me déployer dans qui je suis et de créer avec du sens, que ce soit en tant qu’actrice, réalisatrice ou autrice. Et de planter des arbres.