Critique

« Babel Babel », le nouvel opus humaniste et revigorant d’Indochine

07 septembre 2024
Par Benoît Gaboriaud
"Babel Babel", le nouvel opus humaniste et revigorant d’Indochine
©Stéphane Ridard

Groupe emblématique des années 1980, mais aussi des années 2000 grâce à une résurrection nommée J’ai demandé à la Lune, Indochine rompt un long silence de sept ans avec Babel Babel, un quatorzième album à contre-courant des courts standards formatés. Un monument audacieux et réussi !

Après 13, paru en 2017 et écoulé à plus de 500 000 exemplaires, Indochine revient aux platines dans une forme olympique. Durant tout ce temps, le groupe n’a pas vraiment fait vœu de silence. En 2022, Nicolas Sirkis et ses acolytes étaient notamment partis en tournée pour célébrer leurs 40 ans de carrière. Mais, après des mois de teasing, ils dévoilent enfin leur nouvelle création monumentale : un double album renfermant 17 titres intimes et engagés, à la hauteur de l’édifice culte dont il reprend le nom !

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De Bosch à Géricault

Ce nouvel opus est donc doublement nommé Babel Babel, en écho au mythe de la tour, réflexion biblique sur la vanité et l’orgueil humain. Pour illustrer ce titre, le quintette s’est offert les talents de David LaChapelle, qui signe la pochette. L’illustre photographe américain y réinterprète cet épisode de la Bible dans un style rétrofuturiste et cataclysmique qui évoque les toiles de Bosch ou Géricault.

L’artiste donne parfaitement le ton flamboyant, parfois à la limite du pompier, du contenant, en représentant un monde actuel, cacophonique et en perdition, dans lequel l’humanité apparaît écrasée par son incapacité à dialoguer : thème central du disque !

On ne change pas une recette qui régale

Que les fans se rassurent, Indochine n’a pas perdu la main et renoue avec ce qui fait l’ADN des chansons du groupe : une pop puissante, synthétique et électrique. Mais deux titres font figure d’exceptions et se démarquent par leur production audacieuse ; les bouleversants Le Garçon qui rêve (coécrit avec la romancière Chloé Delaume, comme le titre No Name) et Seul au paradis. Symphoniques, donc accompagnés de cordes et de cuivres, ils ont été enregistrés aux Air Studios, à Londres. Tous deux grandioses, ils clôturent à merveille chacun des deux disques, mais on en vient à regretter que le projet dans son ensemble n’ait pas bénéficié d’une telle audace et d’un tel raffinement, d’autant qu’au cœur de cet orchestre, la voix de Nicolas Sirkis rayonne magnifiquement ! 

Sur le plan musical, les 15 autres titres surprennent moins. Très homogènes, ils se révèlent malgré tout être autant d’hymnes libérateurs et jouissifs portés par des chœurs envoûtants, à l’instar du tube Le Chant des cygnes, écrit en soutien aux femmes iraniennes qui défient le port obligatoire du voile. Ce premier single au refrain particulièrement enthousiasmant a servi d’hymne à l’UEFA Euro 2024 de football et a été repris par la chaîne allemande ZDF à l’occasion des Jeux de Paris 2024. En la matière, Indochine fait preuve d’un savoir-faire irréprochable qui emballe depuis des décennies les foules, alors, à quoi bon changer une recette qui régale ?

Une liberté affirmée

Indochine ne se renouvelle donc pas franchement, mais s’autorise quelques libertés bienvenues, comme des longs formats, non calibrés pour les réseaux sociaux et les radios. Sept des 17 titres dépassent les cinq minutes, comme les deux d’ouverture Showtime et Babel Babel. Ce dernier commence notamment par des extraits de journaux télévisés issus du monde entier et s’étire pendant huit minutes. Ainsi, et sur la plupart des titres, Indochine parvient à instaurer des atmosphères électrisantes, qui font désormais office de signature.

Showtime est, elle, dopée par une longue introduction incandescente, impulsée par une phrase extraite d’un livre de Chloé Mons : « Et moi, je couche toujours le premier soir et dans mon esprit oui, c’est toujours pour la vie. » Nicolas Sirkis la reprend avec Ana Perrote, chanteuse du groupe espagnol Hinds, mais Gilrfriend, son duo aérien avec Marion Brunetto de Requin Chagrin, nous a davantage emportés.

indochine-ok

Parmi les autres libertés, on retient les rythmiques disco de Victoria ou l’électro-reggae de La Belle et la Bête. En revanche, on se serait bien passé des cuivres embarrassants d’Annabelle Lee, qui lui confèrent une ambiance de kermesse.

Au sein de cette grande fête onirique, Indochine conjugue l’obscurité et la lumière, questionne une nouvelle fois le genre, s’invite dans le conflit russo-ukrainien et côtoie pêle-mêle Volodymyr Zelensky, l’ex-Première ministre finlandaise Sanna Marin, Henry Kissinger, Oskar Kokoschka, Peter Pan… Tous semblent ainsi marcher à l’unisson, emportés par cet élan tempétueux, mais revigorant ! 

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