Critique

Mon petit renne, un voyage captivant et dérangeant au cœur de l’obsession

18 avril 2024
Par Agathe Renac
“Mon petit renne”, le 11 avril 2024 sur Netflix.
“Mon petit renne”, le 11 avril 2024 sur Netflix. ©Netflix

Dès son arrivée sur la plateforme le 11 avril dernier, la production britannique a suscité la curiosité des spectateurs. Aussi dérangeante que captivante, cette petite pépite s’est très rapidement hissée dans le top 3 des séries les plus visionnées sur Netflix.

Les criminels ont toujours fasciné le grand public. Il suffit de jeter un œil aux audiences des true crime pour réaliser l’ampleur du phénomène. Conscients de son potentiel, scénaristes et cinéastes se sont emparés de ce sujet pour proposer des productions très variées. Les tueurs en série, tels que Dahmer, sont les héros de nombreuses fictions, mais les harceleurs occupent aussi une place de choix. You, Lover, Stalker, Killer, Nudes… Ces shows, qui nous content des histoires effrayantes, tiennent à sensibiliser et prévenir les spectateurs pour qu’ils puissent se protéger face à ces comportements toxiques.

Diffusée depuis le 11 avril sur Netflix, la mini-série Mon petit renne s’est très rapidement démarquée des autres productions, au point de se hisser dans le fameux Top 3 des shows les plus visionnés sur la plateforme. Récit autobiographique en sept épisodes, ce dernier nous raconte le (vrai) cauchemar qu’a vécu l’écrivain et humoriste Richard Gadd durant sa vingtaine.

Le thé de la discorde

4171 emails, 350 heures de messages vocaux, 744 tweets, 106 pages de lettres manuscrites… Le jeune homme a vécu un véritable enfer et a été la cible d’une harceleuse, durant quatre ans et demi. Traumatisé par cet événement, il a décidé d’en parler dans une pièce de théâtre qui a rencontré un franc succès dans des festivals prestigieux d’Édimbourg et de Londres.

L’accueil du public l’a poussé à aller plus loin, et à partager son histoire dans une série qu’il a écrite, réalisée et interprétée. Inspiré de sa vie et de son œuvre, Mon petit renne est ainsi incarné par celui qui a réellement vécu ce cauchemar. Un récit (très) intime, donc, qui nous fait revivre une réalité qui dépasse clairement la fiction.

©Netflix

Tout commence dans un bar. Donny, humoriste en herbe, travaille dans un pub pour payer son loyer. C’est là qu’il rencontre Martha, une cliente désemparée qui n’a pas de quoi se payer une boisson. Touché par la tristesse et la solitude de cette femme, il décide de lui offrir un thé pour la réconforter. Ce simple geste altruiste est mal interprété par la quarantenaire, qui y voit une déclaration d’amour.

À partir de ce moment, Martha en est persuadée : celui qu’elle surnomme désormais son « petit renne » est l’homme de sa vie. Complètement obsédée par Donny, elle se rend sur son lieu de travail tous les jours et lui envoie des dizaines de mails par heure. Aussi bien psychologique que physique, ce harcèlement commence à détruire la vie du jeune homme.

Une série sombre et bouleversante

Malgré son sujet fort, la série parvient à ne jamais tomber dans le pathos. Son auteur nous expose simplement la situation, et nous explique comment Donny est tombé dans cette spirale infernale malgré lui. Richard Gadd se livre aux spectateurs, sans fard ni mensonge. Il ne joue pas avec la réalité et prend le parti très risqué de la vérité.

Complètement transparent sur son vécu, il n’est pas catégorique, mais préfère montrer toute la complexité de la situation. Ainsi, Mon petit renne n’est pas une « simple » histoire d’une harceleuse et de sa victime. C’est le récit d’une femme malade et d’un homme qui alimente inconsciemment cette relation très toxique en raison de son manque de confiance en lui.

©Netflix

Le duo d’acteurs, Richard Gadd et Jessica Gunning, est très convaincant et incarne avec brio toute cette complexité. Ils parviennent à nous faire ressentir des émotions très contradictoires, de l’empathie à la haine en passant par la stupeur. Le personnage de Martha nous dérange profondément, mais on est tout autant perturbé par le comportement de Donny, qui semble se complaire dans cette situation. Les héros, la structure du scénario, les dialogues (et surtout les monologues)… La série brille par son écriture. Tout est millimétré, bien pensé, intelligemment réalisé.

Au fil des épisodes, le show s’assombrit et nous confronte à des situations tragiques. Cependant, l’auteur insuffle des respirations bienvenues et parvient à faire redescendre la pression en nous faisant rire avec cet humour génial et propre aux Britanniques. En abordant des questions difficiles comme le harcèlement, la dépression et les violences sexuelles, Mon petit renne est le genre de série qui nous marque profondément et nous reste longtemps en tête. Aussi touchante que dérangeante, c’est une petite pépite sombre et nécessaire qu’il faut découvrir de toute urgence.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste