The Animals, Ennio Morricone, Charles Aznavour, France Gall, The Supremes : il y a 60 ans, l’industrie musicale faisait l’une des rentrées les plus impressionnantes de son histoire.
En 1964, le rock britannique prend son envol pour les États-Unis : la Beatles-mania bat son plein. La pop française et le son des yéyés envahissent la pop mondiale et résonnent jusque sur les radios japonaises, tandis que le mouvement folk prospère sur la contestation de la guerre au Vietnam.
Après un été marqué par un début de détente entre le bloc soviétique et le bloc de l’Ouest sur la question de l’arme nucléaire, mais une aggravation de la situation politique dans toute l’Asie, les charts déversent en cette rentrée une densité de tubes rarement retrouvée par la suite. Petite revue musicale !
| The Animals signent un tube accidentel avec la chanson traditionnelle House of the Rising Sun
La reprise d’une chanson traditionnelle triste aux origines obscures par une bande de gamins anglais complètement inconnus et pas franchement à l’aise sur scène, voilà qui n’avait rien pour faire un tube.
Pourtant, The House of the Rising Sun propulse The Animals en tête des charts mondiaux et lance la carrière du groupe. À l’origine de ce curieux choix de chanson : la volonté du groupe de chanter quelque chose de très différent de Chuck Berry, dont ils assuraient la première partie. Pari gagné !
| The Cat de Jimmy Smith et Lalo Schifrin fait danser le monde
Pas encore totalement éclipsé par le rock dans les playlists des radios occidentales, le jazz était bien présent dans cette rentrée 1964.
Aux côtés des disques de Stan Getz, João Gilberto ou encore Joe Henderson, le redoutable Jimmy Smith signe l’album The Cat, remarqué pour son utilisation de l’orgue Hammond B-3. Les arrangements du compositeur Lalo Schifrin sont pour beaucoup dans le succès d’un disque devenu un standard du genre.
| France Gall nous met en garde avec Laisse tomber les filles
À 16 ans, France Gall est encore peu ou prou inconnue du public, ses premiers titres n’ayant pas été spécialement remarqués. La collaboration de sa maison de disque avec un certain Serge Gainsbourg, dont la propre carrière piétine alors sérieusement, va changer la donne.
Taillé pour se transformer en succès entêtant, le très efficace Laisse tomber les filles va largement dépasser les frontières françaises et devenir un titre culte régulièrement entendu dans des bandes-son hollywoodiennes jusqu’à nos jours.
Barbra Streisand empoche son premier top 1 avec People
Contrairement à France Gall, Barbra Streisand était déjà un nom assez connu du grand public au moment d’interpréter People, notamment grâce à ses nombreux rôles dans des comédies musicales au début des années 1960.
Mais il faut attendre ce single en particulier, tiré de la bande-son du spectacle Funny Girl présenté à Broadway début 1964 pour que la voix puissante de Streisand décroche son premier véritable carton. La chanson est certes un peu oubliée de nos jours, mais elle a marqué son temps.
Les Supremes chantent leur Baby Love
Les Supremes, elles, avaient déjà percé dans l’industrie de la musique. Après des années de galères, le triomphe de Where did our Love Go en août 1964 achève de mettre le nom de ces prodiges du R’n’B sur toutes les lèvres. Reste encore à transformer l’essai : c’est ce que réussissent à faire les cadres de la Motown via « l’usine à tubes » Holland-Dozier-Holland en produisant Baby Love.
L’interprétation incroyable des Supremes en fait un des plus grands tubes du XXᵉ siècle, notamment grâce à son immense popularité sur le continent européen. Baby Love est encore régulièrement citée comme l’une des plus grandes chansons de tous les temps.
Barbara chante Barbara, le premier succès populaire d’une légende de la chanson
On a du mal à l’imaginer tant elle est désormais considérée comme l’une des plus grandes chanteuses françaises de l’histoire, mais les premiers albums de Barbara peinaient à trouver leur public, au-delà d’un cercle de mélomanes avertis.
