Décryptage

« Promis Le Ciel » de Delgres : un nouvel album pour un nouvel horizon

23 février 2024
Par Julien D.
"Promis Le Ciel" de Delgres : un nouvel album pour un nouvel horizon

Le trio frenchy le plus original de ces dernières années rempile avec Promis Le Ciel, leur 3e opus. Une production gonflée à bloc, le verbe toujours plus affûté et immanquablement polyglotte (créole, français, anglais) et des glissades rock assumées qui ne négligent en rien ce blues soulful et cuivré sur lequel ils ont bâti leurs succès. Encore une fois, un vrai régal. Mési Delgres ! 

Blues, rock & grooves de résistance 

Dans un monde chahuté, ou certaines personnes semblent avoir pour objectif discutable d’attiser la tentation du repli sur soi et du refuge communautaire, le temps est venu de louer non pas le ciel, mais le travail du groupe Delgres pour leur formule musicale inclusive, clairvoyante et sans fausse note, au sens propre comme figuré. 

delgres

©Josic Jegu

Qui donc aurait soupçonné qu’au terme d’une grosse poignée d’années, un trio franco-guadeloupéen composé d’un chanteur-guitariste (Pascal Danae), d’un batteur (Baptiste Brondy) et d’un sousaphone (RafGee) allait mettre tout le monde d’accord ? Les fervents défenseurs d’un rock électrique aux accents toniques. Les dingues de ce blues qu’on qualifie d’authentique. Les amoureux des belles lettres et du beau texte. Les inconditionnels des musiques d’Outre-mer et des cultures créoles… Et bien sûr tous les autres, hommes, femmes, public intergénérationnel simplement friand de bonnes vibrations que l’on croise en masse aux concerts du trio. Si vous n’avez jamais vécu l’expérience sur scène, vous feriez bien d’ouvrir votre agenda et de vous pencher sur la tournée Delgres qui accompagnera la sortie de leur nouvel album.

Metteurs en son ! 

Comme dit un peu plus haut, si ce nouvel album paraît plus musclé, c’est que pour faire entendre sa voix aujourd’hui, il est parfois de bon ton de monter le niveau d’un cran. Delgres avait amorcé cette mutation à la sortie de la pandémie avec 4:00 A.M, et c’est logiquement en termes de son, de volume et de production que l’on note le changement de calibre du trio.  

Dès le titre d’ouverture qui donne son nom à l’album, la batterie presque industrielle couplée à la vibration mécanique du sousaphone donne le ton et porte avec brio les riffs de guitare du chanteur mais surtout son propos : 

“On m’a promis le ciel, en attendant j’suis sur la terre… à ramer/ On m’a promis le ciel, en attendant j’suis sur la mer… à ramer / On m’a promis le ciel, en attendant j’suis en enfer »… A crever, pourrait-on ajouter.  

Leurre religieux, esclavage historique, asservissement moderne, inégalités… On vous laisse le choix des thèmes principaux abordés dans cette chanson “coup de poing” aux arrangements surprenants. Ils en disent évidemment long sur la symbolique que défend le groupe en empruntant pour patronyme le nom de Louis Delgres.  

Mais que celles et ceux à qui les grooves mécaniques font peur se rassurent. Si le son de ce nouvel album est vigoureux et gonflé comme un coach chez Basic Fit, les compositions peuvent se faire aussi plus souples, plus ondoyantes, plus ondulantes, plus cadencées… Plus collé-serré que rentre dedans si on va au bout de l’idée et qu’on se concentre sur l’aspect groovy de la musique de Delgres.

D’ailleurs, Walking Alone, le second single extrait de Promis Le Ciel possède tous les arguments qui nous avait séduits en première instance. Mélodie et refrain catchy, équilibre créole/français/anglais, breaks bluesy et ce rendu “enveloppant” que le travail de la rythmique (basse/sousaphone-batterie) sublime comme dans toute composition faisant allégeance au souffle afro-américain.

Pourquoi ce monde et sa jolie couleur typiquement caraïbéenne. Samedi soir et son groove de bal néo-orléanais. Le gospel-blues tournoyant de Pa Lese Mwen ou ces deux délicats balayages folk qui clôturent l’album (An Pa Ni Sou & Where Do They Go) reflètent aussi très bien l’exercice d’équilibriste dont est capable le trio.

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Une évolution somme toute logique pour un groupe qui partait d’une formule assez primitive, attaché aux timbres des instruments. Au fil du temps et du succès grandissant, des envies et d’un monde toujours plus bruyant, tempétueux et inégalitaire, le groupe a inévitablement monté le son et dû élever la voix. Comme l’avait fait un certain Louis Delgres il y a plus de deux cents ans face à l’oppression des troupes de Bonaparte à l’égarde de la population des Antilles françaises. Quand l’histoire résonne…

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Julien D.
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