Prix du roman Fnac et Goncourt des lycéens, Gaël Faye a fait une entrée fracassante en littérature avec Petit Pays, paru en 2016. Mais il était également connu des mélomanes pour ses disques, en groupe et en solo. Il retrouve ce médium cette année, avec la parution d’un deuxième album sous son nom, Lundi méchant, inspiré d’un concept de soirée organisée au Burundi, son pays natal. Portrait d’un artiste sensible et porté par le mélange des cultures.
Une enfance lointaine pour Gaël Faye
C’est à Bujumbura, au Burundi, qu’est né Gaël Faye au début des années 1980. Sa mère rwandaise et son père français l’élèvent dans ce « petit pays » d’Afrique, jusqu’à la décennie suivante. La guerre civile au Burundi, puis celle du Rwanda, encore plus meurtrière, en 1994, obligent ses parents à quitter la région. Ils s’installent dans les Yvelines, où le jeune homme va s’initier à la musique urbaine, et poursuivre des études brillantes.
Diplômé d’une grande école de commerce et d’un master en finance, il travaille à la fin des années 2000 à Londres dans un cabinet spécialisé, avant de s’en lasser. Son goût du slam, de l’écriture, l’a en effet conduit à bifurquer vers le secteur de la musique, voulant raconter son parcours dans des textes incisifs parlant de l’exil involontaire et du décalage entre la France et sa terre d’origine.
Une éclosion dans la musique
Gaël Faye découvre le collectif slam Sang d’encre, après avoir troqué son costume de travailleur du tertiaire pour un micro. Il y rencontre Edgar Sekloka, comme lui écrivain dans l’âme, avec qui il fonde le groupe de rap Milk Coffee & Sugar. Les deux compères lancent un label, puis enregistrent un premier disque, homonyme. Leur facilité avec les mots, doublée d’un certain sens de la mélodie, fait rapidement mouche.
Sur leur premier album, qui leur permet de tourner et devenir Découverte du Printemps de Bourges en 2011, ils collaborent notamment avec Beat Assailant, puis gravissent quelques échelons dans la scène rap, avec des premières parties d’Oxmo Puccino ou d’Hocus Pocus.
Quelques mois plus tard, Gaël Faye décide de raconter son histoire dans un disque sous son propre nom. Pili pili sur un croissant au beurre matérialise son ascension dans le milieu rap français. Si la facture musicale paraît somme toute classique, avec ses références aux années 90, l’écriture engagée et poétique du lyriciste fait mouche. Fils du Hip Hop, Isimbi avec Ben L’Oncle Soul ou Petit Pays figurent parmi les meilleurs moments d’un album mémorable.
Un succès littéraire : Petit pays
Aborder frontalement, dans un roman, son existence, sa région d’origine, le caractère transfuge de sa vie : tel est le propos du premier livre de Gaël Faye, Petit pays. Il a donc inventé le personnage de Gabriel, un garçon de dix ans, son double littéraire, qui doit subir en quelque temps les drames de la vie de famille, et ceux, plus angoissants encore, de la guerre.
L’auteur a ainsi témoigné, cette fois à l’écrit, du parcours qui l’a mené du Burundi à la France, en mêlant le quotidien et l’Histoire. On y découvre aussi bien l’ordinaire de ce pays en temps de paix que le changement brusque de la situation, la montée de la barbarie et de la folie meurtrière. Le héros du livre, nimbé dans une poésie qui touche à la fois au beau et à l’abject, grandit au fur et à mesure des pages, trop vite, et sa trajectoire morcelée dit bien le choc de l’exil.
A sa sortie, le livre est unanimement salué : tous reconnaissent en Gaël Faye l’un des auteurs les plus prometteurs de sa génération. Comme Stromae avant lui, le jeune homme resitue le génocide rwandais parmi les conflits majeurs de ces dernières décennies, en nous en démontrant les implications les plus personnelles.
Le livre a trouvé une seconde vie, à travers la sortie, fin août, du film adapté du roman par Éric Barbier, mettant en vedette Djibril Vancoppenolle dans le rôle de Gaby et Jean-Paul Rouve dans celui du père.
Retour en disque, et en livre, pour Gaël Faye
L’actualité plus récente de Gaël Faye montre que le garçon continue d’exploiter plus d’une facette de son talent. Paru le 30 septembre, L’Ennui des après-midi sans fin, titre initial d’un slam présent sur son premier album, adapte en livre d’images ce conte oral. L’ouvrage, illustré par Hippolyte, est accompagné d’un CD contenant la version lue et la version instrumentale de ce poème métaphorique.
Son nouvel album, le premier en sept ans, Lundi méchant, annoncé par le single Respire, voit l’artiste porter son style du côté du mélange des genres. Inspiré d’un concept de soirée ayant lieu le lundi soir dans un club du Burundi, ce second disque invite à sortir des carcans, en écoutant un Gaël Faye toujours plus libre, et évoluant désormais dans le champ très large de la chanson à texte, entre slam, rap et mélodies. Le clip Lundi méchant vient illustrer cette expression burundaise qui signifie lundi rebelle : aller à l’encontre du blues du lundi et croquer la vie à pleines dents !
Son livre fétiche ? La série qui l’a marqué ? Découvrez les coups de coeur de Gaël Faye, au détour d’une balade à la Fnac