En 1962, le succès de la chanson Dis, quand reviendras-tu ? élargit son public. Mais Barbara n’atteint le succès commercial qu’avec son album Barbara chante Barbara en 1964, dont sont en particulier tirés les singles Nantes et À mourir pour mourir.
Ennio Morricone impérial sur la bande-son de Pour une poignée de dollars
Dans les années 1960, le déclin du genre du western à Hollywood a permis aux Italiens de prendre la place laissée vacante, avec des films de cowboys tournés dans le sud de la péninsule ou au fin fond de l’Espagne.
Le western spaghetti renouvelle les codes du genre, recycle de vieilles gloires américaines et permet à un jeune et brillant compositeur d’illustrer les chefs-d’œuvre d’un certain Sergio Leone. Avec la bande-son de Pour une poignée de dollars, Ennio Morricone, alors âgé d’à peine 40 ans, livre un incontournable de la musique de film.
Les Zombies se font poser un lapin dans She’s not There
Les Zombies sont un des groupes auquel on a accolé le terme de « British Invasion », même si ironiquement, leur succès fut éphémère, et… assez faible dans leur Angleterre d’origine ! Mais She’s not There est un succès incontestable aux États-Unis, et sera l’une des chansons les plus reprises de cette période.
En déclin assez rapide par la suite, le groupe se sépare moins de trois ans plus tard… Avant de se reformer ponctuellement puis définitivement dans la décennie 2000. Les Zombies sont décidément immortels, puisque leur dernier album est sorti l’année dernière, en 2023.
There’s Always Something to Remind Me, le tube que tout le monde s’arrache
C’était la chanson que tout le monde voulait s’approprier en 1964 ! Burt Bacharach and Hal David composent cette bluette pour la chanteuse Dionne Warwick en 1963, mais le titre ne passe pas alors le stade de la démo. Il sera en revanche interprété en moins d’un an par de nombreux autres artistes, allant de Lou Johnson à… Eddy Micthell, qui en fera la ritournelle Toujours un coin qui me rappelle en 1965.
Mais c’est bien la version de la jeune Sandie Shaw qui arrive en haut du podium et s’impose comme un titre culte en septembre 1964. De très (très) nombreuses autres versions de ce tube seront enregistrées dans les six décennies qui suivent !
Charles Aznavour chante la mélancolie de ses 20 ans dans Hier encore
Charles Aznavour, déjà âgé de 40 ans et nostalgique de sa jeunesse, interprète cette année-là ce qui sera l’un de ses plus grands succès mondiaux.
Véritable triomphe critique et commercial, Hier encore est une balade intemporelle et universelle qui connaîtra d’ailleurs des centaines de versions, dont une multitude de reprises internationales en anglais, italien et même espagnol, entonnées par Aznavour lui-même. La chanson est même devenue un classique du répertoire japonais !
Because, par The Dave Clark Five, le tube oublié
Terminons cette sélection avec une chanson qui a la particularité d’être en grande partie tombée dans l’oubli, mais qui fut un phénomène monstrueux à l’automne 1964 ! Alors souvent comparés (voire mis en concurrence) avec les Beatles, les membres de The Dave Clark Five enchaînent alors les tubes et se placent en tête des ventes de rock britannique avec ce Because pendant des semaines.
Mais, comme le remarquent les critiques d’alors, si les Beatles sont déjà en train d’expérimenter sur de nouvelles sonorités et que des groupes comme les Rolling Stones émergent avec des propositions radicalement nouvelles, The Dave Clark Five proposent un son et des chansons presque déjà datées.
Leur succès s’évapore rapidement aux États-Unis et en Europe, le groupe devant se recentrer sur le Royaume-Uni dans la seconde moitié des années 1960… Avant de se séparer dans un relatif anonymat au début des années 1970.